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Maladie de Sever : Le talon d’Achille de certains jeunes sportifs | valdemarne.fr

« Face à la nécessaire éducation, l’indispensable épanouissement, l’utile intégration et socialisation, la pratique d’un sport semble apporter une réponse évidente aux besoins de nos adolescents »[1].

Activité au combien primordiale, le sport chez l’enfant et l’adolescent comporte cependant des spécificités du fait que ces derniers ne soient pas de « petits hommes » comme le rappelle Thierry Maquet[2].

La pratique d’activités physiques peut être conditionnée de manière significative par les modifications corporelles liées à la croissance.

L’âge réel, la taille, la vitesse de croissance, la maturité physique, la puberté sont autant de facteurs à prendre en compte d’autant plus que la répétition excessive d’actions motrices peut parfois être à l’origine de pathologies de croissance, comme la maladie de Sever au niveau du talon.

Qu’est-ce que la maladie de Sever ?

La maladie de Sever est une apophysose* de croissance [3], également dénommée « apophysite postérieure calcanéenne* » ou « ostéochondrite* juvénile du calcanéum », qui touche les enfants et les adolescents en période de croissance entre 8 à 16 ans, avec un pic entre 12 et 15 ans.

Il s’agit d’un trouble de la croissance du noyau secondaire d’ossification postérieure du calcanéum, en rapport avec un surmenage du pied.

Elle est superposable à la maladie d’Osgood-Schlatter au niveau du genou (précédent article à ce sujet).

Même si elle est très fréquente en soins ambulatoires, l’incidence réelle de la maladie, qui touche autant les filles que les garçons, n’est pas connue.

On peut la considérer comme une maladie du sport de l’enfant/adolescent plutôt que comme une maladie de la croissance (Dr Levy Biou).

La maladie de Sever est consécutive à 2 phénomènes :

  • Aux forces de traction exercées par l’insertion distale du muscle triceps sural (par l’intermédiaire du tendon d’Achille) sur la partie postérieure du calcanéus, et par l’insertion proximale des muscles courts fléchisseurs plantaires (figure 1).

Un geste technique mal effectué et/ou trop répété peut en être à l’origine.

« En tennis par exemple, la reprise des balles de fond de court, prises à la volée trop tôt ne permettront pas au jeune joueur de solliciter son pied d’appel suffisamment en varus, et prises trop tard solliciteront trop le pied en prono-supination, et pourraient avoir les mêmes effets délétères sur l’os du talon » (1).

Un nombre significatif de cas de Maladies de Sever est retrouvé au sein des populations de jeunes gymnastes (et plus particulièrement chez les filles du fait des très nombreuses répétitions de cycles d’« impulsion-réception »), en basket-ball chez les jeunes garçons (reprises , reculs sur les talons, changements de direction, sauts à répétition) , et également chez les jeunes footballeurs ( pratique sur terrain dur stabilisé).

  • Aux microtraumatismes répétitifs liés aux chocs d’appui du talon au sol pendant la marche, la course et les réceptions de sauts.

En tennis, « les courses répétées entre les remontées au filet explosives et le fond de court, ainsi que les déplacements répétés sur des surfaces adhérentes et relativement dures, favorisant le jeu rapide, favorisent cette pathologie » (1).

Les jeunes gymnastes, les jeunes footballeurs et basketteurs sont également victimes des mêmes conséquences. Ce phénomène est parfois accentué par le choix de chaussures inadaptées à la pratique sportive.

Ces différentes appellations montrent bien que la compréhension physiopathologique n’est pas clairement établie.

[1] Thierry Maquet & Rachid Ziane, 200 clés pour optimiser l’entrainement – 2016 

[2] Thierry Maquet in Sport – Pourquoi l’enfant n’est pas un petit homme ?

[3] Les termes ostéochondrose ou apophysose de croissance désignent un groupe de pathologies touchant principalement les zones de croissance et dont l’expression peut varier en fonction de la localisation et du type de sollicitation (compression ou traction).

L’augmentation des sollicitations mécaniques, le plus souvent sportives pendant la croissance, notamment sa phase d’accélération pubertaire, joue un rôle majeur.

S’y ajoutent d’autres facteurs, génétiques, hormonaux ou nutritionnels (déficit en vitamine D).

Cette sur-sollicitation induit localement des altérations tissulaires à type de microfissures, puis de microfractures, conduisant parfois à une nécrose ischémique dont le potentiel de réparation dépend de la localisation, du potentiel de croissance restant et de l’éviction du mécanisme causal. 

Signes et diagnostic de la maladie de Sever

La maladie de Sever se manifeste par des douleurs au niveau du talon (talalgies) d’apparition progressive, survenant dans un premier temps pendant les activités sportives puis au décours de ces dernières, et ensuite en marchant.

Les douleurs sont d’origines mécaniques, augmentées par l’effort et soulagées par le repos.

Elles peuvent s’accompagner d’irradiations ascendantes le long du tendon d’Achille ou descendantes vers la région plantaire.

L’évolution se fait vers une aggravation des douleurs en intensité ou en facilité/rapidité d’apparition (pendant des exercices sportifs de moins en moins longs et intenses, puis pendant les activités de la vie quotidienne).

Ces douleurs ne sont cependant jamais nocturnes [4].

Concernant le diagnostic, une douleur mécanique du talon, c’est-à-dire non traumatique directe, chez un enfant évoque surtout une Maladie de Sever.

L’intensité de la douleur peut être évaluée par l’interrogatoire et par son retentissement sur la marche : marche normale, ou boiterie d’évitement plus ou moins importante, ou impotence fonctionnelle plus ou moins totale.

