Accueil Santé Santé Publique – PAR ELSA BELLANGER – PUBLIÉ LE 30/01/2020
Crédit photo : PHANIE
Interdiction des écrans avant 3 ans et des écrans 3D avant 5 ans, interdiction avant de s’endormir ou pendant les repas, ou encore absence dans la chambre et accompagnement des usages. Dans un rapport publié mercredi, le Haut Conseil de la Santé publique (HCSP) émet une série de recommandations sur l’exposition aux écrans des enfants et des adolescents.
Soulignant qu’il n’est pas en mesure, dans un contexte de croissance des études aux résultats parfois contradictoires, d’apporter des « conclusions sûres et unanimes pour tous les paramètres étudiés », le HCSP insiste sur la mise en œuvre de principes généraux qui doivent encadrer l’usage des écrans pour les enfants et les adolescents. Car, si les écrans peuvent se révéler bénéfiques dans des situations précises, comme l’apprentissage, ils comportent des risques potentiels et des effets variables selon les âges.
Délimiter et accompagner les usages
À partir de 3 ans, il s’agit plutôt de réguler leur utilisation, en fixant un objectif précis et en délimitant des temps à l’usage de l’écran. Il s’agit également de contrôler les contenus visionnés et d’accompagner les usages. La présence d’un adulte « capable de contextualiser et de discuter les résultats des interactions écran-utilisateur » apparaît impérative, insiste le rapport. Les adultes doivent par ailleurs « montrer l’exemple » et ne pas « être accaparés par les écrans en présence des enfants ». Ils doivent aussi veiller à ce que les activités liées aux écrans ne nuisent pas aux autres activités, physiques notamment.
Au-delà de ces recommandations générales, les auteurs notent qu’ « entre affirmation populaire, principe de précaution, point de vigilance, bon sens ou résultats scientifiques, il est difficile de se forger un avis objectif et éclairé », d’autant que les effets analysés dans la littérature scientifique sont d’une grande variété : sommeil, activité physique, développement cognitif, santé, vision, audition ou encore dépression.
Un effet avéré sur le sommeil
Ainsi, si les effets sur le sommeil, quand l’usage journalier est supérieur à 2 heures ou juste avant de dormir, est bien documenté et avéré, ceux sur la vision et l’audition par exemple ne font pas l’objet d’un consensus par manque d’études et de preuves d’effets.
Concernant les fonctions cognitives et langagières et la santé mentale, les essais randomisés contrôlés et les études longitudinales font « cruellement » défaut, tant les résultats disponibles apparaissent « contradictoires » : « Certains travaux observent des effets négatifs sur l’acquisition du langage alors que d’autres notent des améliorations des apprentissages », observe le HCSP, soulignant un point de convergence sur « l’importance de l’interaction entre l’enfant et l’adulte lors de l’utilisation de l’écran ».
En termes de troubles de la santé mentale et de conséquences sur les relations familiales et sociales, les résultats peuvent également être contradictoires et « font apparaître des déterminants liés à la vulnérabilité des adolescents et liés à leur environnement éducatif et socio-économique », indiquent les auteurs.
Une association entre temps devant un écran et surpoids/obésité
Une association, bien que variable selon le type d’écran, est en revanche observée entre le temps passé devant les écrans et le surpoids ou l’obésité. « Le temps passé devant la télévision est associé à des prises alimentaires augmentées, un temps de sommeil réduit et une qualité de sommeil altérée », peut-on lire. Mais, là encore, les déterminants socio-économiques sont « fortement » impliqués.
En matière de troubles émotionnels, affectifs et de bien-être, un effet dose-réponse est constaté. « Si l’utilisation excessive d’internet est associée à des troubles émotionnels, les travaux les plus récents font l’hypothèse que les enfants vulnérables sont ceux qui utilisent le plus internet et les réseaux sociaux », détaille le rapport, qui souligne une relation bi-directionnelle et dépendante du type d’écran et des contenus.
La nécessité d’approfondir la recherche
Sur ce dernier point, la question de l’exposition à des contenus violents, dans les jeux vidéo notamment, apparaît « non résolue ». Mais, « au-delà de la violence des contenus des jeux, l’interaction entre cette violence et la compétition qu’ils instaurent serait prédictive de l’agressivité des jeunes joueurs », est-il souligné. Concernant les contenus sexuels et pornographiques, « le niveau de maturité et d’éducation des enfants et des adolescents est mis en avant comme facteur majeur des effets de cette exposition sur leurs comportements sexuels », poursuit le rapport.
Autre effet scruté, celui sur les résultats scolaires. Si l’usage, sans objectif ciblé, apparaît néfaste, « les adolescents qui consultent internet pour leur travail scolaire ont de meilleurs résultats que leurs congénères qui ne le font pas », est-il souligné. Comme d’autres, cet aspect met en évidence le poids des déterminants sociaux, comme le niveau de revenu des parents ou leur capital scolaire et culturel.
