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POINT DE VUE – Pr Boris Hansel – AUTEURS ET DÉCLARATIONS – 13 février 2023
Mésusage des médicaments anti-obésité : quelles conséquences ? (medscape.com)
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Mercredi 15 février 2023
L’utilisation détournée des agonistes du GLP-1 pose des problèmes d’approvisionnement pour les patients diabétiques qui en ont réellement besoin.
Réflexions du Pr Boris Hansel , endocrinologue-diabétologue et nutritionniste à l’hôpital Bichat (Paris).
TRANSCRIPTION
Plusieurs médicaments pour le traitement de l’obésité sont arrivés récemment sur le marché, on en a largement parlé sur Medscape.
Ces traitements sont une avancée certaine, mais ils posent aujourd’hui, notamment en France, un problème particulier.
Dans le passé, nous avions des traitements contre l’excès pondéral qui étaient efficaces mais avec des effets secondaires, et surtout avec un rapport bénéfice-risque qui était jugé défavorable et qui a nécessité que ces médicaments soient retirés.
On se souvient de l’isoméride, de la sibutramine ou encore du rimonabant.
Tous ont été retirés pour des effets secondaires cardiologiques ou encore psychiatriques.
Avec les agonistes du GLP-1, rien de tout cela, en tout cas pas de signal d’effets secondaires cardiaques, ni psychiques, à l’horizon.
Seule une discrète augmentation de la fréquence cardiaque a été observée avec ces médicaments, mais on a de plus en plus d’arguments pour penser que ces traitements ne sont pas dangereux pour le cœur et qu’en même temps que de réduire l’appétit, ils seraient même bénéfiques pour l’appareil cardiovasculaire en prévention coronaire.
AMM, remboursements et conditionnements
Alors quel est le problème ? C’est le mésusage.
Aujourd’hui, on dispose en France de deux molécules qui sont conditionnées pour être utilisées comme médicaments contre l’obésité : il y a le liraglutide, qui est vendu sous le nom de Saxenda, et il y a le sémaglutide, qui est disponible sous le nom de Wegovy.
Concernant le Saxenda, il faut rappeler qu’il n’est pas pris en charge par l’Assurance maladie – le coût est d’environ 200 € par mois, ou un peu moins dans certaines pharmacies.
Mais le liraglutide existe aussi sous un autre nom, le Victoza, qui est un traitement antidiabétique qui, lui, est remboursé par l’Assurance maladie chez des patients diabétiques de type 2, et en théorie pas dans tous les cas.
Le problème est qu’on voit de plus en plus de patients qui ont réussi à se faire prescrire du Victoza alors qu’ils ne sont pas du tout diabétiques.
J’ai également eu plusieurs retours de patients à qui j’avais prescrit du Saxenda et auxquels des pharmaciens auraient remis ou proposé de remettre du Victoza à la place du Saxenda.
On voit de plus en plus de patients qui ont réussi à se faire prescrire du Victoza alors qu’ils ne sont pas du tout diabétiques.
Concernant le sémaglutide, là encore, c’est un médicament qui a bien une autorisation de mise sur le marché européen pour le traitement de l’obésité, donc une AMM qui vaut pour la France.
Mais cette AMM concerne Wegovy. C’est un conditionnement particulier du sémaglutide qui est différent de l’Ozempic, qui lui, comme le Victoza, a une AMM et un remboursement dans le diabète de type 2.
Le Wegovy, contrairement à l’Ozempic, n’est pas pris en charge par l’Assurance maladie.
Il est remboursé uniquement dans le cadre d’un accès précoce avec une prescription hospitalière et pour certaines obésités massives.
Et là encore, comme pour le liraglutide il y a un mésusage avec le sémaglutide.
De nombreux patients – vous en avez certainement vus, peut-être même des proches – se font prescrire de l’Ozempic et beaucoup arrivent même à se le faire rembourser.
Conséquences du mésusage
Évidemment, les prescriptions inadaptées, le mésusage, ce n’est pas la première fois que cela arrive.
Mais le problème aujourd’hui est que cela a des conséquences pour le traitement des patients diabétiques pour lesquels le traitement par agoniste de GLP-1 est vraiment recommandé et remboursé.
Il y a des ruptures de stock qui ont été enregistrées, et qui ont notamment été mises sur le compte de l’utilisation détournée de ces agonistes de GLP-1.
Connaît-on l’ampleur du phénomène ? À ma connaissance, il n’y a pas de chiffres disponibles sur les prescriptions, ni sur les délivrances des agonistes de GLP-1 chez des patients qui ne sont pas diabétiques.
Mais il semble vraiment que ce ne soit pas anecdotique si on en croit les remontées du terrain.
Qui est fautif ? Bien évidemment, nous, les médecins, et également les pharmaciens ; nous devons suivre la réglementation.
Mais il est vrai qu’on voit de plus en plus de cas difficiles où il existe des traitements efficaces, qui ont une AMM et dont nous jugeons qu’ils pourraient bénéficier à certains de nos patients, et nous sommes dans cette situation où nous ne pouvons pas prescrire ces médicaments faute de remboursement ou parce que le médicament n’est pas commercialisé en France.
Alors je n’ai pas la solution, mais je voulais juste partager avec vous ce problème et je pense qu’il va falloir y réfléchir, parce que ce genre de situation va sûrement devenir de plus en plus fréquente.
Je vous remercie de votre attention et je vous dis à très bientôt sur Medscape.
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Citer cet article: Mésusage des médicaments anti-obésité : quelles conséquences ? – Medscape – 13 févr 2023.