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mis à jour le 13/12/2023

L’activité physique peut-elle être bénéfique dans la gestion des douleurs chroniques ? | valdemarne.fr

Souvent associée à la blessure, la douleur est présente tout au long de notre vie : coups, chutes, traumatismes plus ou moins lourds…

Il est difficile de ne pas avoir expérimenté soi-même la douleur au cours de sa vie.

Il existe une multitude de douleurs de durées et d’origines diverses et variées.

Certaines d’entre elles s’inscrivent sur le long terme, notamment quand elles sont liées à une pathologie particulière (spondylarthrite ankylosante etc.), devenant alors des douleurs chroniques.

Ces douleurs peuvent devenir grandement handicapantes pour les personnes en impactant leurs capacités physiques, mentales voire leurs relations sociales.

Les prises en charges thérapeutiques proposées aux patients sont souvent hybrides en proposant des thérapies médicamenteuses et non-médicamenteuses.

Parmi ces dernières, l’activité physique serait un réel outil de lutte contre les douleurs chroniques.

Il est légitime de s’interroger sur les effets de l’activité physique (et adaptée) dans ce cas de figure.

Quelques éléments relatifs à la douleur

L’association internationale pour l’étude de la douleur (IASP) définit la douleur comme « une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable associée, ou ressemblant, à celle liée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle ».

La Haute Autorité de santé précise différents types de douleurs, pour mieux les appréhender :

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  • La douleur aiguë est une douleur récente.

Elle a une fonction de signal d’alarme permettant à l’être humain de prendre les mesures nécessaires face à un danger.

Les objectifs de son traitement sont symptomatiques et curatifs, c’est-à-dire soulager la douleur et traiter l’affection causale. […]

  • La douleur subaiguë est une douleur présente depuis quelques semaines.

Le risque est son passage à la chronicité.

Les objectifs de sa prise en charge sont de soulager la douleur, de traiter l’affection causale, mais aussi d’évaluer et de gérer les facteurs de risque de chronicisation*. […].

  • La douleur chronique est une douleur qui persiste ou se reproduit pendant plus de 3 mois, elle n’a pas de finalité biologique et a des répercussions délétères chez le patient.

Elle est une source importante de handicap, de souffrance et de dégradation de la qualité de vie.

Sa prise en charge est essentiellement réadaptative » (c’est-à-dire apprendre à mieux vivre avec sa douleur).

L’INSERM précise que « Si la douleur aiguë persiste au-delà de trois mois, elle évolue en douleur chronique.

Cette sensation perd alors sa signification de signal d’alarme : la douleur n’est plus un symptôme mais devient une maladie.

Entrent dans cette catégorie certaines douleurs musculaires, articulaires, les migraines ou encore des douleurs associées à des lésions nerveuses.

Dans ce cas, on les classifie selon les mécanismes physiopathologiques qu’elles mettent en jeu ».

L’organisation mondiale de la santé (OMS) a publié en juin 2018 sa nouvelle classification internationale des maladies (CIM-11) qui propose une nouvelle catégorisation de la douleur chronique en 7 groupes distincts : douleur chronique primaire, douleur chronique liée au cancer, douleur chronique post-chirurgicale ou post-traumatique, douleur chronique secondaire musculosquelettique, douleur chronique secondaire viscérale, douleur chronique neuropathique, douleur chronique secondaire céphalée ou oro-faciale.

Concernant la prévalence des douleurs chroniques, l’INSERM rapporte qu’environ 30% de la population adulte sont exposés à des douleurs chroniques durant leur vie. 

Le vieillissement est un facteur de risque important de cette pathologie : plus l’âge est avancé, plus on risque de faire face à des douleurs chroniques.

Le genre semble être un autre paramètre à prendre en compte : les femmes sont plus exposées aux douleurs.

Des pratiques non médicamenteuses comme l’acupuncture, la relaxation, la sophrologie ou encore l’hypnose peuvent être proposées.

Elles permettent, notamment dans certains cas une meilleure résilience à la douleur et une diminution de la prise de médicament.

La pratique d’une activité physique est également proposée comme une solution pour la gestion de la douleur chronique.

Celle-ci, au vu du contexte, doit être abordée notamment par une approche factuelle (en anglais «evidence based»).

*La chronicisation est le fait de devenir chronique.

Les bienfaits de l’activité physique sur la gestion des douleurs chroniques

L’activité physique fait partie de l’arsenal thérapeutique (non médicamenteux) au service du patient : sur prescription médicale, cette dernière peut faire partie du parcours de soin pluridisciplinaire et l’aider dans sa gestion de la douleur.