Ainsi, à côté de la nécessité de développer la recherche pluridisciplinaire, le HCSP recommande aux autorités sanitaires de mettre en place des mesures de « soutien aux habiletés parentales ». L’objectif doit être de permettre le repérage des signes d’alerte d’une utilisation excessive, que sont la somnolence, l’isolement ou la baisse des performances scolaires. Les aides disponibles, comme le site Net Écoute et son numéro vert (0800 200 000), doivent également être promus.
ChezL’adolescent HCSP ChezL’enfant Multimédia
Source : lequotidiendumedecin.fr
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Revue de presse Mediscoop du 29-01-2020
Chez les plus jeunes, l’exposition aux écrans entraine un risque de troubles du langage
Par Mme Aude Rambaud (Saint-Germain-en-Laye)[Déclaration de liens d’intérêts]
L’exposition matinale aux écrans avant l’école et le fait pour un enfant âgé de trois à six ans de ne pas parler du contenu regardé, exposent à un risque de troubles du langage. C’est ce qu’indique une étude cas-témoin menée en Ille-et-Vilaine récemment parue et dont les résultats sont relatés dans le dernier numéro du Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire.
Les enfants exposés aux écrans le matin avant l’école et qui discutent rarement, voire jamais, du contenu des écrans avec leurs parents multiplient de trois à six leur risque de développer des troubles primaires du langage. C’est ce qu’indique une étude française parue en 2019 et reprise dans le Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire.
Il s’agit d’une étude multicentrique cas-témoins dont l’objectif était d’évaluer le lien entre l’exposition des enfants aux écrans, tels que la télévision, l’ordinateur, la console de jeux, la tablette ou le smartphone, et les troubles primaires du langage.
Elle a inclus 167 enfants âgés de 3,5 à 6,5 ans, nés entre 2010 et 2012 et diagnostiqués avec des troubles primaires du langage, ainsi que 109 sujets témoins ne présentant pas de trouble du langage. Les questionnaires ont été complétés par les parents, recrutés via 16 cabinets de médecine générale et 27 cabinets d’orthophonistes en Ille-et-Vilaine.
Les auteurs ont constaté que les cas (44,3%) et les témoins (22,0%) qui étaient exposés aux écrans le matin avant l’école étaient trois fois plus à risque de développer des troubles primaires du langage (OR 3,40, IC95% [1,60-7,23]). Et lorsque ce risque était associé au fait de discuter rarement, voire jamais, du contenu des écrans avec leurs parents (ORa=2,14 [1,01-4,54]), ils étaient six fois plus à risque de développer des troubles primaires du langage (OR 5,86 [1,44 – 23,95]).
Référence : Manon Collet et al. – L’exposition aux écrans chez les jeunes enfants est-elle à l’origine de l’apparition de troubles primaires du langage ? Une étude cas-témoins en Ille-et-Vilaine.
BEH N°1 / 2020.
[Télécharger l’article]
Date de publication : 29 janvier 2020
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Trop exposer son enfant aux écrans diminue sa mobilité, alerte une étude
Un enfant à la crèche, à Neuilly-Plaisance (Seine-Saint-Denis), en mars 2017 (PHOTO D’ILLUSTRATION). – BERTRAND GUAY / AFP
Une étude réalisée sur 552 enfants à Singapour montre que l’exposition prolongée aux écrans affaiblit la mobilité des plus jeunes, confirmant ainsi les recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé.
Qu’il s’agisse de tablettes ou de smartphones, les tout-petits sont exposés de plus en plus tôt aux écrans. Et une étude menée sur 552 enfants de 2 à 5 ans à Singapour montre que ceux qui ont passé le plus de temps devant sont moins mobiles que les autres, explique la revue scientifique The Lancet Child & Adolescent Health dans une publication repérée par Libération. Ces résultats donnent raison à l’Organisation Mondial de la Santé, qui alerte depuis plusieurs années sur les dangers des écrans chez les plus jeunes.
En moyenne, 2,5 heures d’écran par jour
L’équipe, composée de 16 chercheurs, a suivi 552 enfants entre leurs 2 et 5 ans, en demandant à leurs parents de noter les heures quotidiennes passées devant l’écran. À la fin des trois ans, ils les ont équipé d’un accéléromètre, c’est-à-dire un appareil qui capte et enregistre les accélérations d’un objet.
L’objectif était de « mesurer l’effet des écrans sur leur activité future, puis d’identifier précisément à quels types d’activités s’était substitué le temps passé devant », les écrans, détaille auprès de Libération Jonathan Bernard, épidémiologiste français de l’Inserm, co-auteur de l’étude.
Leurs travaux permettent d’abord d’établir une moyenne d’exposition quotidienne aux écrans de 2,5 heures. Sur l’ensemble des participants, seuls 19% sont devant les écrans moins d’une heure par jour, tandis que près d’un tiers (29%) regardent un écran plus de trois heures par jour.
Et cela n’est pas sans conséquence sur sa mobilité. Un enfant de 5 ans qui est exposé au moins 3 heures par jour aux écrans voit son activité physique abaissée de 40 minutes par jour par rapport à celui de deux ans qui passe moins d’une heure devant.
