Publié le 19/04/2019
L’accouchement est souvent perçu avec anxiété par les femmes enceintes mais peu d’entre elles envisagent une possible issue mortelle. Or, le journal US Today écrivait, l’an dernier que « les USA constituent un des endroits les plus dangereux pour accoucher ». Dans le même temps, le Washington Post signalait que la mortalité maternelle péri obstétricale décroissait globalement à travers le monde mais que l’on déplorait une augmentation des décès lors d’accouchements aux USA, comme en Afghanistan, au Lesotho ou au Swaziland…
De meilleures statistiques dans les autres pays développés
Approximativement, 800 femmes US meurent chaque année durant leur accouchement et dans les 42 jours suivant la délivrance, soit un taux estimé de mortalité maternelle, en 2015, à 26,4/100 000 naissances vivantes. Tous les autres pays développés ont, de loin, de meilleures statistiques, le taux se situant à 4,4/100 000 en Suède, à 9,2 au Royaume Uni et à 7,3 au Canada. Selon des données internationales, le taux de mortalité a, entre 1990 et 2015, baissé de 44 % à travers le monde, voire de 48 % dans les pays développés alors qu’on a noté une hausse de 24 % entre 2000 et 2014 aux USA. L’estimation pourrait même être autre, car le Centre national de Statistiques de santé émanant des CDC n’a publié aucun taux officiel de mortalité maternelle depuis 2007.
Ainsi, alors que, entre 1990 et 2013, 166 sur 183 pays à travers le monde ont vu chuter leur mortalité, les USA n’ont fait aucun effort pour la réduire, en partie du fait de la méconnaissance des chiffres réels. Malgré des améliorations apportées ces toutes dernières années, le report des cas de mortalité maternelle lors de l’accouchement et en post partum est loin d’être standardisé et l’on peut estimer que la déclaration de 15 % des décès est encore incorrecte.
Les causes en sont multiples mais souvent liées à une insuffisance des comités locaux chargés de notifier ces décès. Des procédures ont, toutefois, été mises en place afin de cibler les complications potentielles lors de la grossesse (dépression, violences conjugales, maladies cardiovasculaires…) et pour aider les praticiens de terrain prenant en charge les urgences obstétricales (hypertension artérielle, hémorragie ou autre).
Selon un rapport récent publié en 2016, plus de 60 % de ces morts pourraient être évitables. Les hémorragies (14 %), les pathologies cardiovasculaires et coronaires (14 % également), les cardiomyopathies (10,7 %) et les infections (10 %) sont, à elles seules, responsables de la moitié des morts maternelles ; 8,4 % sont le fait d’embolies, 7,4 % liées à une éclampsie ou prééclampsie et 7 % à des problèmes de santé mentale. Il est à remarquer que l’étiologie prédominante varie en fonction de l’ethnie de l’accouchée.
La pré-éclampsie, l’éclampsie et l’embolie sont prédominantes chez les femmes noires non-hispaniques tandis que les problèmes de santé mentale sont prioritairement observés chez les femmes blanches non hispaniques. Or, selon des données publiées en 2018, 70 % des décès par hémorragie obstétricale pourraient être prévenus, tout comme 68,2 % des morts par pathologie cardiovasculaire ou coronarienne.
Erreurs médicales, absence de coordination et de préparation
Des erreurs médicales, des traitements inefficaces, l’absence de coordination et de préparation sont la cause majeure de ces décès évitables. De fait, les morts maternelles étant, fort heureusement relativement rares au sein d’un hôpital (statistiquement, moins d’un cas environ tous les 5 ans), les établissements centrent leurs efforts pour prendre en charge les urgences du quotidien, avant celles dramatiques mais moins fréquentes. Avec environ 500 000 naissances annuelles, la Californie affichait un taux excessif de mortalité maternelle de 16,9/ 100 000 naissances vivantes. Depuis 2013, ce chiffre a considérablement diminué grâce aux efforts de la Californian Maternal Quality Care Collaboration (CMQCC) qui, de façon notable, a amélioré la sécurité et la qualité de la prise en charge des jeunes mères, en mettant au point des « boites à outils » dans la plupart des cas de risque de mortalité maternelle.
Ces dernières recommandent des pratiques fondées sur des preuves et sont implantées au sein des maternités. Des efforts sont déployés pour convaincre les cliniciens de leur pertinence et pour surmonter le handicap des cultures hospitalières antérieures. Encouragée par l’exemple californien, l’Alliance for Innovation of Maternel Health a demandé instamment aux établissements obstétricaux d’adopter ces pratiques visant à une plus grande sécurité maternelle, avec, par exemple, mise à disposition immédiate des molécules et des protocoles indispensables en cas d’hémorragie massive, d’autant qu’une jeune accouchée ne présente pas toujours les signes classiques de saignement grave. A ce jour, seuls 23 états ont adopté ces nouvelles mesures, l’objectif, dans les 5 ans, étant de couvrir tous les états US. Rendre les naissances en milieu hospitalier plus sûres peut être un objectif plus encourageant que celui de remédier à un manque de soins ou de mieux analyser les causes de décès en post partum.
Il importe aussi de prendre en considération les suicides, les homicides, les overdoses qui, au Texas, représentent près de la moitié des décès après un accouchement, la plupart des victimes n’ayant pas pu bénéficier de l’aide de structures spécialisées en santé mentale. De plus, 50 % environ des accouchements aux USA sont couverts par Medicaid, mais cette couverture ne s’étend qu’aux 6 premières semaines du post partum, n’autorisant pas, en règle, une seconde consultation post natale de la mère et du nourrisson.
Éliminer les disparités en matière de mortalité maternelle à la naissance doivent, également, être un défi majeur. Les femmes noires continuent à présenter un taux de mortalité 3 à 4 fois plus important que celui des femmes blanches, et ce indépendamment des facteurs de risque classiques tels qu’obésité ou hypertension. Ces femmes ont, de fait, un vécu différent et moins de confiance dans le système de santé que les Blanches.
En dépit de toutes ces données peu enthousiastes portant sur la mortalité maternelle péri natale aux USA, quelques experts sont, malgré tout, optimistes. Beaucoup d’efforts ont été consentis ces dernières années, laissant espérer une baisse de la morbimortalité maternelle lors des accouchements et une offre de soins de qualité aux mères et à leurs nouveau-nés.
Dr Pierre Margent
RÉFÉRENCE : Slomski A et coll. : Why do Hundreds of US Women Die Annualy in Childbirth ? JAMA. 2019 ;321 (13) : 1239- 1241.
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