MÉDICAMENTS  –  Par Marielle Ammouche le 25-03-2022

Une image contenant texte

Description générée automatiquement egora.fr

Les opioïdes font l’objet d’une attention particulière du fait du risque de dépendance physique et psychique qu’ils entrainent, et qui peut conduire à un mésusage et/ou un surdosage, avec des conséquences potentiellement graves.

Et si l’on n’a pas vécu, en France, de crise liée à la surconsommation de ces médicaments, comme aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni, il apparait nécessaire de rester vigilant et de vouloir prévenir ce type de situation.

C’est dans cet optique, qu’ont été rédigées les premières recommandations de bonne pratique sur le « Bon usage des médicaments opioïdes ».

L’enjeu est « de sécuriser l’usage des opioïdes sans en restreindre l’accès pour les patients qui en ont besoin » affirme ainsi la HAS. L’information du patient doit aussi être renforcée.

Les opioïdes sont fréquemment utilisés. Ainsi, en 2015, près de 10 millions de Français (soit 17,1 % de la population) ont eu une prescription d’antalgiques opioïdes, un chiffre qui serait en hausse ces dernières années.

Les recommandations de la HAS font tout d’abord le point sur chaque situation dans laquelle les opioïdes sont indiqués pour une douleur, y compris la dépendance à ces substances, avec des algorithmes décisionnels.

Sont ainsi détaillés, avec les indications les règles d’instaurations, de durée, de surveillance… : les traitements de la douleur chronique non cancéreuse, de la douleur aiguë, de celle liée au cancer, ou encore chez la femme enceinte et allaitante.

La HAS insiste en particulier sur le fait qu’en cas de douleur chronique non cancéreuse, les antalgiques opioïdes ne doivent être envisagés « qu’en dernier recours ».

Et aussi sur le fait que ces traitements ne sont pas recommandés pour les douleurs pelviennes chroniques, musculosquelettiques, ou en cas de migraines.

Globalement l’autorité sanitaire souligne la nécessité de ne pas banaliser le recours à ces thérapeutiques, même s’il s’agit d’un opioïde faible.

Le risque de surdose est lié à la durée et à la quantité prescrite, quelle que soit leur puissance.

Le traitement doit être instauré progressivement avec une surveillance rapprochée, et une réévaluation (avec tentative de diminution des doses) à 6 mois.

Enfin, la HAS aborde la prévention et la prise en charge d’un trouble de l’usage des opioïdes, avec une partie spécifique sur le recours à la naloxone.

Cette prescription, sous une forme prête à l’emploi, doit être envisagée dès celle de l’opioïde. Certains facteurs de vulnérabilité doivent être pris en compte : événement de vie, sortie d’hospitalisation, d’incarcération, etc.

Sources : D’après un communiqué de la Haute Autorité de Santé, 24 mars

Une image contenant rouge, insecte, cerise

Description générée automatiquementTraitement des migraines, analgésie locorégionale, opioïdes… les nouvelles prises en charge de la douleur

C’est la libération de peptide opioïde dans le cerveau qui explique qu’on mange plus et avec plus de plaisir quand on est à jeun que quand on est nourri

De nouvelles formes sous-cutanées à libération prolongée de buprénorphine, un agoniste partiel morphinique utilisé dans l’addiction aux opioïdes, devraient prochainement être mises à disposition.Un patient sur deux dépendant aux opioïdes prêt à prendre de la buphrénorphine long-acting

Doit-on craindre une crise des opioïdes en France ?

===================================================================================

Accueil Spécialités Algologie

Opioïdes : premières recommandations de la HAS pour éviter les risques de mésusage et d’addiction

PAR  DAMIEN COULOMB – PUBLIÉ LE 25/03/2022

Ce devait être une « simple » série de fiches mémo.

À l’arrivée, ce sont des recommandations exhaustives sur le bon usage des médicaments opioïdes que la Haute Autorité de santé vient de publier, les premières du genre.

Très transversal, le texte traite de la prise en charge de la douleur mais aussi de la prévention des surdoses et du trouble de l’usage et ou encore des produits de substitution.

Dans chaque situation, le cas particulier des patients sous TSO est envisagé Crédit photo : Phanie

Dans chaque situation, le cas particulier des patients sous TSO est envisagé

La Haute Autorité de santé (HAS) a publié les toutes premières recommandations détaillées sur la prescription et la consommation d’opioïdes.

En 2015, près de 10 millions de Français, soit 17,1 % de la population, ont eu au moins une prescription d’antalgiques opioïdes.

Bien que la France ne connaisse pas la crise sanitaire induite par la surconsommation de ces antalgiques qui ravage les États-Unis, ce texte reste tout de même très attendu.

« Notre chance, c’est que nous devons prévenir et non pas guérir », explique au « Quotidien » le Pr Nicolas Authier, chef du service de pharmacologie et médecine de la douleur au CHU de Clermont-Ferrand, et président du groupe de travail.

« Ces recommandations visent à maintenir et renforcer les bonnes habitudes de prescription, poursuit-il.

Il faut rester vigilant : nous avons mené plusieurs études qui montrent que les pratiques restent sous-optimales, y compris dans le traitement des douleurs chroniques du cancer », seule indication dans laquelle les antalgiques opioïdes sont recommandés en première intention.