180 minutes d’activité physique quotidienne
Ces données viennent confirmer les dernières recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé dévoilée en avril dernier: “Pour grandir en bonne santé, l’enfant de moins de cinq ans doit passer moins de temps assis devant un écran ou attaché à son siège ou dans sa poussette”, affirmait l’OMS.
Il est ainsi conseillé de ne pas laisser un enfant de moins deux ans devant un écran et de ne le laisser pas plus d’une heure lorsqu’il atteint les deux ans. Des mesures qui doivent s’accompagner d’une activité physique (de modérée à forte) d’au moins 180 minutes, pour éviter tout risque d’obésité.
Esther Paolini
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Revue de presse Mediscoop du 29-01-2020
« Enfants et écrans : une étude qui en remet une couche »
Nathalie Raulin remarque en effet dans Libération : « Nouvelle étude, nouvelle alerte. Publiées ce mercredi dans le très sérieux mensuel britannique The Lancet Child & Adolescent Health, les conclusions des travaux menés à Singapour par une équipe de chercheurs internationaux vont apporter un peu plus d’eau au moulin de ceux qui crient aux dangers des écrans pour les jeunes enfants ».
La journaliste explique que « l’objectif a été d’évaluer leur impact sur l’activité des tout-petits quand ils grandissent. Plus précisément, les chercheurs se sont intéressés aux conséquences d’une exposition d’un enfant de 2 ans sur son sommeil et son activité physique trois ans plus tard. Leur bilan vient étayer des soupçons déjà anciens : plus un enfant passe de temps devant les écrans à 2 ans, moins il bouge à 5 ans ».
Nathalie Raulin précise que les auteurs « ont sélectionné 552 enfants de Singapour, enrôlés dès leur naissance dans une cohorte baptisée Gusto. Quand ces derniers ont eu 2 ans, les chercheurs ont demandé à leurs parents de relever leur temps passé devant différents types d’écrans. Trois ans plus tard, ils les ont équipés, durant une semaine complète, 24 heures sur 24, d’un accéléromètre, appareil évaluant l’intensité des mouvements ».
Jonathan Bernard, épidémiologiste à l’Inserm, coauteur, indique que « l’idée était de mesurer l’effet des écrans sur leur activité future, puis d’identifier précisément à quels types d’activités s’était substitué le temps passé devant la télé, les tablettes ou les smartphones ».
Il ajoute que « la force de cette étude est d’être longitudinale, donc inscrite dans la durée, et de porter sur un nombre important d’enfants. Etant fondée sur l’observation, elle est dépourvue de groupe contrôle, qui aurait pu permettre d’établir sans discussion le lien de causalité. Mais parce que nous avons tenu compte de nombreuses variables – le milieu social, le revenu du foyer, le sexe, l’ethnie… -, on s’en approche fortement ».
Nathalie Raulin retient que « les chercheurs font une observation préoccupante. Aux dires mêmes de leurs parents, à 2 ans, les enfants de Singapour passent en moyenne 2,5 heures par jour devant les écrans, qu’il s’agisse de télévision, de tablette ou de smartphone. Et 29% y sont même scotchés plus de 3 heures par jour, tandis que seulement 19% d’entre eux les regardent moins d’une heure au quotidien… ».
« Les chercheurs en ont mesuré les effets négatifs 3 ans plus tard : un enfant de 5 ans qui à 2 ans regardait les écrans plus de 3 heures par jour a en moyenne une activité physique inférieure de 40 minutes par jour – 30 minutes d’activité légère (comme la marche) et 10 minutes d’activité plus intense (comme la course) – à celle de son petit copain qui, à 2 ans, passait moins d’une heure par jour devant les écrans… », explique la journaliste.
Jonathan Bernard souligne ainsi : « Un enfant s’habitue à la sédentarité à laquelle le contraint l’écran. Même s’il faudrait répliquer l’étude pour vérifier que ce qui est vrai à Singapour l’est aussi ailleurs, cela valide en l’état la recommandation de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de limiter à une heure maximum par jour le temps d’écran des enfants de 2 à 5 ans. Au-delà, le risque pour les jeunes de développer surpoids et obésité s’accroît ».
Et dans un entretien, le sociologue Claude Martin, directeur de recherche au CNRS, « dénonce les multiples pressions subies par les parents et une forme de mépris de classe véhiculé par les critiques de l’utilisation prolongée des écrans ».
Il déclare notamment : « Il y a une certaine convergence des avis scientifiques sur les dangers pour les enfants d’être confrontés précocement à dose intensive aux écrans. […] Je ne suis pas compétent pour soutenir ou démentir que l’excès d’écrans trop jeune abîme le cerveau. En revanche, il me semble bien établi depuis des décennies que le développement de l’enfant et ses apprentissages passent avant tout par les relations avec autrui. L’enfant a besoin de ces échanges entre humains, qu’il n’a pas quand il a le nez sur un écran.
De même, que penser d’un apprentissage de l’écriture sur un clavier ? Encore une fois, il semble bien que c’est oublier l’importance du geste pour former chaque lettre. Taper sur une touche ne correspond au fond qu’à un seul geste. Nos cerveaux vont-ils finir par être différents demain ? ».
Date de publication : 29 janvier 2020