Publié le 23/05/2019
Les boissons sucrées à base de glucose (BSG) ou d’édulcorants de synthèse (BES) n’ont pas le vent en poupe. Elles sont soupçonnées de divers méfaits en matière de santé publique. Elles semblent bien favoriser la surcharge pondérale et leur contribution à la propagation de l’obésité dans la plupart des pays du monde laisse peu de place au doute, dès lors qu’elles sont consommées en quantités déraisonnables par des sujets enclins à la sédentarité sur fond d’addiction aux multiples écrans de la vie quotidienne. Leur rôle dans la pathogénie de la maladie cardiovasculaire se conçoit par le biais du diabète de type 2 qui complique l’obésité morbide. Quel est leur impact sur la mortalité globale ou liée à des causes spécifiques ? Le sujet est débattu et il est évident qu’il intéresse au plus haut point décideurs, médecins et consommateurs.
120 000 professionnels de santé
Une étude contribue à accumuler les soupçons sur les boissons sucrées. Elle est en fait située au carrefour de deux études célèbres qui ont concerné les professionnels de santé, en l’occurrence la Health Professional’s Follow-up study (HPFS) (1986-2014) et la Nurses’ Health study(NHS) (1980-2014). Dans la première ont été inclus 37 716 hommes, la seconde 80 647 femmes. Tous les participants étaient indemnes de maladie chronique cliniquement patente lors de l’inclusion. La mortalité globale et spécifique à certaines causes a été prise en compte dans l’analyse statistique (méthode des risques proportionnels de Cox.) Les hazard ratios (HRs) de mortalité et leurs intervalles de confiance à 95 % (IC) ont été calculés en fonction de l’exposition aux boissons sucrées, estimée à partir de questionnaires alimentaires.
Durant un suivi de 3 415 564 sujets-années, ont été dénombrés 36 436 décès (dont 7 896 en rapport avec une MCV et 12 380 avec un cancer). Après ajustement en fonction des facteurs liés au régime et à l’hygiène de vie, l’analyse multivariée des données a mis en évidence une association significative entre la consommation de boissons sucrées et la mortalité globale, le risque étant lié aux quantités ingérées en termes de fréquence (<1/mois, 1–4/mois, 2–6/semaine, 1-< 2/jour et ≥ 2/jour). Dans ces catégories, les valeurs poolées des HRs ont été respectivement de 1,00 (valeur de référence), 1,01 (IC 0,98, 1,04), 1,06 (1,03, 1,09), 1,14 (1,09, 1,19) et 1,21 (1,13, 1,28 ; p < 0,0001).
Ces associations ont été observées pour la mortalité cardiovasculaire, le HR estimé par comparaison des catégories extrêmes précédemment définies étant en effet de 1,31 (IC 1,15, 1,50], p <0,0001). La même tendance a été constatée pour la mortalité par cancer, le HR correspondant étant estimé à 1,16 (IC 1,04, 1,29], p = 0,0004).
Des effets variables d’une cohorte à l’autre, d’un type de boisson à l’autre
Si l’on se penche sur les effets propres des BES, le paysage change quelque peu. En effet, l’impact tant sur la mortalité globale que cardiovasculaire n’est manifeste que dans les catégories de consommation les plus élevées, comme en attestent les valeurs des HRs. Elles sont respectivement, pour la mortalité globale, de 1,00 (référence), 0,96 (0,93, 0,99), 0,97 (0,95, 1,00), 0,98 (0,94, 1,03) et 1,04 (1,02, 1,12 ; p = 0,01). Les valeurs correspondantes pour la mortalité cardiovasculaire sont, pour leur part, de 1,00 (référence), 0,93 (0,87, 1,00), 0,95 (0,89, 1,00), 1,02 (0,94, 1,12) et 1,13 (1,02, 1,25 ; p = 0,02). Si l’on procède à une analyse par cohorte, il s’avère que la consommation de BES n’est associée à la mortalité que dans la NHS, aucune association de ce type n’étant mise en évidence dans la HPFS. Par ailleurs, la mortalité par cancer n’est nullement affectée par l’exposition aux BES, quelle que soit la cohorte.
Ces études poolées qui portent sur un effectif conséquent établissent une association positive entre la consommation de boissons sucrées et la mortalité principalement du fait d’un excès de décès imputables à une cause cardiovasculaire. Il semble exister une relation de type dose-effet à des niveaux de risque relatif qui restent très faibles dans une population particulière qui est celle des professionnels de santé. Le lien de causalité n’est certes pas pour autant établi, d’autant que les effets varient d’une cohorte à l’autre : ainsi, l’impact des BES sur la mortalité globale et vasculaire n’est manifeste que dans la NHS, ce qui laisse interrogateur et nécessite confirmation.
Il n’en reste pas moins que ces résultats semblent suffisants pour déconseiller la consommation excessive a fortiori massive de boissons sucrées et la remarque vaut pour celles qui sont enrichies en édulcorants de synthèse. L’eau reste la meilleure des boissons jusqu’à preuve du contraire, même pour les sportifs qui ont un peu trop tendance à lui préférer certaines boissons dites énergisantes : ces dernières sont en fait des cocktails caloriques qui font la part belle à divers hydrates de carbone.
Dr Catherine Watkins
RÉFÉRENCE : Vasanti S M et coll. : Long-Term Consumption of Sugar-Sweetened and Artificially Sweetened Beverages and Risk of Mortality in US Adults. Circulation, 2019 ;139(18):2113-2125. doi: 10.1161/CIRCULATIONAHA.118.037401.
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