Pascal MARIE | 06.11.2019
Phanie Zoom
- Recherche-Science Bretagne- Médecin libéral Laboratoires pharmaceutiques Base de données Rémunération-Honoraires-ROSP OMS LEEM
Pour la première fois en France, une étude s’est intéressée aux liens entre les prescriptions des médecins libéraux et les avantages offerts à ces derniers par l’industrie pharmaceutique.
Publiée dans le « British Medical Journal », l’étude, menée notamment par des médecins généralistes et des ingénieurs de l’université de Rennes, livre un enseignement majeur : les praticiens qui ne bénéficient pas de voyages ou de cadeaux de la part des groupes pharmaceutiques prescrivent moins et plus efficacement. « L’étude ne peut pas montrer de lien de cause à effet », précise le Dr Frouard, l’un des auteurs de ces travaux. « Elle permet seulement d’affirmer qu’en moyenne, par rapport aux groupes de médecins ayant reçu des avantages, le groupe de médecins n’en ayant reçu aucun est associé à des prescriptions moins coûteuses et à plus de prescriptions de médicaments génériques par rapport aux mêmes médicaments non génériques comme les antibiotiques, les antihypertenseurs les statines ».
Pour aboutir à ces conclusions, les chercheurs ont utilisé deux bases de données : « Transparence-Santé », qui mentionne les liens d’intérêt entre les entreprises et les acteurs de santé, et le Système national des données de santé (SNDS). Les travaux ont donc consisté à « croiser les données de ces deux bases pour l’année 2016, en recherchant une association entre les avantages reçus de l’industrie pharmaceutique par 41 257 généralistes, et des indicateurs évaluant le coût et la qualité des prescriptions utilisés par l’assurance-maladie dans le calcul de la Rémunération des médecins sur objectifs de santé publique (ROSP) ». Selon les chiffres de « Transparence-Santé », 90 % des généralistes ont reçu au moins un cadeau depuis 2013. Des études précédentes et notamment une publication de l’Organisation mondiale de santé (OMS) avaient déjà mis en évidence le lien entre ces avantages et les choix thérapeutiques réalisés par les médecins libéraux. Comme le suggère le Dr Goupil, généraliste et coauteur de l’étude : « Il semble peu probable que l’argent dépensé par l’industrie pharmaceutique pour la promotion des médicaments le soit à perte. »
De son côté, le LEEM n’a pas tardé à réagir aux critiques contenues dans cette étude. Dans un communiqué diffusé cet après-midi, le syndicat d’industriels du médicament « dénonce fermement ce nouveau dénigrement d’une industrie dont la vocation première est d’apporter aux patients des solutions thérapeutiques toujours plus sûres et toujours plus efficaces ». Concentrant ses critiques sur la méthodologie de l’étude, le LEEM regrette notamment que celle-ci « regroupe sous le terme générique » d’avantages « , des invitations à des événements scientifiques ou de formation, des frais d’hébergement, de déplacement ou de restauration… L’exploitation de ces données et leur analyse s’avèrent donc particulièrement complexes ».
Source : Lequotidiendupharmacien.fr
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Les « cadeaux » des labos influencent les prescriptions (étude), l’industrie pharma proteste
PAR SOPHIE MARTOS – PUBLIÉ LE 06/11/2019
Crédit photo : PHANIE
Les médecins généralistes français qui reçoivent des « cadeaux » des laboratoires pharmaceutiques seraient associés à « des prescriptions plus chères et de moindre qualité », affirme une équipe d’enseignants-chercheurs, médecins et ingénieurs de l’université de Rennes-1 dans une étude publiée dans le « BMJ ».
L’équipe a croisé les données de la base Transparence Santé (sur laquelle doivent être déclarés les liens d’intérêt des professionnels de santé – comme les équipements, repas, frais de transport ou d’hôtel offerts par des entreprises, à partir d’un montant de 10 euros) et une partie des données de l’Assurance-maladie (prescriptions remboursées ou actes médicaux…), issues du système national des données de santé (SNDS).
Les travaux ont consisté à vérifier s’il existait un lien entre les avantages offerts aux généralistes (restauration, hôtel, services, équipement, etc.) par l’industrie pharmaceutique et le coût de leurs prescriptions ainsi que leur pertinence au regard des objectifs fixés par la CNAM. Ainsi, les auteurs ont passé au crible les prescriptions d’un peu plus de 41 257 généralistes travaillant exclusivement en libéral, classés en six groupes en fonction du montant des avantages perçus au cours de l’année 2016. « Près de 90% des médecins généralistes ont déjà reçu au moins un cadeau depuis 2013 », précise Pierre Frouard, généraliste à Rennes et coordonnateur de l’étude.
Pas de lien de causalité…
L’équipe conclut que l’étude ne peut pas montrer de lien de cause à effet mais permet d’affirmer « qu’en moyenne le groupe de médecins n’ayant reçu aucun avantage (…) est associé à des prescriptions moins coûteuses, plus de prescriptions de médicaments génériques par rapport aux mêmes médicaments non génériques (antibiotiques, antihypertenseurs, statines), moins de prescriptions de vasodilatateurs et de benzodiazépine pour des durées longues et moins de sartans, comparativement aux inhibiteurs de l’enzyme de conversion ».
En revanche, il n’existe pas de différence significative pour la prescription d’aspirine, de génériques d’antidépresseurs ou de génériques d’inhibiteurs de la pompe à protons.
