Les femmes qui multiplient les fausses couches présentent possiblement un défaut génétique qui les rend incapables de mener une grossesse à terme avec leurs propres ovules.

Par Jean-Benoit Legault, La Presse canadienne

Une médecin rassure sa patiente Profession Santé logo15/06/2021

Le défaut concerne le gène CCNB3, qui joue un rôle de première importance dans la division cellulaire menant à la création d’ovules normaux, selon les travaux réalisés à l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill.

C’est le cas d’un couple qui a subi seize avortements sur une quinzaine d’années qui a mis la docteure Rima Slim et son équipe sur la piste de ce gène, qui avait tout d’abord été décrit par des chercheurs iraniens en 2020.

« Nous avons analysé (le génome de la femme) avec la méthode de séquençage de nouvelle génération dans un projet de recherche, a expliqué la docteure Slim.

Nous avons trouvé qu’elle a un défaut génique dans un gène (…) qui est nécessaire au développement normal de l’ovocyte. »

Sans la protéine associée à ce gène, poursuit-elle, l’ovule ne peut pas compléter son développement normal.

Cette défectuosité ne l’empêche toutefois pas d’être fécondé, mais il est ensuite tout simplement impossible que la grossesse se rende à terme.

L’histoire se répète chaque fois qu’un ovule est fécondé.

Ignorant tout de la situation, la femme et son conjoint ont multiplié les tests, les essais et les dépenses dans l’espoir d’avoir un enfant, sans résultat.

« Si on avait su ça pour cette patiente-là, on aurait pu lui dire que la fécondation in vitro classique avec ses ovocytes n’était pas une bonne approche parce qu’on savait où était le problème, a dit la docteure Slim.

Elle aurait eu moins de coûts à assumer et aurait gagné du temps dans son approche pour avoir un enfant. »

La pathologie des avortements à répétition est très complexe, prévient la docteure Slim, et elle peut avoir de multiples causes, ce qui complique grandement la compréhension du problème.

La génétique des avortements à répétition accuse aussi beaucoup de retard face à la génétique d’autres problèmes de santé qui se manifestent pendant l’enfance, comme la déficience intellectuelle ou la surdité, ajoute-t-elle.

L’identification de ce défaut génétique pourrait permettre de repérer plus facilement les femmes qui n’ont aucune chance de mener à terme une grossesse en utilisant leurs propres ovules.

Puisque les femmes ne disposent que d’une certaine période pendant laquelle elles peuvent procréer, tout temps sauvé lorsqu’elles sont prises en charge en raison d’avortements à répétition pourrait être très précieux.

« On ne peut pas promettre que cette approche-là va résoudre tous les problèmes de toutes les patientes, a dit la docteure Slim.

Mais ne pas attendre d’avoir une réponse à toutes les questions des patientes pourrait être une meilleure approche. »

L’étude de la docteure Slim a été réalisée en collaboration avec le Centre d’innovation Génome Québec et l’Université de Pittsburgh.

Les conclusions ont été publiées par The Journal of Medical Genetics.