Par Muriel Pulicani le 31-03-2023
[DOSSIER] La dégradation des conditions de travail – exigences accrues de productivité, manque de moyens, harcèlement… – conduit à une augmentation de la prévalence des troubles psychosociaux.
Comment le médecin généraliste peut-il accompagner les travailleurs en souffrance ?
Mme Marie Pezé est docteure en psychologie, psychanalyste, fondatrice et responsable du réseau de consultations Souffrance et Travail
Egora.fr : Les troubles psychologiques sont désormais la deuxième cause d’arrêt maladie, après les troubles musculo-squelettiques (TMS).
L’assurance-maladie a reconnu quelque 1 600 maladies psychiques d’origine professionnelle en 2021 et 10 700 accidents du travail liés à des affections psychiques, des chiffres en augmentation.
Comment expliquer cette détérioration de l’environnement de travail ?
Marie Pezé : La violence au travail se généralise, à cause de nouvelles formes d’organisation (accroissement de la charge de travail, production en mode dégradé, réorganisations permanentes…) et de la précarisation de l’emploi.
En France, les conditions de travail sont un impensé. Les lois magistrales de 2002 (loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale ; article L.4121 du Code du travail sur l’obligation de sécurité) posaient la protection de la santé physique et mentale des salariés en termes de résultats.
Il s’agissait d’ « adapter le travail à l’homme ». Puis la notion de « qualité de vie au travail », importée des États-Unis, a pris la place de la prise en charge de la santé au travail, dont il n’est plus fait mention dans le dialogue social.
Comment définir les risques psychosociaux ? A quel moment le travailleur peut-il y être confronté ?
Six facteurs de risques sont définis par le rapport de Michel Gollac de 2011 : les exigences du travail (intensité et complexité, horaires difficiles, conciliation avec la vie privée), les exigences émotionnelles (empathie, nécessité de cacher ses émotions…), le manque d’autonomie et de marge de manœuvre, le conflit de valeurs (désapprobation des actions, qualité empêchée), la mauvaise qualité des rapports sociaux (manque de reconnaissance, conflit, harcèlement…) et l’insécurité socio-économique (salaire, soutenabilité jusqu’à la retraite…).
Or la réflexion est animée de stéréotypes. On parle de paresse des salariés français… qui sont les 4es mondiaux en termes de productivité horaire et 1ers pour la consommation de psychotropes. On met en avant des fragilités personnelles alors qu’il s’agit de vraies pathologies dues aux conditions de travail. On croit que celui qui craque est le plus fragile alors que c’est le plus investi. Le travail réel est invisibilisé par la grammaire chiffrée utilisée pour évaluer le travail. On ne traite pas le fond du problème : revoir les organisations.
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