https://www.jim.fr/e-docs/00/02/BF/9C/carac_photo_1.jpg Publié le 29/10/2019

Plus de 80 % des grands prématurés [GP] qui naissent en France sont hospitalisés dans des Unités de Soins Intensifs Néonatales [USIN], mais les USIN en traitent des « volumes » différents. Comme pour d’autres pathologies, on peut se demander si le « volume » de patients d’une USIN – le nombre de GP traités annuellement – n’a pas une influence sur le pronostic à plus ou moins long terme des GP pris en charge par cette USIN.

Une étude met en relation le devenir à 2 ans de 2 447 GP de 24 à 30 sem. nés vivants en 2011 dans les centres périnataux de niveau 3 de 25 régions de France et le nombre de GP de 24-30 sem. traités par les 66 USIN de ces centres. Le volume des patients a été divisé en quartiles : < 55 GP/an (Q1), 55 à 79 GP/an (Q2), 80 à 109 GP/an (Q3), ≥110 GP/an (Q4). L’état des survivants à 2 ans est connu parce qu’ils ont été enrôlés dans la cohorte EPIPAGE-2 pendant 8 ou 6 mois selon leur âge gestationnel.

Les raisons pour lesquelles 25 % des unités ont traité moins de 55 GP par an ne sont pas précisées (volume du bassin de naissances ? nombre de lits autorisé ? autres patients ?). En tout, ces unités (Q1) n’ont pris en charge que 10 % des GP.

La proportion de GP ayant bénéficié à la fois d’une corticothérapie anténatale, d’une prévention de l’hypothermie et de l’administration de surfactant/d’une PPC nasale avant 2 h de vie croît de 50 % dans les USIN à petit volume (Q1) à 64 % dans les USIN à grand volume (Q4) (p < 0,05).

A l’issue de l’hospitalisation néonatale, les taux de survie sont du même ordre de grandeur (85-90 %) dans les quatre quartiles d’USIN, bien que les complications sévères liées à la grande prématurité (dysplasie bronchopulmonaire, leucomalacie périventriculaire kystique/hémorragie intraventriculaire de grade III ou IV, entérocolite ulcéro-nécrosante, rétinopathie de stade ≥3) aient été plus fréquentes dans les USIN des deux quartiles supérieurs (Q3 et Q4).

La probabilité de survie est plus faible dans les USIN à petit volume (Q1) que dans celles à grand volume (Q4) après ajustement par des facteurs allant de l’âge gestationnel du nouveau-né aux conditions socio-économiques de la famille (Odds Ratio ajusté [ORa] = 0,56 ; Intervalle de confiance de 95 % [IC95] de 0,33 à 0,91). Mais la probabilité de survie sans complications sévères ne dépend pas du volume de patients.

A 2 ans d’âge corrigé par l’âge gestationnel, 1 999 anciens GP sont vivants et suivis. On dispose du questionnaire médical d’EPIPAGE-2, et du questionnaire parental Ages and Stages, qui porte sur le développement psychomoteur, pour 1 764 enfants et 1 232 enfants, respectivement. La survie sans handicap moteur (paralysie cérébrale, niveaux 2 à 5 du GMFCS) ou sensoriel (surdité, cécité) croît de 75 % dans les USIN à petit volume (Q1) à 81 % dans les USIN à grand volume (Q4).

La probabilité de survie sans handicap sensori-moteur est plus faible dans les USIN à petit volume (Q1) que dans les USIN à grand volume (Q4) (ORa = 0,60 ; IC95 de 0,38 à 0,95), mais la probabilité de survie avec des séquelles sensori-motrices ou un score bas au questionnaire Ages and Stages n’est pas plus élevée dans les USIN à grand volume (Q4) que dans les USIN à moindre volume (Q1, Q2 et Q3). Ce qui suggère que, dans les USIN à grand volume (Q4), l’augmentation des chances de survie ne s’est pas faite au prix d’une augmentation du risque de séquelles à 2 ans, comme on pouvait le craindre.

Cette étude présente deux limitations importantes concernant le pronostic de la grande prématurité : la durée de suivi n’est que de 2 ans et le devenir sensori-moteur est dissocié du devenir cognitif (qui n’est apprécié qu’au travers d’un questionnaire parental).

Ses résultats accréditent l’idée que les USIN doivent traiter un volume « suffisant » de GP. Plusieurs pays européens ont fixé un seuil de 50 ou 100 GP/an. Faut-il les imiter et retirer leur label aux USIN françaises qui n’atteindraient pas un seuil à déterminer ? Les auteurs reconnaissent que cela pourrait empêcher ou retarder les transferts in utero vers des centres périnataux de niveau 3 dans quelques bassins de naissances.

Peut-être, faut-il aussi porter, avant toute décision, un regard plus actuel et plus global sur l’activité des USIN. Les soins périnataux ont évolué en 8 ans, y compris dans les USIN qui traitaient moins d’une cinquantaine de GP par an en 2011, et les grands prématurés ne constituent pas la seule patientèle des USIN, loin de là.

Dr Jean-Marc Retbi

RÉFÉRENCE : Desplanches T et coll. : Volume of neonatal care and survival without disability at 2 years in very preterm infants : results of a French national cohort study. J Pediatr 2019 ; 213 : 22-29.

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