Accueil Course au large Vendée Globe
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Le 26 novembre 1989 était donné le départ du premier Vendée Globe, remporté par Titouan Lamazou.
Ce premier tour du monde en solitaire sans escale était marqué par un fait de course devenu légende : l’incroyable remise à flot du bateau chaviré de Philippe Poupon, via une spectaculaire manœuvre réussie par un autre skipper : Loïck Peyron.
Premier épisode de notre série extrait du hors-série « Les grandes histoires du Vendée Globe ».
L’image choc du premier Vendée Globe : au Sud de l’Afrique du Sud, le ketch Fleury Michon de Philippe Poupon s’est couché… et reste sur le flanc ! | ARCHIVES RUBINSTEIN / ALEA
Philippe JOUBIN, avec Bruno MÉNARD. Publié le 14/10/2024 à 17h00
Mercredi 27 décembre 1989, 2h15, quarantièmes rugissants, Atlantique Sud…
L’alarme programmée du réveil déchire l’habitacle de Fleury Michon.
Encore emmitouflé dans son sac de couchage, Philippe Poupon ouvre un œil puis regarde les diodes du pilote automatique et les petits écrans orange au-dessus de sa douillette couchette bâbord.
Bien calé, il vient d’avaler 50 minutes de repos indispensable à bord de son bateau lancé dans les quarantièmes rugissants.
Mais il y a cette alarme. Alors le skipper s’extrait de son duvet bien chaud, s’assied quelques secondes sur le bord de la couchette pour vérifier le cap du pilote automatique, se frotte les yeux lourds de sommeil en prenant bien garde que le sel ne pénètre pas ses paupières, résultat de cette giclée d’embruns qu’il a pris vers 1 heure du matin en manœuvrant sur le pont.
Revêtu de ses seuls sous-vêtements en fourrure polaire, le marin se glisse derrière la table à cartes, le centre névralgique du bateau.
À l’époque, voilà plus de trente ans, on comparait déjà l’endroit avec un tableau de bord de Boeing.
Les appareils électriques clignotent, les chiffres défilent : vitesse du vent et du voilier, cap du bateau, direction de la brise…
Un petit tour sur une mollette, et le skipper réduit la brillance du faisceau vert du radar qui tourne sans cesse en balayant la nuit noire.
Debout, il amortit naturellement les mouvements du bateau de ses genoux.
Car la mer est rude, difficile, creusée.
Voilà une dizaine d’heures qu’il est entré dans cette méchante tempête que la météo nationale avait annoncée.
Car à l’époque, les seules prévisions disponibles sont celles de l’institut français qui n’a pas encore pris le nom de Météo France.
Elles sont envoyées lors des vacations radio, ces échanges avec la terre et le PC Course établi à Paris.
50 nœuds à l’anémomètre
L’anémomètre, ce petit appareil qui mesure la force du vent, s’emballe : 43, 48, 50 nœuds, presque 100 kilomètres/heure.
Sur l’échelle de Beaufort, cela représente force 9 à 10, soit entre « fort coup de vent » et « tempête », selon la terminologie officielle.
Le skipper regarde à l’extérieur, à travers les hublots panoramiques de son habitacle.
La nuit est noir de jais. Il distingue juste les feux de route vert et rouge à l’avant du bateau, dont les lueurs se réfléchissent dans les embruns.
Les deux portes latérales donnant sur le cockpit sont bouclées.
Et il entend en permanence le grondement incessant des vagues déferlantes qui brisent au cul du bateau, ainsi que le hurlement en continu du vent dans les câbles du gréement.
2 heures 25. Même assis, Philippe Poupon a du mal à se maintenir. Ça secoue méchamment.
Régulièrement, la coque se soulève à l’arrière, l’étrave plonge vers l’avant dans un creux entre deux vagues.
Puis les quinze tonnes du bateau s’emballent, se dérobent, accélérant sans retenue. 15, 17, 20 nœuds…
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