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Dans cette nouvelle, l’écrivain Jean-François Fournel explore la course au large du point de vue d’un amateur participant à la Transat Jacques Vabre.
Du rêve de large à l’angoisse de la mort, ou quand un défi personnel tourne au cauchemar.
Septième épisode de notre série tirée du hors-série les écrivains et la mer.
Départ de la 16e édition de la Transat Jacques Vabre Normandie Le Havre le dimanche 29 octobre 2023 pour les 44 bateaux et 88 navigateurs et navigatrices de la Class40.
Ici au premier plan sur la photo, Groupe SNEF (Class40). | DAVID ADEMAS / OUEST-FRANCE
Jean-François FOURNEL. Publié le 13/08/2024 à 06h30
NOUVELLE. « C’était au-dessus de ses forces » : souvenirs d’une transat inachevée (ouest-france.fr)
« Bravo quand même gars, pas de chance, le plus dur dans la voile, on le sait tous c’est pas d’arriver, c’est de trouver le moyen de partir, toi et ton pote vous êtes partis, la casse matérielle ça pardonne pas, on y est tous passés, t’y es pour rien, ça ira mieux la prochaine fois, allez on se voit dans deux ans pour la prochaine ».
Cette phrase du grand Roland Jourdain, maître de la course au large et conseiller spécial de la Transat en double organisée depuis près de trente ans dans la ville, résonnait encore dans sa tête.
Cette Transat, Jourdain, Bilou pour les connaisseurs, l’avait gagnée deux fois, aux temps héroïques où la course au large était encore affaire d’une poignée de traîne pontons, peu soucieux de plans médias ou d’une carrière dont ils savaient qu’elle pouvait se terminer au fond de l’eau.
Le héros épique, sympa, un poil bourru juste ce qu’il faut et dont la légende s’était enrichie du drame de son copain de bord avec lequel il avait remporté l’édition de 1995.
Paul Vatine, son binôme avait disparu en mer dans l’édition de 1999, laissant son nom à une des écoles de voile de la ville et au bassin où étaient amarrés tous les bateaux concurrents juste avant le départ de la course.
Et c’est ce gars-là qui avait pris la peine de venir saluer le voileux amateur contraint à revenir au port deux jours après le départ, à cause d’une avarie de safran.
L’initiative de Jourdain avait visiblement été orchestrée par la direction de course puisque le cameraman officiel de l’organisation avait immortalisé la scène pour le site internet.
Six mois après l’arrivée des derniers concurrents au Brésil, la séquence figurait encore en bonne place sur la page d’accueil de la course, au milieu de scènes beaucoup plus gaies, où on voyait des paires de skippers se congratuler avant de quitter leur bord.
Invitation au voyage vers la prochaine édition pour les amateurs audacieux.
Ce bateau était désormais son seul domicile et ce ponton son seul horizon.
« Bravo gars ». Presque tous les matins, la formule lui revenait comme une vilaine alarme après une nouvelle mauvaise nuit passée sur le bateau.
Quand elle ne lui était pas renvoyée par un voisin de ponton venu passer le week-end sur son bateau, voire tenter une petite sortie en mer entre deux trains.
Le bassin Vauban où était amarré son bateau avait été installé en face de la gare.
De plus en plus de Parisiens faisaient l’aller-retour, quelques-uns vivaient sur leur bateau, filant de temps en temps à Paris ou ailleurs.
Mais la plupart utilisaient la darse comme une résidence secondaire.
Des gars sympas, parfois un peu agaçants quand ils étaient atteints par le syndrome de la réussite.
Beaucoup tentaient de copiner. Il avait refusé beaucoup d’invitations aux apéros de pontons qui n’avaient pas manqué dans les premières semaines, jusqu’à Noël à peu près, avant de se calmer.
Elles allaient reprendre avec le retour de ses voisins aux beaux jours.
De toute façon, il n’avait pas le choix, puisque ce bateau était désormais son seul domicile et ce ponton son seul horizon.
Depuis son abandon, il n’avait jamais eu le cœur de ressortir en mer.
Les gens du coin, voileux, pêcheurs ou simples promeneurs, le saluaient de loin, attendant une invitation à aller plus loin, qui n’arrivait pas. Ce mélange de pudeur…
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