https://www.jim.fr/e-docs/00/02/BB/DA/carac_photo_1.jpg Publié le 28/08/2019

Parmi la soixantaine de greffes utérines faites dans le monde, une revue a été publiée par le service de chirurgie de l’Imperial College de Londres à propos des quarante-cinq premiers cas pour lesquels des données précises étaient accessibles. La greffe utérine, en restaurant l’anatomie reproductive des femmes souffrant d’une « stérilité absolue», leur donne la possibilité de concevoir, de vivre l’expérience de la grossesse, et de devenir mère. L’analyse porte sur quarante-cinq cas de greffes utérines qui ont déjà permis d’obtenir neufs naissances vivantes.

Les receveuses sont soit des femmes qui n’ont jamais eu d’utérus, qu’elles soient atteintes d’un syndrome de Mayer-Rokitansky-Küster-Hauser (MRKH) ou d’une insensibilité complète aux androgènes (pseudo-hermaphrodisme masculin), soit des femmes qui n’ont plus d’utérus, ayant subi une hystérectomie d’hémostase ou une hystérectomie pour une lésion bénigne ou maligne de l’utérus, et enfin des femmes qui ont un utérus non fonctionnel à cause d’une malformation congénitale, d’un syndrome adhérentiel d’Asherman, un utérus multimyomateux, adénomyosique, ou irradié.

Elles pourraient aussi être des hommes transgenres qui, étant devenus des femmes au regard de la loi au Royaume Uni, sont en droit de bénéficier des mêmes soins que toutes les autres femmes.

Dans cette revue, les greffes utérines étudiées concernaient majoritairement des femmes atteintes du syndrome MRKH (40/45). Parmi les 5 autres, une avait subi une hystérectomie pour un cancer du col, une pour une hémorragie du post-partum, une pour un syndrome d’Asherman, et deux après une myomectomie infructueuse.

Les femmes donneuses sont soit des femmes vivantes – en famille avec la receveuse au 1erdegré (mère, sœur), ou au 2éme degré (tante), ou sans lien familial : amie, donneuse volontaire indirecte sélectionnée par l’équipe médicale – soit des femmes en état de mort cérébrale, qui ont consenti au don de leurs organes ou qui n’ont pas manifesté leur refus.

Dans la revue, la majorité des dons venaient de femmes vivantes (36/45), 19 venaient d’apparentées, la mère (16), la sœur (1), la tante (2), et 17 venaient de femmes non apparentées, 3 de l’entourage et 14 de donneuses indirectes.

Le prélèvement de l’utérus chez une femme vivante nécessite une intervention complexe, grevée dans 10 % des cas de complications (évidemment absentes lorsque la donneuse est décédée !). Le don familial au 1er degré comporte un bénéfice immunologique avec moins de risque de rejet.

L’âge moyen des donneuses était de 44 ans (20 à 62 ans). Les donneuses vivantes avaient un âge moyen de 45,5 ans, et les donneuses décédées de 38,3 ans. L’âge de la donneuse a été identifié comme un facteur de risque indépendant, lié au vieillissement artériel. La technique chirurgicale est complexe et souvent longue, en moyenne plus de cinq heures (entre 3h ½ et 11 h). Parmi ces 45 greffes, 13 ont nécessité, dans les semaines suivantes, une hystérectomie d’urgence, le plus souvent à cause de la thrombose du greffon. Sept femmes ont déjà prévu une hystérectomie, 6 parmi elles ont accouché d’un enfant vivant, 25 ont toujours un greffon fonctionnel.

L’immunosuppression a majoritairement été induite par injection de sérum anti-lymphocytaire, et poursuivie par l’administration de tacrolimus associé au mycophénolate mofétil, ce dernier étant interrompu avant le transfert embryonnaire, en raison de son caractère tératogène, et remplacé par l’azathioprine. Parmi les 37 cas documentés, 17 femmes ont totalisé 26 épisodes de rejet, mais 20 femmes n’en ont présenté aucun. Neuf femmes pour lesquelles au moins un épisode de rejet était documenté ont eu un enfant vivant, et chez 4 autres la grossesse s’est poursuivie.

Dix-huit naissances vivantes après greffe utérine

Dix-huit naissances vivantes après greffe utérine ont déjà été rapportées par les médias, dix-sept avec don d’utérus d’une femme vivante (Suède, USA, Serbie, Inde et Chine) et une avec prélèvement de l’utérus d’une femme en état de mort cérébrale (Brésil).

En ce qui concerne les neuf grossesses documentées, les immunosuppresseurs utilisés étaient déjà connus pour n’être associés à aucun risque de malformation congénitale, mais à un risque d’accouchement prématuré et de petit poids de naissance connu chez les femmes transplantées.

Pour ces neuf naissances, les femmes ont toutes accouché par césarienne, le terme moyen de l’accouchement était de 35 SA (de 32 à 37 SA), le poids moyen du nouveau-né était de 2 500 g (de 1 775 à 3 074 g). Trois femmes ont fait une pré-éclampsie, deux une cholestase gravidique.

Les nouveau-nés étaient en bonne santé, leur Apgar à 10 mn était normal, et ils ne présentaient pas de malformation congénitale.

Compte tenu du fait que déjà dix-huit enfants sont nés grâce à un don d’utérus, la transplantation utérine apparaît comme une option envisageable en cas de stérilité due à l’absence d’utérus fonctionnel. Le procédé n’est cependant pas dénué de risque ni de complications, tant pour la femme qui donne que pour celle qui reçoit. Il est aussi à ce jour grevé d’échecs.

Dr Catherine Vicariot

RÉFÉRENCE: Jones BP et coll. : Human uterine transplantation: a review of outcomes from the first 45 cases. BJOG 2019; publication avancée en ligne le 13 août. doi.org/10. 1111/1471-0528.15863.

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