Accueil  Santé Publique  PAR DR IRÈNE DROGOU – PUBLIÉ LE 23/08/2019

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Certaines conséquences du réchauffement climatique sur la santé sont plus évidentes que d’autres. Boom des allergies et de l’asthme lié aux pollens, augmentation des maladies infectieuses vectorielles, mortalité cardio-vasculaire et respiratoire liée à la pollution de l’air, décompensation de maladies chroniques liée à la chaleur, ces événements sont volontiers cités.

C’est sans compter le fait que de nouvelles pathologies peuvent émerger sous l’influence des changements environnementaux. Dans « The New England Journal of Medicine », deux médecins, l’un américain et l’autre salvadorien, alertent sur une maladie rénale chronique d’origine indéterminée, connue sous le nom de néphropathie mésoaméricaine et vraisemblablement liée au climat.

Un phénomène qui s’étend à d’autres régions du globe

Décrite pour la première fois au Salvador dans les années 1990 chez des agriculteurs décédant d’insuffisance rénale terminale, la maladie s’est rapidement étendue à d’autres régions chaudes et humides d’Amérique centrale.

Aujourd’hui, le phénomène « est potentiellement mondial », écrivent le Dr Cecilia Sorensen, de l’école de santé publique à l’université du Colorado et le Dr Ramon Garcia-Trabino, du centre d’hémodialyse à San Salvador : des cas similaires ont été observés en Amérique du Nord, en Amérique du Sud, au Moyen-Orient, en Afrique et en Inde.

Après 30 ans, les causes exactes restent peu claires. « Ce que nous tenons pour certain est l’exposition à la chaleur et la déshydratation », est-il avancé, même si l’exposition aux produits de l’agrochimie, les métaux lourds, les agents infectieux, la génétique et les facteurs de risque sociaux (pauvreté, malnutrition, accès aux soins) sont rapportés.

Un stress induit par la chaleur

Les auteurs citent les cas décrits en Amérique centrale chez les travailleurs de la canne à sucre, qui en soulèvent jusqu’à 5 à 6 tonnes par jour par des températures avoisinant souvent les 40 °C.

Les dommages liés à la chaleur sont mieux connus. Pour les auteurs, de trop fortes températures peuvent entraîner des lésions infracliniques à type d’ischémie, de stress oxydatif et d’épuisement des réserves énergétiques cellulaires, qui deviennent cliniquement parlantes en se cumulant au fil du temps. La néphropathie mésoaméricaine serait une forme de néphropathie liée au stress par la chaleur, en raison des changements climatiques rapides.

Un appel à la mobilisation médicale

Pour les deux spécialistes de la région Amérique, il est important que les médecins connaissent ce risque pour l’intégrer dans leur pratique et en santé publique. Les auteurs soulignent l’attention particulière à apporter « aux populations socialement et économiquement les plus vulnérables », qui sont touchées de façon disproportionnée.

Selon eux, il est nécessaire de préparer « la prochaine génération de médecins à faire face aux défis dynamiques du futur, y compris aux maladies émergentes généralisées », mais aussi d’alerter les décideurs et les pouvoirs publics sur les risques sanitaires. Dans un éditorial, plusieurs médecins de la faculté de médecine de Harvard exhortent à l’action en rappelant qu’il reste environ 10 ans « pour éviter certaines des conséquences les plus catastrophiques pour la santé liées au changement de climat ».

Dr Irène Drogou

Néphrologie Climat

Source : lequotidiendumedecin.fr