L’examen clinique permet d’apprécier :

  • Les troubles de la statique du pied (examen au podoscope) en particulier la recherche d’un valgus calcanéen [5].
  • Les amplitudes articulaires le la cheville et notamment en flexion dorsale, témoin (relatif) de la longueur du tendon d’Achille.
  • Les angles poplités qui reflètent la raideur des chaînes musculaires postérieures (muscles ischio-jambiers, système suro-achilléo-calcanéo-plantaire) [6].
  • La douleur provoquée par la palpation des faces latérales et médiales, postérieure et inférieure du calcanéus.

 

Une radiographie de la cheville et du pied de profil avec clichés comparatifs peut être demandée afin d’écarter toute autre cause de douleurs (fracture, anomalie constitutionnelle, tumeurs…).

[5] Le valgus calcanéen est un talon qui, en position debout ou à la marche, penche vers l’intérieur.
[6] suro = triceps sural = muscles du mollet avec les gastrocnémiens ;  achilléo = tendon d’Achille, plantaire = aponévrose plantaire)

Comment est traitée une maladie de Sever ?

  • En phase aiguë de la maladie
    Si l’enfant ou l’adolescent ne peut plus poser son talon au sol, il faut supprimer l’appui pendant quelques jours, le faire déambuler avec des béquilles et lui proposer des antalgiques (médication, glaçage, cataplasme d’argile vert, …)
  • Le repos sportif
    Le repos sportif scolaire et extra-scolaire est variable et à adapter à l’évolution des symptômes qui se fait souvent par poussées de durées et d’intensités variables.

Durant les périodes douloureuses, l’arrêt sportif est préconisé.

Pendant les périodes non douloureuses, la pratique d’activité est libre.

  • Les antalgiques et anti-inflammatoires
    Ces médicaments sont à utiliser selon les besoins et jamais plus de 3-4 jours.

Les pommades anti-inflammatoires en application locale n’ont aucune efficacité.

  • Les orthèses
    L’utilisation de talonnettes ou semelles amortissantes visco-élastiques, ou les orthèses plantaires sur mesure, pour limiter les microtraumatismes répétés lors des activités de la vie quotidienne et sportives peuvent apporter une amélioration.

Le port de chaussures peu rigides et amortissantes est conseillé.

  • La kinésithérapie
    Pour diminuer les forces de traction du tendon d’Achille sur le cartilage de croissance postérieur du calcanéum, un travail d’étirement des structures postérieures est préconisé.

D’abord effectué sous contrôle d’un kinésithérapeute, il pourra ensuite être réalisé régulièrement de manière autonome, tout en sachant que dès que la douleur disparaîtra, ces étirements ne seront quasiment plus pratiqués.

Il faut remarquer qu’aucune de ces propositions thérapeutiques n’a été évaluée en soins ambulatoires par des études de bonne qualité méthodologique.
L’évolution de la maladie de Sever se fait dans tous les cas vers la guérison, de façon naturelle par fermeture du cartilage de croissance postérieur du calcanéum vers l’âge de 16 à 18 ans.

Prévention et prise en charge de la maladie de Sever au sein de l’entraînement

Il paraît évident de ne pas suspecter une maladie de Sever pour tous les jeunes en période de croissance, les entraîneurs peuvent cependant rester vigilants pour ce type de public lors de la pratique d’activités sportives sur terrain dur et/ou sollicitant d’importantes tractions au niveau de l’articulation de la cheville.

Toutefois, l’entraîneur peut participer à la prévention de cette pathologie :

  • En assurant la réalisation d’assouplissements réguliers des gastrocnémiens (muscles jumeaux des mollets), du tendon d’Achille, des muscles de la chaîne postérieure et d’un travail d’amplitude de l’articulation de la cheville (surtout dans le cas de tendon d’Achille court) avant et après la pratique sportive (exercice 1).
  • En conseillant le port de chaussures adaptées aux spécificités du sport concerné (maintien et amorti appropriés).
  • En étant vigilant sur la nature de la surface d’évolution pour les publics en phase aigüe de croissance afin de limiter l’intensité des impacts au sol (possibilité de choisir une surface moins dure).
  • En prévenant les chocs répétés et la résistance de traction par un travail de proprioception (déroulement du pied, …) et de renforcement musculaire, notamment avec l’exécution d’exercices issus du protocole de Stanish [7] (exercice 2).

Les exercices issus du protocole de Stanish

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En cas de pathologie déclarée, le port de chaussures de sport spécifiques en ville et les chaussures possédant un faible maintien du pied sont à éviter, mieux vaut privilégier les chaussures rigides avec une talonnette amortissante.

Des étirements quotidiens, glaçages, et une hydratation suffisante sont également conseillés.

[7] Le protocole de Stanish est une succession d’exercices d’étirements et de renforcement musculaire du triceps sural destinés à retrouver la souplesse et la force du tendon dans le cadre d’une tendinite du tendon d’Achille.

Conclusion

Parmi les pathologies de croissance pouvant être rencontrées par l’enfant et l’adolescent sportif, la maladie de Sever est singulière dans le sens où les conditions de pratique vont le plus souvent être à l’origine de son apparition.

Le rôle des intervenants sportifs prend alors une importance particulière car ils sont en capacité de participer à la prévention en actionnant des variables didactiques spécifiques à leur activité et en communiquant efficacement avec les professionnels de santé.

Thierry PINJON UPEC

Références

  • Dr LEVY BIOU, La maladie de Sever
  • P.F Varvenne, La maladie de Sever chez le jeune tennisman. IRBMS 2014