le 17-06-2017 EXCLUSIF
Des années après avoir subi de l’intimidation à l’école, des adultes sont handicapés par des séquelles psychologiques qui s’apparentent au stress post-traumatique, constate un psychologue. Raison de plus pour bannir ces comportements de nos écoles.
Marcel Bernier est psychologue au Centre d’aide aux étudiants de l’Université Laval. Dans sa pratique, il lui arrive de rencontrer de jeunes adultes qui souffrent d’une forme d’anxiété sociale qui les fait craindre d’entrer dans une nouvelle classe.
« Ils savent qu’ils n’ont rien à craindre, et pourtant, ils ne se sentent pas en sécurité, ils ont peur de faire rire d’eux.» En creusant, le psy découvre souvent que cette peur déraisonnable trouve ses racines dans des épisodes traumatisants d’intimidation au primaire ou au secondaire. « Ce sont des blessures qui font encore mal, explique le clinicien. C’est comme une peine d’amour. Pour certains, ça fait mal sur le coup, mais ça se transforme en mauvais souvenir au fil du temps. Pour d’autres, la douleur reste vive et ne les quitte pas. »
Comme des vétérans du Vietnam
Les histoires d’horreur que les victimes racontent au psychologue sont toutes plus terribles les unes que les autres. Agressions répétées, crachats au visage, violence psychologique persistante, heures du midi passées caché dans les toilettes…
Plusieurs adultes sont hantés par ces sévices. À la manière de soldats qui, revenus depuis plusieurs décennies du théâtre des opérations militaires, continuent de vivre les horreurs de la guerre. «Il y a des vétérans qui vivent encore l’enfer du Vietnam et qui, 30 ou 40 ans plus tard, entendent toujours les cris des enfants et le bruit des bombes, illustre le psychologue. Et même si, selon les critères de diagnostic du stress post-traumatique, il manque un élément pour que l’intimidation puisse en être officiellement la cause, les séquelles sont analogues.»
En effet, pour parler de stress post-traumatique, il faut que notre vie ait été mise en danger ou que l’on ait été témoin d’un événement très violent.
Mais le psychologue propose toutefois que, dans l’esprit d’un enfant de 7 ou 8 ans, la menace constante, répétée jour après jour, est sans doute comparable. « Avec le recul, on comprend que ce n’était pas dangereux pour notre vie, mais à cet âge-là, on n’est pas outillé pour composer avec ça. » Ainsi, la menace est peut-être subjective, mais elle est bien réelle à leurs yeux.
Les conséquences sur la santé
Les victimes d’intimidation, devenues adultes, ont davantage de troubles anxieux, de troubles dépressifs, de difficultés relationnelles et de problèmes liés à l’estime de soi que la population générale. « Une étude démontre que les victimes sont six fois plus à risque de développer un trouble psychiatrique, de devenir fumeurs ou d’être atteints d’une maladie grave que les personnes qui n’ont pas été touchées par l’intimidation », écrivait M. Bernier au lendemain du battage médiatique entourant le suicide de Marjorie Raymond, tristement célèbre victime d’intimidation.
Raison de plus pour mettre fin à ce comportement dans les écoles : il ajoute au passif de la santé publique.
Quant à celles et ceux pour qui le mal est fait, il leur faudra prendre le chemin parfois ardu de la guérison par le traitement clinique. «Il est possible, à travers une démarche psychothérapeutique bien établie avec un psychologue compétent, de trouver enfin l’apaisement. On doit les aider à modifier leur perspective par rapport à ce qu’ils ont vécu, les faire passer de “j’ai honte d’avoir subi le mépris et je mérite d’être rejeté” à “je suis fier d’avoir survécu à ces assauts que je ne méritais pas”. Mais pour y parvenir, ces victimes doivent avoir accès aux bonnes ressources. »