Prenant appui sur des travaux de P. Beaulieu (2013), on constate qu’il existe une différence de perception de la douleur entre les sportifs de haut niveau et les personnes normalement actives : les premiers ont une tolérance plus élevée que les seconds.

Il semblerait que l’activité physique permette une meilleure tolérance et une meilleure gestion de la douleur.

Certaines études scientifiques se sont intéressées aux possibilités de diminuer les douleurs chroniques par l’activité physique.

  • Geneen et collaborateur (2017) ont effectué une revue de littérature des publications scientifiques publiées dans le journal scientifique « Cochrane Database of Systematics Reviews » abordant les douleurs chroniques.

Ils ont observé de nombreuses activités physiques proposées dans l’étude comme des programmes aérobies (endurance), de force, d’équilibre, de yoga, de Pilates, et de tai-chi.

Les auteurs concluent dans cette étude que l’impact direct de l’activité physique sur la gestion de la douleur est faible.

Leur qualité de vie parait cependant améliorée, ce qui pourrait expliquer, de manière indirecte, la diminution des douleurs.

  • Fernandez-Rodriguez & al. (2022) ont réalisé une méta-analyse sur les douleurs chroniques liées aux lombalgies.

Ils observent que l’ensemble des pratiques physiques ont une amélioration de la gestion de la douleur comparativement à un repos complet, sauf pour les étirements et la méthode McKenzie.

Il semblerait que la méthode Pilates, les exercices de base de musculation et les exercices de type yoga/tai chi, pratiqués à raison d’une à deux fois par semaine pendant 3 à 9 semaines soient les plus efficaces.

  • Par ailleurs, Todd et coll. (2021) se sont penchés sur les douleurs chroniques liées à des lésions médullaires, en effectuant une revue de littérature.

Ils constatent que des « activités physiques pendant les loisirs » amènent à une diminution de la douleur chronique, tout en améliorant les marqueurs de bien être subjectifs.

  • Enfin, Paley & al. (2016) se sont intéressés aux douleurs chroniques liées à un état inflammatoire chez le public obèse.

Les conclusions de leur revue de littérature montrent une action positive de l’activité physique chez cette population avec cette pathologie.

L’activité physique permettrait une diminution de la graisse viscérale, associée à une diminution de l’état inflammatoire général.

La perception de la douleur est réduite, les marqueurs de qualité de vie sont améliorés, impactant directement la perception de la douleur.

Une individualisation de la pratique nécessaire

Ces différentes études témoignent du fait que l’activité physique peut être considérée comme outil pertinent dans le cadre de la prise en charge de la douleur chronique.

Elle n’est cependant pas « l’outil miracle » !

La douleur chronique dont les origines sont multifactorielles doit être abordée de manière pluridisciplinaire.

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Une activité adaptée, pouvant être prescrite par un médecin, sera encadrée par des professionnels diplômés en APA (activité physique adaptée) et coordonnée par une équipe de professionnels permettant d’assurer la coordination entre la pratique, et les actions thérapeutiques médicamenteuses menées.

Les diverses publications scientifiques concernant les impacts de l’activité physique sur les douleurs chroniques soulignent la nécessité d’individualiser les séances.

Une pratique adaptée peut à la fois mobiliser différents leviers psychologiques (amélioration de l’estime de soi par exemple) tout en apportant des améliorations des facteurs de santé et de bien être par le développement de qualités physiques (comme la force ou l’endurance).

P. Beaulieu insiste sur la nécessité d’une prescription de l’activité physique, « car il s’agit alors d’une approche complémentaire, efficace, bon marché et qui présente peu d’effets indésirables ».

A titre d’exemple, l’auteur précise que la marche nordique, pratiquée durant 12 semaines et à raison de 2 séances hebdomadaires, diminue les douleurs chez les patients atteints de cervicalgie.

Cette activité physique a des effets positifs aussi chez les lombalgiques, qui voient une diminution de leur consommation de médicaments.

Conclusion

L’activité physique peut être bénéfique dans la prise en charge de la douleur chronique sous réserve d’individualiser au maximum les modalités de pratique.

Cette individualisation va mobiliser différents leviers : les leviers physiques (par l’amélioration des marqueurs de santé), les leviers psychologiques (par les marqueurs de bien-être).

La multi-factorialité de la douleur chronique nécessite un réel travail d’équipe au regard de la spécificité de la pathologie, du vécu de chaque patient et de la complexité de certaines prises en charge.

De nombreuses hypothèses, parfois prometteuses, seront à vérifier par la mise en place d’études supplémentaires pour le sujet.

Benjamin DUMORTIER

Références