Revue de presse Mediscoop du 02-10-2019
Par Mme Aude Rambaud (Boulogne)[Déclaration de liens d’intérêts]
Les hommes ayant eu recours à une procréation médicalement assistée en raison d’une infertilité présentent un risque plus élevé de cancer précoce de la prostate par rapport à ceux ayant conçu naturellement. Cette association est renforcée quand la technique utilisée est l’ICSI. C’est ce qu’indique une étude parue dans le BMJ.
Compte tenu du fait que le cancer de la prostate et de nombreuses infertilités masculines sont liées à des anomalies androgéniques, un lien entre les deux ne peut être écarté. D’autant plus qu’un sur-risque de cancer a déjà été mis en évidence chez les individus effectuant des spermogrammes en raison de difficultés à concevoir.
Pour tester cette éventualité, une équipe suédoise a effectué une étude de cohorte à partir d’un registre national incluant 1.181.490 enfants nés entre 1994 et 2014 et autant de pères.
Ces derniers ont été triés selon leur facilité/difficulté à concevoir : 20.618 ont eu recours à une fécondation in vitro sans ICSI, 14.882 à une injection intra-cytoplasmique de spermatozoïde (ICSI) et 1.145.990 ont conçu naturellement. Chez ces individus, les auteurs ont répertorié les cas de cancer de la prostate, l’âge de survenue, et l’utilisation d’un traitement anti-androgénique.
Concrètement, 0,37% des pères ayant eu recours à une FIV ont développé un cancer de la prostate, 0,42% de ceux avec ICSI et 0,28% de ceux ayant conçu naturellement et les moyennes d’âges respectives au moment du diagnostic étaient 55,9, 55.,1 et 57,1 ans.
Ces chiffres marquent un sur-risque significatif pour ce cancer chez les hommes ayant recours à la procréation médicalement assistée par rapport aux autres (HR 1.64, IC 95% 1.25 – 2.15 pour l’ICSI et HR 1.33, 1.06 – 1.66 pour la FIV sans ICSI), et à un âge plus précoce avec un risque augmenté de diagnostic avant l’âge de 55 ans (HR 1.86, 1.25 – 2.77 pour ICSI et HR 1.51, 1.09 – 2.08, pour la FIV sans ICSI).
Référence : Yahia Al-Jebari et al.- Risk of prostate cancer for men fathering through assisted reproduction: nationwide population based register study – BMJ 2019;366:l5214
[Retrouvez l’abstract en ligne]
Date de publication : 2 octobre 2019
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Le recours à la PMA, un marqueur du risque de cancer prostatique ?
Publié le 03/10/2019
Un certain nombre d’infertilités masculines sont d’origine androgénique. Ceci a conduit à faire évoquer une possible relation entre l’infertilité masculine et le cancer de la prostate. Les travaux réalisés sur le sujet ont toutefois jusqu’à présent donné des résultats contradictoires. Certains qui ont concerné des hommes âgés sans enfant ont constaté un risque réduit de cancer prostatique. D’autres, menés chez de jeunes hommes, ont montré que ceux dont le sperme était de qualité médiocre avaient plus de risque de cancer prostatique.
Mais, ni l’absence de paternité (souvent liée à des facteurs sociaux plus que biologiques), ni la qualité du sperme (sujette à des variations individuelles et entre laboratoires) ne sont des marqueurs idéaux de l’infertilité masculine. En revanche, le fait pour un homme d’avoir recours à la procréation médicale assistée (PMA) peut être un bon marqueur de l’infertilité, notamment en cas d’ICSI (injection intracytoplasmique de spermatozoïdes), méthode préférée à la FIV (fécondation in vitro) quand le sperme est de très mauvaise qualité (oligospermie, asthénospermie).
Pour en savoir plus sur le lien possible entre infertilité et cancer prostatique, une équipe suédoise a mené une étude de cohorte à partir des données des registres nationaux. Les pères de 1,2 millions enfants nés entre janvier 1994 et décembre 2014 ont été inclus. Ils ont été regroupés selon leur statut de fertilité, déterminé par le mode de conception de l’enfant : 20 618 par FIV, 14 882 par ICSI et les autres de manière naturelle. L’objectif était de vérifier si le risque de cancer prostatique des pères était différent en termes d’incidence, d’âge et de sévérité, selon la façon dont la conception avait eu lieu.
Un risque significativement augmenté qui justifie un dépistage plus attentif
Les résultats de cette étude pourraient avoir des conséquences sur le suivi des hommes ayant eu recours à la PMA pour devenir père. Il apparaît en effet un risque significativement augmenté de cancer de la prostate chez ces hommes par rapport à ceux dont le couple a conçu naturellement : cette augmentation est de 64 % pour les hommes ayant eu recours à une ICSI et de 30 % pour ceux ayant recours à une FIV. De plus ces cancers sont souvent plus précoces que pour ceux ayant conçu naturellement, avec un risque plus élevé avant l’âge de 55 ans.
Pour les auteurs, ces données justifient que les hommes ayant eu recours à la PMA fassent l’objet d’un dépistage plus attentif et précoce du cancer prostatique. Ils estiment que, pour ces patients, le dosage du PSA (Prostate Specific Antigen) est la méthode la plus appropriée, la plus économique et la moins invasive pour ce dépistage de première intention. Ils notent toutefois que des travaux évaluant les bénéfices et l’efficacité de ce dépistage pour ce groupe à risque seraient les bienvenus. Un suivi à plus long cours des patients ayant eu recours à la PMA apportera sans doute des compléments d’information, que nous suivrons avec intérêt.
Dr Roseline Péluchon
RÉFÉRENCES : Al Jebari Y. et coll. : Risk of prostate cancer for men fathering through assisted reproduction: nationwide population based register study. BMJ 2019;366:l5214
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