ACCUEIL SPORTS AUTRES SPORTS ZONE ACTIVE
Un contenu vidéo est disponible pour cet article:
Des coureurs se suivent
PHOTO : RADIO-CANADA / MARC-ANTOINE MAGEAU
Antoine Deshaies (accéder à la page de l’auteur) – Publié le 3 novembre 2020
Le médecin Luc De Garie – PHOTO : COURTOISIE : LUC DE GARIE
Luc De Garie est médecin de famille pour près de 650 patients et suit des athlètes à l’Institut national des sports du Québec.
Il est aussi président de l’Association québécoise des médecins du sport et de l’exercice (AQMSE), un regroupement de 200 professionnels de la santé.
Comme ses collègues, il remarque une dégradation dans la condition de ses patients depuis le début de la pandémie. Au-delà de la détresse psychologique, déjà grandement documentée, il s’inquiète aussi de l’impact de la pandémie sur la santé physique des Québécois. Il juge que le statu quo est insoutenable.
On va devoir vivre avec le virus et la pandémie pour encore un bout de temps. Et on ne peut pas se permettre de vivre comme on le fait en ce moment dans l’attente de la reprise de nos activités sportives comme on les connaissait avant, explique le Dr De Garie.
Si on attend ça, les résultats vont être désastreux pour la santé physique et mentale.
Pour lui, le sport est bien souvent le remède le plus efficace pour évacuer le stress. Et dans le contexte du quotidien anxiogène actuel, les infrastructures sportives sont moins accessibles qu’à l’habitude.
Le télétravail est aussi un piège pour bien des personnes qui bougent encore moins qu’avant.
Avant, les gens marchaient minimalement pour se rendre au bureau en transport en commun ou en transport actif, dit-il. Là, on déjeune, on s’installe à l’ordinateur et on ne bouge plus jusqu’au dîner. On fait ensuite quatre pas pour se rendre à la cuisine et on retourne à l’ordinateur jusqu’au retour des enfants à l’heure du souper.
Pour les adultes, l’activité physique est le principal rempart contre les maladies cardio-respiratoires ou encore le diabète ou l’hypertension. Une augmentation de la sédentarité pourrait avoir un impact négatif important sur le système de santé dans les prochaines années, croit l’AQMSE.
Les aînés seraient encore plus à risque. La diminution de l’activité physique peut avoir des conséquences médicales importantes chez cette clientèle.
Je parlais avec une patiente de 81 ans qui était très active jusqu’à tout récemment, mais qui restait de plus en plus chez elle parce que les aînés se font dire de rester chez eux et de ne pas sortir, raconte le Dr De Garie.
Ils ne vont quand même pas être infectés par le virus en marchant dehors ! En restant cloîtrées, ces personnes-là vont se déconditionner, ce qui va augmenter le risque de chutes, puis augmenter le risque de fractures et le nombre d’hospitalisations.
Et bien sûr, il y a les plus jeunes pour qui l’activité physique est une nécessité à leur développement optimal. Les médecins rappellent que le cerveau a besoin de stimulation physique pour être capable de développer sa capacité d’adaptation, fort utile en période de grands bouleversements, et pour favoriser la concentration et l’estime de soi.
Toute la littératie physique des jeunes est affectée, explique le médecin. Ils ont moins d’occasions de développer leurs aptitudes sportives et physiques, leur coordination, leur goût du jeu. Bref, ils ont moins d’occasions de s’exprimer physiquement.
À lire aussi :
- Le yoga, votre allié pendant la pandémie?
- Bouger plus, moins d’écran, mieux dormir : les nouvelles recommandations canadiennes
- Aller au gym pour entraîner son cerveau
Un appel à réinventer l’activité physique
Le constat ne pourrait être plus clair. Les solutions, avec l’arrêt des sports organisés et la fermeture des salles de sport, sont moins évidentes. L’heure est donc à l’innovation.
Il faut réinventer l’activité physique parce que la situation actuelle pourrait perdurer un bon moment, juge-t-il. Ceux qui sont en télétravail devraient fermer leur caméra lorsqu’ils le peuvent et marcher ou devraient faire des exercices pendant les réunions. Il faut se forcer pour sortir sur l’heure du midi pour bouger. Pourquoi ne pas se donner des défis entre collègues?
Dans l’attente de la reprise des sports scolaires, les jeunes devraient en profiter pour travailler leurs habiletés individuelles au parc, si possible, en lançant des ballons ou encore en travaillant leurs tirs au but au hockey.
Les jeunes de 5 à 17 ans ne font pas suffisamment d’activités physiques par jour, selon de récentes données.
PHOTO : ISTOCK
Le retour du sport passera nécessairement par les entraînements et les initiatives individuelles qui limitent les risques de contagion. Si l’Association des médecins du sport et de l’exercice juge qu’il y a urgence d’agir, elle comprend aussi que la santé publique se concentre d’abord et avant tout sur la propagation du virus, question d’assurer la solidité du réseau de la santé
Je pense que la direction de la santé publique n’autorisera pas la reprise du sport organisé du jour au lendemain, ajoute M. De Garie. On a pu le faire à l’INS avec les athlètes d’élite grâce à un protocole très strict, mais ça prendra du temps pour implanter ce genre de protocole partout.
Les jeunes peuvent aussi changer de sport temporairement, suggère le médecin. Il y a bien souvent une spécialisation précoce dans le sport chez les jeunes, mais il est primordial de varier les activités sportives. Il est démontré que l’intégration d’autres sports va améliorer la coordination, la rapidité visuelle et la concentration pour les athlètes de tous les sports confondus. Il faut profiter de l’occasion.
Dans l’attente de la reprise des sports organisés, l’AQMSE encourage aussi les Québécois à participer le plus possible aux activités communautaires proposées par les fondations comme celles du Grand Défi Pierre Lavoie, de Laurent Duvernay-Tardif, Fillactive ou encore Actif pour la vie.
Toutes les raisons sont habituellement bonnes pour bouger, elles sont aujourd’hui encore plus nécessaires.