Accueil Santé Recos – PAR ELSA BELLANGER – PUBLIÉ LE 04/12/2019
Crédit photo : Phanie
C’est une charge argumentée contre les recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS) sur le syndrome du bébé secoué qu’ont adressée, le 2 décembre, l’avocat Grégoire Etrillard, et l’association qu’il défend, Adikia, à la présidente de l’institution, Dominique Le Guludec.
Représentant des familles victimes d’un diagnostic erroné de maltraitance, essentiellement du syndrome du bébé secoué, les auteurs demandent, dans cette lettre de 25 pages, l’abrogation des recommandations relatives à ce syndrome, aussi nommé « traumatisme cranio-cérébral non accidentel ». Selon eux, ces recommandations, publiées en 2011 et actualisées en 2017, sont « entachées d’incompétence et d’erreur d’appréciation », mais constituent pourtant la « clé de voûte de toute la chaîne pénale dans les dossiers de “bébés secoués” ».
Une probité scientifique remise en cause
La missive pointe d’abord l’absence de spécialisation en neurologie pédiatrique des cinq membres du groupe de travail (une présidente et quatre chargés de projet) qui a élaboré ces recommandations. Le document dénonce également un texte « tourné vers la constitution d’un dossier pénal et non le soin d’un patient ».
Il met ensuite en cause des recommandations « bien trop affirmatives » sur des sujets médicaux « non démontrés ou controversés ». La lettre dénonce ainsi des recommandations ne présentant pas « les gages d’impartialité attendus d’une telle publication sur le plan scientifique ».
Plusieurs diagnostics différentiels du syndrome du bébé secoué seraient ainsi rejetés sans argumentaire scientifique. « Alors que de nombreuses publications scientifiques affirment que l’expansion des espaces sous-arachnoïdiens (EESA) peut mimer les symptômes du bébé secoué, les recommandations HAS affirment faussement qu’il n’y a “pas d’argument” en ce sens, sans mentionner que cette thèse existe et sans expliquer pourquoi ils l’écartent autrement qu’en mentionnant une publication d’un médecin légiste membre de son propre groupe de travail », avance Grégoire Etrillard.
Des diagnostics différentiels ignorés
D’autres diagnostics différentiels, comme le syndrome d’Ehlers-Danlos ou des maladies génétiques affectant le collagène, ne sont pas non plus évoqués. Ainsi, selon l’avocat, l’avis exprimé par la HAS « n’est qu’une opinion ». De même, les critères avancés pour conclure au diagnostic du syndrome du bébé secoué, que sont les hémorragies sous-durales, les hémorragies rétiniennes et l’encéphalopathie, sont « controversées dans de nombreux pays ». En Suède par exemple, l’agence nationale d’évaluation des pratiques de santé (l’équivalent de la HAS), pointait, dans un rapport de 2016, le faible ou très faible niveau de preuves scientifiques du diagnostic de syndrome du bébé secoué, lorsqu’il est basé sur les trois critères cités.
Les recommandations de la HAS et les diagnostics auxquels elles aboutissent ont pourtant des conséquences judiciaires concrètes. Elles sont « souvent le fondement unique des poursuites judiciaires », indique Grégoire Etrillard. En conséquence, des familles « vivent au quotidien un calvaire inconcevable : retrait de leur bébé pendant des années, séparation forcée des couples, poursuites criminelles, condamnations ».
Contactée par le « Quotidien », la HAS indique avoir lancé une analyse du document. Elle y apportera une réponse dès l’étude achevée.
Source : lequotidiendumedecin.fr
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Revue de presse Mediscoop du 03-12-2019
« Syndrome du bébé secoué : les recommandations de la Haute Autorité de santé mises en cause »
Sandrine Cabut évoque dans Le Monde « une nouvelle étape dans la controverse scientifique et médico-légale à propos du syndrome du bébé secoué (SBS) ».
La journaliste explique qu’« un avocat, Grégoire Etrillard, et une association de familles, Adikia, ont écrit à la Haute Autorité de santé (HAS) pour demander l’abrogation des recommandations relatives à ce «traumatisme cranio-cérébral non accidentel», publiées en 2011 et actualisées en 2017 ».
Sandrine Cabut indique que « l’avocat, qui défend une cinquantaine de familles «faussement accusées», constate que «les excessives certitudes exprimées par ces recommandations ont envahi la sphère judiciaire au point d’en être régulièrement le fondement unique». Or […] les conséquences sont dramatiques puisque cela aboutit, «à cause d’un diagnostic présenté comme “certain” et que nul ne peut remettre en cause, au placement d’enfants, à la séparation d’avec la famille et à la condamnation d’innocents à de lourdes peines» ».
Emeline Hautcœur, vice-présidente de l’association Adikia, déclare quant à elle que « ce sont des vies brisées, des couples qui se séparent, des personnes qui ont tenté de mettre fin à leurs jours. C’est un enfer, on apprend à vivre avec, mais on ne s’en remet pas ».
Sandrine Cabut rappelle : « Forme de maltraitance dans laquelle un nourrisson est secoué violemment, entraînant des lésions cérébrales, le SBS concerne surtout des bébés de moins de 1 an. Ce traumatisme peut être mortel dans 10% à 20% des cas, ou laisser des séquelles à vie. En France, le nombre de cas serait de plusieurs centaines par an ».
