Dr Irène Drogou | 16.10.2018
Fatigue, nervosité, céphalées, anxiété, les impacts négatifs du bruit sur la santé vont bien au-delà de l’apparition de troubles auditifs tels que bourdonnements d’oreilles, hypersensibilité au bruit ou surdité. Quelle est la réalité des impacts du bruit et des nuisances sonores au travail sur la santé ? À l’occasion de la 3e édition de la campagne Semaine de la santé auditive au travail du 15 au 19 octobre 2018, l’association JNA (Journée nationale de l’audition) présente les résultats d’une enquête IFOP chez plus de 1 000 personnes actives de 18 ans et plus.
Près de 6 actifs sur 10 se disent gênés par le bruit sur son lieu de travail (59 %), dont un quart (19 %) souvent. Un phénomène qui semble prendre de l’ampleur, car la perception a augmenté de 7 points par rapport à 2017.
« Toutes les catégories de population sont concernées, est-il souligné dans l’enquête. Contrairement aux idées reçues, une nette majorité des salariés des secteurs des services (54 %) et de l’administration (60 %) sont eux aussi gênés par le bruit à leur poste de travail. »
Génération millénium
Fait nouveau, la tranche des 18-24 ans est celle qui se déclare le plus gênée (65 %). Plusieurs explications possibles sont avancées. « Open space, coworking, flex office, la mode du décloisonnement génère plus de bruit, explique le Pr Rémy Pujol, chercheur Inserm et membre des JNA. La génération millénium, celle du Plan national Nutrition Santé (PNNS) est aussi plus préoccupée par sa santé, qu’elle appréhende comme un capital à entretenir. »
Néanmoins, « la jeunesse se met en danger elle-même par insouciance, poursuit-il. Les milléniums se protègent du bruit ambiant avec leurs casques et un fond sonore qui peut être trop fort. »
Ambiance sonore délétère
Si c’est avant tout la qualité du travail qui est mise en avant par trois quarts des participants comme étant altérée par le bruit, les répercussions sur la santé sont prégnantes. Un actif sur deux se plaint de fatigue, de lassitude et d’irritabilité en rapport avec l’ambiance sonore. Pour près de la moitié, le bruit génère également des troubles de compréhension au poste de travail et pour près d’un quart des actifs, une moindre perception des signaux d’alerte, notamment chez les ouvriers et les métiers du bâtiment.
Salariés et employeurs à mobiliser
Quelles solutions proposer ? Premier constat, seul un actif sur deux partage la gêne ressentie sur le lieu de travail à au moins un acteur de son entreprise, hiérarchie directe le plus souvent. Les acteurs spécifiques (médecin du travail, représentants du personnel, DRH) sont encore moins sollicités. Deuxième constat, les entreprises commencent seulement à prendre la mesure de l’enjeu sur la santé mais aussi la performance de leurs salariés.
Il y aurait près de 18 milliards d’euros par an de perte de performance due au bruit, selon les simulations à partir du rapport ADEM. « La prévention coûte cher mais peut se révéler rentable sur le long terme », explique Nicolas Meyer, ingénieur à la CRAMIF.
Réaménagement de l’espace de travail
« Le bruit est un excitant et induit du stress, rappelle le Pr Jean-Luc Puel, médecin ORL chercheur Inserm à Montpellier et président de l’association JNA. Même un son permanent et neutre fatigue, on a tous vécu le sentiment de calme et d’apaisement immédiats quand la ventilation s’arrête. »
Au-delà des protecteurs individuels (bouchons d’oreille, casques antibruit), l’espace de travail peut être réaménagé, avec une meilleure conception de l’espace ou la mise en place de mobilier isolant (cloisonnettes antibruit). Le 28 novembre 2018, auront lieu à Paris les 2es rencontres nationales « Bruit et santé » organisées par le Centre d’information sur le bruit (CidB) avec pour thème « Ambiances sonores au travail : ne faisons pas la sourde oreille ! ».
Source : Lequotidiendumedecin.fr