Le Vendée Globe échappe-t-il au dopage ? Voici comment les skippers sont contrôlés… ou pas – Edition du soir Ouest-France – 15/01/2025

Par Pierrick CHEVRINAIS.

Si la question du dopage semble échapper au milieu de la voile, les skippers du Vendée Globe doivent aussi se soumettre à des tests de l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD).

Jusqu’ici, aucun contrôle positif n’a été recensé.

L’intérêt de se doper pour faire de la course au large semble aussi peu bénéfique.

Le Normand Charlie Dalin est entré dans l’histoire.

Après 64 jours, 19 heures et 22 minutes en mer, le skippeur du bateau Macif Santé Prévoyance a remporté, mardi 14 janvier, la dixième édition du Vendée Globe en un temps record, laissant sur le carreau la précédente performance d’Armel Le Cléac’h de 2017 (74 jours, 3 heures et 35 minutes).

Le natif du Havre (Seine-Maritime) n’a donc fait qu’une bouchée de « L’Everest des Mers ».

Performance suspecte ou non, la question du dopage n’est jamais évoquée dans le milieu de la voile, contrairement au cyclisme par exemple, où l’ombre du dopage plane sans cesse après des résultats marquants.

Des premiers contrôles sur le Vendée Globe en 2021

De là à penser que les skippers du Vendée Globe ont autre chose que du sel de mer qui coule dans leurs veines ?

Loin de là, car, comme dans tous les sports, les athlètes de la course au large sont soumis à un contrôle réglementé de l’Agence de lutte contre le dopage (AFLD).

Lors de la précédente édition du Vendée Globe en 2020-2021, huit contrôles avaient été réalisés pour la première fois de l’histoire « avant et après l’arrivée », précisait Jean-Yves Chauve, l’historique médecin du Vendée Globe jusqu’en 2021.

« Il s’agissait de tests urinaires diligentés par l’Agence française de lutte contre le dopage en totale autonomie. »

Le troisième, Louis Burton, s’en était même amusé quelques minutes après son arrivée sur les pontons : « Pour mon retour à terre, j’ai eu droit à une pizza tiède et à un contrôle antidopage.

En termes de plaisirs terriens, ce n’est pas dingue (rires). »

Si on jette un œil dans le rapport d’activité de l’AFLD, 45 contrôles ont été effectués au total toutes compétitions confondues dans le milieu de la voile par l’organisme en 2023.

Des contrôles en hausse chaque année. En 2018, sur 7 700 échantillons – tous sports confondus – prélevés en France, neuf concernaient seulement la voile.

« C’est très bien car ça va montrer que la voile est un sport propre. Personne n’a tiqué du côté des marins.

Je pense qu’il y a une maturité et une sérénité par rapport à ça », avançait Jean-Yves Chauve en 2021.

« Il y a toujours eu des contrôles dans la voile, mais il y a moins de compétition que dans d’autres disciplines.

C’est très bien qu’il y ait des contrôles car la voile est un sport à part entière.

Les marins sont des vrais sportifs, ça fait partie de leur cahier des charges », estime Laure Jacolot, médecin sur la 10e édition du Vendée Globe.

À titre de comparaison, l’Agence française de lutte contre le dopage a fait 2 354 prélèvements dans le rugby en 2023 et 1 632 dans le cyclisme. Soit beaucoup plus que dans la voile.

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« Si un skipper prend un produit, cela n’effacera pas sa fatigue »

Mais alors pourquoi la voile semble échapper à la question du dopage ?

La principale raison est que la discipline a un risque de dopage très faible.

« Le nombre de contrôle dans chaque sport est basé sur une étude de risque qui permet de savoir les sports les plus exposés au dopage », explique l’ALFD à Libération.

En effet, l’intérêt de franchir la ligne rouge semble très peu intéressant pour un skipper, même dans le but de masquer la fatigue.

« Sur un Vendée Globe qui dure aussi longtemps et, surtout en solitaire, prendre un médicament stimulant ne serait pas une bonne idée parce que qui dit médicament stimulant, dit grosse récupération derrière.

Pour un marin en plein milieu de l’océan, cela peut être dangereux.

Je ne suis pas sûre que le bénéfice soit vraiment positif », témoigne le médecin du Vendée Globe, Laure Jacolot.

« Si un skipper prend un produit, cela n’effacera pas sa fatigue », soulignait plus simplement en 2021 Jean-Yves Chauve, médecin du Vendée Globe.

Yoann Richomme a pris prend la seconde place de la 10e édition du Vendée Globe 2024. (David Ademas / Ouest-France)

Christian Le Pape, directeur du pôle France de la course au large, prenait un autre exemple dans nos colonnes en 2020 : « Admettons qu’un skipper prenne des amphétamines, car il pense arriver dans 24 heures.

D’un coup, s’il n’y a plus de vent, il arrivera 72 heures après… » 

Autrement dit : dans la voile, on sait quand on part, mais pas du tout quand on arrive.

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Aucun contrôle positif dans la voile

Sur le Vendée Globe 2024-2025, aucun contrôle antidopage n’a encore été réalisé jusqu’ici, que ce soit au départ ou après l’arrivée des deux premiers skippers, Charlie Dalin (Macif Santé Prévoyance) et Yoann Richomme (Paprec Arkea).

Mais il est tout à fait possible que des tests soient effectués sur la trentaine de skippers toujours en mer.

« C’est l’agence antidopage qui décide des contrôles. Nous, en tant que médecin de course, on n’est pas prévenu, sauf quand ils arrivent sur le ponton.

Ce sont des contrôles qui sont aléatoires, qui peuvent concerner n’importe quel marin, raconte Laure Jacolot.

Ils peuvent être effectués sur toutes les courses, du Vendée Globe jusqu’au milieu amateur. »

Jusqu’ici, aucun contrôle positif à du dopage n’a été recensé dans la voile.

Ce n’est visiblement pas trop le genre des marins, qui sont déjà réticents à prendre le moindre comprimé en cas de souci.

« Ils ont parfois besoin de médicaments, notamment en cas d’infection.

Mais c’est compliqué de leur faire prendre des médicaments contre la douleur.

Ce n’est pas ça qui explique qu’il y a moins de dopage dans la voile », précise la médecin du Vendée Globe.

En novembre 2020, Damien Seguin (Groupe Apicil) disait même en rigolant : « Je crois que c’est plus facile d’effectuer des contrôles antidopage à certains que de leur faire ouvrir leur bateau (sourire) ».