La journaliste relève que « le SBS est […] au cœur d’une controverse scientifique qui dépasse largement la France. Au Royaume-Uni, aux Etats-Unis, au Canada, ou encore en Suède, des médecins et des publications remettent en question la façon dont est porté le diagnostic de secouement, qui serait devenu trop systématique, sans tenir compte d’autres causes possibles des lésions observées ».
« En Suède, en 2016, un rapport de l’agence équivalente à la Haute Autorité de santé a ainsi conclu que les critères classiques de SBS (une triade constituée d’hémorragies sous-durales, rétiniennes et de lésions cérébrales) présentent un niveau de preuves faible ou très faible », continue Sandrine Cabut.
La journaliste observe notamment qu’« un trouble de résorption du liquide céphalorachidien (nommé «expansion des espaces sous-arachnoïdiens» ou «hydrocéphalie externe»), une chute de faible hauteur, ou des maladies rares comme le syndrome d’Ehlers-Danlos, reconnus dans d’autres pays comme des diagnostics différentiels du «bébé secoué», ne sont pas ou à peine mentionnés par les recommandations françaises, déplore Me Etrillard ».
Le Dr Jean-Claude Mselati, pédiatre, réanimateur, et expert agréé par la Cour de cassation, déclare pour sa part que « ces recommandations de la HAS s’appuient sur une large bibliographie, mais celle-ci est assez malhonnête, car elle occulte quasiment toute la littérature scientifique qui ne va pas dans le sens des rédacteurs ».
Le médecin ajoute : « Aujourd’hui, tout nourrisson avec un peu de sang autour du cerveau est considéré comme secoué par la dernière personne qui était avec lui quand les symptômes sont apparus. Il n’y a plus aucune réflexion ni nuance ».
Sandrine Cabut conclut que « la HAS se donne le temps d’étudier le document. Elle a 2 mois pour réagir à la demande d’abrogation. A défaut, Me Etrillard et l’association Adikia prévoient de porter le dossier devant le Conseil d’Etat ».
Date de publication : 3 décembre 2019
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FAITS DIVERS / JUSTICE – Par Aveline Marques le 04-12-2019
Bébé secoué : accusés de maltraitance, ils réclament l’abrogation des recommandations de la HAS
Représentant des centaines de parents « faussement accusés » de maltraitance sur leur nourrisson, un avocat et une association mettent en cause les recommandations de la HAS sur le syndrome du bébé secoué, qui seraient la source de nombreuses erreurs judiciaires.
« Plus de 300 familles réunies au sein de l’association Adikia vivent au quotidien un calvaire inconcevable : retrait de leur bébé pendant des années, séparation forcée des couples, poursuites criminelles, condamnations », pointent, dans un communiqué, l’association et l’avocat Grégoire Etrillard, qui défend lui-même une cinquantaine de parents.
Dans une longue lettre argumentée adressée le 2 décembre à la HAS, ils demandent à l’autorité sanitaire d’abroger ses recommandations de 2011 et de 2017 sur la prise en charge du syndrome du bébé secoué (SBS) ou traumatisme crânien non accidentel. Pour l’avocat, ces recommandations, fondant toutes les expertises judiciaires, génèrent « de fausses accusations de maltraitance ».
Sur la forme, ils reprochent à ces recommandations de s’inscrire « dans une démarche de constitution d’un dossier pénal, et non dans une démarche de soin ». « Après avoir déterminé un diagnostic de SBS, les recommandations HAS consacrent une dizaine de pages au signalement et à ses suites », insistant sur le « risque d’une condamnation pénale en cas d’absence de signalement ».
« Les recommandations HAS ne peuvent être assimilées à de simples « bonnes pratiques » : fondant signalements, placements d’enfants et condamnations par l’affirmation d’un secouement et sa datation, elles constituent une irruption de la Haute Autorité de santé comme acteur majeur dans le processus judiciaire, ce qui ne relève ni de sa mission, ni de son expertise », chargent-ils.
Ils pointent également la composition du groupe de travail ayant abouti aux recommandations de 2017 : alors qu’aucun d’entre eux ne serait expert en neurologie pédiatrique, ils seraient fréquemment sollicités par la justice pour des expertises. « A eux cinq, ces chargés de projet des recommandations HAS cumulent 43 désignations sur 41 dossiers », pointent-ils.
Sur le fond, ensuite, l’avocat et l’association Adikia déplorent la négation par la HAS de l’existence d’une controverse médicale sur le SBS. Les recommandations écartent de nombreux « diagnostics différentiels dans des termes affirmatifs alors que la science est, à ce sujet, au mieux incertaine, au pire contraire aux affirmations péremptoires des recommandations HAS », estiment-ils, citant l’expansion des espaces sous-arachnoïdiens, les chutes de faible hauteur ou encore le syndrome d’Ehlers-Danlos.
« Transposé en matière pénale, le diagnostic certain de SBS crée une présomption de culpabilité accablant la personne suspectée », relèvent-ils. Une présomption « quasiment impossible à renverser faute de temps et/ou de moyens », d’autant qu’une « pression considérable » est mise sur le proche incriminé par les acteurs judiciaires, « convaincus de la réalité du diagnostic expertal ».
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