Publié le 18/09/2021
Paris, le 19 septembre 2021 – Vendredi 10 septembre, le Tribunal correctionnel de Paris se penchait sur le cas de Miguel B., naturopathe poursuivi pour « exercice illégal de la médecine » et « usurpation de la qualité de médecin ».
Comme souvent en la matière, les faits ayant amené au lancement des poursuites sont particulièrement tragiques.
En 2019, un patient atteint d’un cancer des testicules se présente devant le naturopathe qui indique sur son site internet être un « biochimiste » et « docteur en médecine moléculaire spécialisé dans la recherche sur les cellules souches cancéreuses du cerveau (sic) ».
Le « praticien » lui conseille alors la mise en route d’un jeûne, de purges à l’huile de ricin, l’utilisation d’huiles essentielles et la consommation d’infusions.
Après la progression inexorable de son cancer, le patient n’a pu bénéficier d’un traitement approprié qu’à un stade très avancé de la maladie, soit trois mois avant son décès.
A l’audience, les débats ont permis de revenir sur les correspondances échangées par SMS entre le patient et le naturopathe.
Ce dernier, qui prétend avoir fait « quatorze ans d’études » et être titulaire « d’un post doctorat à l’école de médecine de Harvard » avait affirmé au patient que « les cocktails d’huiles essentielles valaient tous les antibiotiques du monde » et que « les métastases sont des blocages lymphatiques, le seul moyen d’y pallier, c’est la purge ».
En défense, le prévenu a affirmé à l’audience : « ce n’est pas de la médecine, c’est de la science (…)
J’essaie d’expliquer comment le nettoyage se passe dans le corps ».
Exercice illégal de la médecine
Sans préjuger d’une éventuelle condamnation du prévenu (le jugement sera rendu le 15 octobre) il reste que la pratique de la naturopathie, lorsqu’elle consiste à proposer des soins pour des patients, est de nature à tomber sous la qualification d’exercice illégal de la médecine.
Pour l’article L.4161-1 du Code de la Santé Publique, l’infraction d’exercice illégal de la médecine est caractérisée dès lors qu’une personne réalise « habituellement » des actes propres à la médecine, à savoir « l’établissement d’un diagnostic ou le traitement de maladies ».
La définition de l’acte médical pose peu de difficultés.
En effet, les actes « ne pouvant être pratiqués que par des médecins » font l’objet d’une liste fixée par un arrêté du 6 janvier 1962 (modifié, le plus récemment, le 13 avril 2007).
La « démarche de diagnostic » quant à elle, est définie par la Cour de Cassation comme le fait « d’examiner des personnes et déterminer l’organe malade à partir des symptômes décrits » et ceci « afin de mettre en œuvre un traitement » (Cour de Cassation Chambre Criminelle, 21 septembre 2004).
Pour que l’infraction soit caractérisée, il est également nécessaire que l’acte médical ait été effectué à titre « habituel ».
Dans l’affaire qui a fait l’objet des débats devant le Tribunal correctionnel de Paris, d’autres familles se sont jointes à la procédure.
Le Parisien rapporte notamment que les parents d’une quadragénaire décédée poursuivent également le faux praticien. Un an ferme a été requis contre le praticien.
Une activité ambigüe
Depuis plusieurs mois, la profession de naturopathe se retrouve sur le devant de l’actualité.
En 2020, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) avait eu l’occasion d’attirer l’attention du public sur les dérives liées au domaine de la santé et notamment des naturopathes.
Le 12 août dernier, une jeune femme est décédée à l’occasion d’un « stage de jeûne hydrique » de deux semaines (facturé entre 1 600 et 5000 euros) !
Malgré l’ambiguïté de cette activité, qui flirte parfois avec l’activité de soin et de diagnostic, aucune législation spécifique n’encadre la pratique… sauf en matière fiscale.
En effet, les naturopathes disposent, à côté des guérisseurs et rebouteux de leur propre code APE, indispensable dans le cadre des règlements des cotisations sociales.
Charles Haroche
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Cellules souches: des chercheurs aux charlatans