Autre constat : plus le montant total des avantages perçus est élevé, plus le surcoût moyen par prescription augmente, tout comme le déficit de prescription des versions génériques pour les antibiotiques, les antihypertenseurs et les statines. Ainsi un généraliste ayant perçu un avantage égal ou supérieur à 1 000 euros en 2016, aurait un surcoût moyen par prescription de 5 euros contre 2 euros pour un praticien ayant perçu entre 10 et 69 euros…
Pour les auteurs, ces résultats « renforcent l’hypothèse selon laquelle l’industrie pharmaceutique peut influencer les prescriptions des médecins généralistes ». « Cette influence, parfois inconsciente chez les médecins, peut conduire à choisir un traitement qui n’est pas optimal, au détriment de la santé du patient et du coût pour la collectivité », ajoutent-ils.
Les syndicats médicaux perplexes
Contacté par « le Quotidien », le Dr Jacques Battistoni, président de MG France, n’est pas surpris des résultats. « Ça permet de quantifier quelque chose qu’on suppose depuis longtemps », commente-t-il. Toutefois, l’effet du marketing pharmaceutique serait en repli. « J’ai l’impression que l’influence est en perte de vitesse. Les confrères reçoivent moins de visiteurs médicaux, il y a moins de pression autour de la prescription », ajoute-t-il.
Également joint ce mercredi, le Dr Jean-Paul Hamon, président de la Fédération des médecins de France (FMF), est beaucoup plus sévère. « Les généralistes sont les seuls ciblés, quel est l’intérêt de défaire leur réputation ? Quels critères permettent d’affirmer qu’un généraliste prescrit mal ? Il faudrait réaliser une étude avec l’ensemble des médecins tous modes d’exercice confondus », s’énerve-t-il.
LEEM LaboratoiresPharmaceutiques
Source : lequotidiendumedecin.fr
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Une étude française pointe l’influence des labos sur les prescriptions des généralistes
Par Aveline Marques le 06-11-2019
Petits-déjeuners offerts, prise en charge de l’hôtel lors d’un congrès, financement d’un équipement… Existe-t-il une association entre les avantages offerts par les industriels de santé et les prescriptions des médecins généralistes? D’après ces médecins, chercheurs et ingénieurs français, la réponse est oui.
De précédentes études, menées notamment aux Etats-Unis, ont établi l’existence d’un lien entre les avantages en nature (« gift ») offerts aux médecins par les laboratoires et fabricants de dispositifs et leurs prescriptions. Une étude parue en 2016 dans JAMA* montrait ainsi que les praticiens invités à déjeuner par un laboratoire prescrivaient par la suite davantage le médicament de la firme.
Pour de ce constat, également dressé par l’OMS, les auteurs de cette étude rennaise (Université, CHU, Inserm), parue ce mercredi 6 novembre dans le BMJ, ont voulu vérifier si les généralistes français étaient également concernés.
Pour ce faire, ils ont croisé les données de deux bases : Transparence santé, base ministérielle sur laquelle les industriels déclarent les avantages offerts aux professionnels de santé (90% des généralistes y sont mentionnés au moins une fois depuis sa création en 2013), et le Système national des données de santé, base gérée par la Cnamts qui renseigne notamment les données de remboursement de 99% des Français.
Les prescriptions de 41 257 généralistes libéraux français pour l’année 2016 ont été passées au crible, afin de rechercher une association entre les avantages reçus (exprimés en valeur totale) et le coût et la qualité des prescriptions. A noter que cette dernière est évaluée au regard des objectifs fixés par l’Assurance maladie dans le cadre de la Rosp…
« De par sa méthodologie, l’étude ne peut pas montrer de lien de cause à effet », précise d’emblée le communiqué. « Elle permet seulement d’affirmer qu’en moyenne », par rapport aux groupes de médecins ayant reçu des avantages, le groupe de médecins n’ayant reçu aucun avantage en 2016 ni depuis la création de la base Transparence Santé en 2013 est associé à des « prescriptions moins coûteuses », « plus de prescriptions de médicaments génériques », moins de vasodilatateurs et de benzodiazépine pour des durées longues (uniquement par rapport à ceux qui ont reçu « le plus d’avantages ») et « moins de prescriptions de sartans comparativement aux inhibiteurs de l’enzyme de conversion ».
Comparison of explanatory variables with the no gift group in multivariate analysis. Values are adjusted mean differences and corresponding 99.9% confidence intervals (data are reported in supplementary appendix 4). Threshold P=0.001 (Bonferroni correction for P=0.05/(9×5)=0.0011). ACE=angiotensin converting enzyme
En revanche, aucune différence significative n’est relevée pour la prescription d’aspirine, de génériques d’antidépresseurs ou de génériques d’inhibiteurs de la pompe à protons.
Pour le Dr Bruno Goupil, généraliste et premier auteur de l’étude, ces résultats « concordent avec les études existantes qui concluent en faveur d’une influence sur les prescriptions ». « Il semble peu probable que l’argent dépensé par l’industrie pharmaceutique pour la promotion des médicaments le soit à perte », relève-t-il. C’est d’ailleurs l’un des messages clés que tente de faire passer le syndicat d’internes Isnar-IMG au travers de sa campagne « No free lunch ».
*DeJong C., Aguilar T., Tseng C-W., Lin GA., Boscardin WJ., Dudley RA. Pharmaceutical Industry–Sponsored Meals and Physician Prescribing Patterns for Medicare Beneficiaries. JAMA Intern Med 2016;176(8):1114. Doi: 10.1001/jamainternmed.2016.2765.
Source : Association between gifts from pharmaceutical companies to French general practitioners and their drug prescriptions in 2016: a retrospective study using the French Transparency in Healthcare and National Health Data System databases Bruno Goupil, Frédéric Balusson, Florian Naudet, Maxime Esvan, Benjamin Bastian, Anthony Chapron, Pierre Frouard doi: 10.1136/bmj.l6015 | BMJ 2019;367:l6015
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