Publié le 28/07/2021
Les maladies psychiatriques sont un facteur de vulnérabilité face aux agressions les plus diverses.
Qu’en est-il pour la Covid-19 ?
Favorisent-elles les formes sévères et sont-elles un facteur de surmortalité ?
Influent-elles sur le risque d’hospitalisation et quel est le rôle potentiel de la pharmacothérapie ?
Autant de questions qui trouvent des réponses attendues dans une revue de la littérature internationale complétée par une méta-analyse, réalisée à partir des données enregistrées sur Web of Science, Cochrane, PubMed et PsycINFO entre le 1er janvier 2020 et le 5 mars 2021.
Sur les 841 études identifiées, seules 33 ont été retenues pour la revue systématique et 23 ont été incluses dans la méta-analyse.
Sur les 1 469 731 patients atteints de la Covid-19 et ainsi regroupés, 43 938 souffraient d’une maladie psychiatrique.
Neuf études faisaient état de l’ethnie.
La qualité de 22 études pouvait être considérée comme élevée selon les critères de la Newcastle
Ottawa Scale.
La comparaison cas-témoins effectuée en l’absence d’ajustement sur les facteurs de confusion potentiels a révélé que les maladies psychiatriques toutes formes cliniques confondues étaient associées à une surmortalité en cas de Covid-19, l’odds ratio (OR) correspondant étant en effet estimé à 2,00 ([intervalle de confiance à 95 % IC 95% 1,58-2,54] ; I2 = 92,66%).
La valeur du test I2 > 75 % témoigne cependant d’une forte hétérogénéité entre les études.
Surmortalité en cas de troubles psychotiques et de l’humeur
Cette surmortalité a concerné en priorité les maladies psychiatriques suivantes : troubles psychotiques (OR 2,05 [1,37-3,06]; I2= 80,81%), troubles de l’humeur (1,99 [1,46-2,71] ; I2 = 68,32 %), addictions et toxicomanies (1,76 [1,27-2,44]; I2 = 47,90 %) et handicap mental ou troubles du neurodéveloppement (1,73 [1,29-2,31] ; I2 =9 0,15%). En revanche, les troubles anxieux ne semblent pas être impliqués dans cette association (1,07 [0,73-1,56] ; I2=11,05%).
Par ailleurs, la surmortalité a été également associée aux médicaments prescrits pour contrôler l’affection psychiatrique, en tête de liste les antipsychotiques (3,71 [1,74-7,91] ; I2 = 90,31 %), devant les anxiolytiques (2,58 [1,22-5,44] ; I2 = 96,42 %) et les antidépresseurs (2,23 [1,06-4,71] ; I2 = 95,45 %).
Après ajustement selon l’âge, le sexe et le plus grand nombre de facteurs de confusion possible, les associations sont restées significatives en ce qui concerne les troubles psychotiques, les troubles de l’humeur, les antipsychotiques ou encore les anxiolytiques.
Et risque accru d’hospitalisation
Le risque d’hospitalisation, mais non celui d’admission en unité de soins intensifs (USI), apparaît également majoré par les maladies psychiatriques, l’OR étant estimé à 2,24 [1,70-2,94] ; I2 = 88,80%).
Les analyses par sous-groupes ont, pour leur part, identifié deux covariables interférant de manière significative avec la mortalité, respectivement le traitement basal de l’infection virale (p = 0,013) et le pays où l’étude a été réalisée (p < 0,0001).
Selon les critères de l’outil GRADE, le niveau de certitude pour ce qui est de la mortalité et du risque d’hospitalisation peut être considéré comme élevé, en dépit de l’hétérogénéité des études et de l’approche cas-témoins.
En revanche, les résultats sont moins certains pour ce qui est de l’admission en USI.
Les maladies psychiatriques préexistantes semblent donc bien aggraver le pronostic de la Covid-19 avec une surmortalité et un risque accru d’hospitalisation.
Les troubles psychotiques et les troubles de l’humeur seraient particulièrement concernés et l’exposition aux antipsychotiques ou aux anxiolytiques entrerait également en ligne de compte.
Parmi les mécanismes en cause, figurent au moins au titre d’hypothèses, un accès plus difficile ou plus parcimonieux aux soins médicaux du fait du patient lui-même, la possibilité de phénomènes immuno-inflammatoires intrinsèques à certaines affections psychiatriques ou encore les effets biologiques de certains médicaments.
Quoiqu’il en soit, les maladies psychiatriques méritent de figurer parmi les comorbidités capables d’aggraver le pronostic de la Covid-19 et de bénéficier de mesures de prévention ciblées au travers notamment de la vaccination et de la facilitation de l’accès aux soins.
Dr Philippe Tellier
RÉFÉRENCE: Val B et coll. : Mental disorders and risk of COVID-19-related mortality, hospitalisation, and intensive care unit admission: a systematic review and meta-analysis. Lancet Psychiatry 2021 ; publication avancée en ligne le 15 juillet. 15;S2215-0366(21)00232-7. doi.org/10.1016/S2215-0366(21)00232-7
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Vaccination anti-Covid : ne pas oublier les malades mentaux
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Revue de presse Mediscoop du 28-07-2021
Une association établie entre risque de décès par COVID-19 et maladie mentale
Par Mme Aude Rambaud (Saint-Germain-en-Laye) [Déclaration de liens d’intérêts] – Date de publication : 28 juillet 2021
Les troubles mentaux préexistants, en particulier les troubles psychotiques et de l’humeur, et l’exposition aux antipsychotiques et aux anxiolytiques sont associés à un surrisque de mortalité par COVID-19.
Ces résultats parus dans le Lancet Psychiatry soulignent la nécessité d’approches ciblées pour gérer et prévenir la COVID-19 dans ces groupes de patients.
Une méta-analyse confirme un lien entre troubles mentaux et risque de COVID-19 sévère.
Les auteurs ont recherché toutes les études informatives parues entre le 1er janvier 2020 et le 5 mars 2021, évoquant la maladie COVID-19 chez les patients atteints de troubles psychiatriques, comparés à des sujets contrôles.
Au total, 33 études ont été incluses dans la revue systématique et 23 études dans la méta-analyse.
Elles incluaient 1,5 million de personnes atteintes de COVID-19, dont près de 44.000 souffrants de maladies mentales.
Parmi ces études, 22 ont été jugées de haute qualité, permettant de conclure à une association entre ces troubles préexistants et la mortalité par COVID-19 (OR 2 ; 1,58-2,54).
Cette association a été observée pour les troubles psychotiques (2,05 ;1,37-3,06), les troubles de l’humeur (1,99 ; 1,46-2,71), les troubles liés à l’utilisation de substances (1,76 ; 1,27-2,44), les déficiences intellectuelles et troubles du développement (1,73 ; 1·29-2·31) mais pas pour les troubles anxieux (1,07 ;0,73–1,56).
La mortalité due au COVID-19 était également associée à l’exposition aux antipsychotiques (3,71 ;1,74–7,91), aux anxiolytiques (2,58 ; 1,22–5,44) et aux antidépresseurs (2,23 ; 1,06–4,71).
Pour les troubles psychotiques, les troubles de l’humeur, les antipsychotiques et les anxiolytiques, l’association est restée significative après ajustement pour l’âge, le sexe et d’autres facteurs de confusion.
Malgré ces risques accrus, ces patients ne sont pas admis plus que les autres en unité de soins intensifs.
Référence : Benedetta Vai et al. – Mental disorders and risk of COVID-19-related mortality, hospitalisation, and intensive care unit admission: a systematic review and meta-analysis – The Lancet Psychiatry, July 2021