Coline Garré | 04.06.2019

ampLe Quotidien du Médecin

Crédit Photo : S. Toubon Zoom

Insémination intra-utérine, fécondation in vitro (FIV), FIV par injection intracytoplasmique de sperme (ICSI)… Les techniques jouent-elles sur l’état de santé des enfants issus d’assistance médicale à la procréation (AMP) ? Difficile de tirer des conclusions claires au regard des études existantes, a déploré Patricia Fauque, cheffe de Service du Laboratoire de biologie de la reproduction (CECOS) et coordinatrice du centre d’AMP de Dijon, lors d’une conférence internationale organisée par l’Institut national d’études démographiques (Ined), ce 4 juin.

Pourtant, depuis 1978, 7 millions d’enfants sont nés grâce à une AMP dans le monde ; en France, un enfant sur 30 (soit 3,4 %) était ainsi conçu en 2018, estime l’INED. Et le recours à ces techniques ne cesse de croître en Europe.

Des risques périnataux aux facteurs incertains 

Plusieurs études montrent que les enfants issus d’AMP présentent des risques périnataux. Comparés à des enfants issus d’une grossesse spontanée, ces singletons (les jumeaux ont été exclus, la gémellité étant en elle-même un facteur de risque) présentent 1,5 fois plus de prématurité ; 2 fois plus de mortalité périnatale, et 1,5 fois plus d’un petit poids de naissance. Sauf, pour ce dernier critère, lorsque l’embryon a été congelé : on observe alors 1,5 fois plus d’hypertrophie fœtale qu’en cas de transfert d’embryons frais, et 1,3 fois plus qu’une naissance hors AMP.

« Ces résultats ne s’expliquent pas seulement par les techniques, mais aussi par le profil des parents, marqué ou non par l’infertilité », nuance la Pr Patricia Fauque au regard de plusieurs études norvégiennes qui ont comparé les poids des enfants de femmes qui ont eu un enfant naturellement, et un autre par AMP.

De même, la plus grande prévalence de malformations congénitales – surtout musculosquelettiques ou urogénitales – chez les enfants issus d’AMP (4,8 % vs 3,2 %)  qui ressort de l’analyse de 34 études de cohortes ne peut être systématiquement reliée aux techniques. « Cela s’explique en partie par l’infertilité sous-jacente et ses déterminants » insiste la Pr Fauque.

Risques épigénétiques non niables

« On ne peut nier en revanche un lien entre techniques d’AMP et risques épigénétiques » alerte la Pr Fauque. Les enfants issus d’AMP auraient, selon huit études, 5 fois plus de risques de présenter un syndrome de Beckwith-Wiedemann (SBW) – dont l’incidence en population générale est de 1/13 700. Le risque relatif pour le syndrome de Silver-Russell (qui touche 1/100 000 enfants) est estimé, selon une étude, à 6,7, selon une autre, à 12,6. Les syndromes Prader-Willi et Angelmann seraient davantage liés, eux, à l’infertilité.

« Pour la santé à long terme, les résultats sont plutôt rassurants », résume la Pr Fauque, mais les investigations doivent être poussées. Dans le champ des maladies métaboliques et cardiovasculaires, d’abord. Quelque 19 études – dont aucune Française, regrette-t-elle – portent au total sur 1 112 enfants issus d’AMP, par comparaison avec 4 092 enfants conçus spontanément, de la naissance à l’âge adulte. Si l’IMC et le métabolisme lipidique sont semblables, il ressort de la méta-analyse le constat d’une légère augmentation de la tension artérielle et d’une plus grosse épaisseur des vaisseaux chez les premiers. « Ce qui plaide pour davantage d’études destinées à voir si ces données peuvent être considérées comme des facteurs de risque de maladies cardiovasculaires »commente le Pr Fauque.

En matière de santé reproductive, ensuite : les études existantes suggèrent un risque d’un moindre compte et concentration de spermatozoïdes chez les garçons nés d’une ICSI.

Les études existantes sur le cancer (cohortes suivies entre 9 et 21 ans), elles, ne montrent pas de sur-risque lié aux techniques d’AMP.

Appel à la recherche

La Pr Fauque insiste sur la nécessité d’étudier l’impact de l’infertilité des parents sur l’état de santé des enfants, les conséquences éventuelles des disparités entre les taux de naissance des différences centres en France, l’influence de la congélation des gamètes, ou encore les spécificités d’une AMP avec don anonyme. « En attendant, plusieurs facteurs sont maîtrisables, comme le transfert d’un seul embryon, la réduction du tabagisme maternel, ou la surveillance du poids de la mère et des complications obstétricales » a-t-elle conclu.

Source : Lequotidiendumedecin.fr