Selon une revue de la littérature réalisée par les chercheurs du centre de médecine palliative du CHU de Clermont-Ferrand, la prévalence du trouble de l’usage d’opioïde dans le monde serait de 8 % parmi les patients traités pour des douleurs cancéreuses.

Les recommandations sont accompagnées de fiches mémo traitant des différentes situations dans lesquelles les opioïdes sont indiqués.

Les situations sont au nombre de quatre : traitement de la douleur chronique non cancéreuse, de la douleur aiguë, de celle liée au cancer et le cas de la femme enceinte et allaitante.

D’autres fiches sont consacrées au risque de mésusage, aux principes généraux des médicaments opioïdes, à la prévention du trouble de l’usage (hors contexte de traitement de la douleur) et des surdoses, au diagnostic et au traitement du trouble de l’usage.

Dans chaque situation, le cas particulier des patients sous traitement de substitution aux opiacés (TSO) est envisagé.

Il est alors préconisé de l’arrêter si c’est de la buprénorphine, ou de le maintenir si c’est de la méthadone.

Savoir dire « stop »

Les recommandations mettent l’accent sur la nécessité d’éviter la banalisation du recours aux opioïdes, et remettent notamment en question le faux sentiment de sécurité procuré par le recours aux opioïdes dit « faibles ».

Le Pr Authier insiste sur ce point : « la distinction entre opioïdes forts et faibles correspond à celle entre les paliers 2 et 3 de l’OMS, rappelle-t-il.

Cette échelle n’est adaptée qu’au contexte des douleurs nociceptives lors de cancers et n’a pas vocation à être généralisée à toutes les formes de douleurs.

Que les opioïdes soient forts ou faibles, les risques de mésusage et d’usage problématique existent, et il vaut parfois mieux prescrire une faible dose d’un opioïde fort qu’une forte dose d’un opioïde faible ».

Autre point pratique : savoir fixer des objectifs thérapeutiques de diminution douloureuse, d’amélioration fonctionnelle ou de la qualité de vie.

Ces objectifs doivent être réalistes et ne pas faire croire que l’ensemble des douleurs disparaîtront grâce au traitement.

« Il faut savoir arrêter un traitement, et il faut savoir expliquer pourquoi on arrête un traitement », ajoute le Pr Authier.

La prescription d’opioïdes, quand elle est nécessaire, doit faire l’objet d’une réévaluation biopsychosociale régulière.

La HAS préconise d’ajuster la posologie et de surveiller l’apparition d’effets indésirables.

Au-delà de six mois de traitement continu, il est proposé de réduire progressivement les doses, voire d’arrêter le traitement, dans le but de vérifier s’il est toujours justifié.

Une organisation à revoir

Pour le Pr Authier, le respect de ces recommandations se fera au prix d’une nouvelle organisation des soins.

« Il faut proposer aux patients des approches non pharmacologiques incluant des psychothérapies, de l’activité physique mais aussi différentes techniques de neurostimulation notamment dans les douleurs neuropathiques », liste-t-il.

Les centres antidouleur rassemblent les professionnels pour accompagner ce genre de démarche, mais ils ne sont pas assez nombreux.

Il faudrait donc, selon le Pr Authier, que la médecine de premier recours s’empare de la question.

« Il faut promouvoir le rôle des médecins, des infirmiers libéraux et autres professionnels de santé en première ligne, poursuit-il.

Avec la mise en place de nouvelles structures comme les communautés professionnelles territoriales de santé, on peut espérer que les patients puissent bénéficier plus précocement, plus facilement et plus près de chez eux d’une approche pluridisciplinaire. »

Prudence dans les douleurs hors cancer

Dans les douleurs non cancéreuses, les antalgiques opioïdes ne doivent être prescrits qu’en dernier recours.

Ils peuvent être envisagés dans les lombalgies et lomboradiculalgies, l’arthrose ou les douleurs neuropathiques mais ne doivent pas être prescrits pour d’autres douleurs musculosquelettiques et des douleurs pelviennes chroniques.

De même, il n’est pas recommandé de les utiliser dans le traitement des migraines (voir encadré) ou des douleurs nociplastiques.

Certains antalgiques comme le fentanyl transmuqueux sont déconseillés.

D’autres comme le fentanyl transdermique ne sont pas adaptés.

Chez les femmes enceintes, il est recommandé de faire preuve de prudence, en particulier si la grossesse est proche du terme, en raison de l’impact de la dépression respiratoire maternelle et du risque de syndrome de sevrage fœtal.

« Il est préférable d’utiliser la morphine quel que soit le terme de la grossesse », indiquent les auteurs.

Chez les femmes allaitantes, un traitement par tramadol ou par codéine est envisageable, à condition qu’il soit bref, et à la posologie la plus faible possible.

Un traitement par codéine est à proscrire lors des deux premières semaines post-partum, quand les effets indésirables sont les plus fréquents.

Quant aux antidotes, les auteurs se positionnent en faveur d’un accès élargi à la naloxone : « Notre recommandation forte est qu’elle puisse être disponible sans ordonnance », précise le Pr Authier.

Par ailleurs, deux formulations de buprénorphine sont actuellement disponibles en France : l’une injectable (Prenoxad, Ethypharm) et l’autre nébulisable (Nyxoid, Mundipharma). Seul le Prenoxad est aujourd’hui disponible sans ordonnance.

Damien Coulomb

HAS Recommandations Algologie

Source : Le Quotidien du médecin