VOILE – Mercredi 2 Octobre 2019
Par Jacques GUYADER
Les dépressions automnales à répétition et la crainte de croiser l’ouragan Lorenzo ont entraîné plusieurs reports de la course transatlantique sur ces bateaux de 6,50 mètres. Après 13 jours de retard, la Mini-Transat va enfin pouvoir partir samedi de La Rochelle (Charente-Maritime).
C’est quoi la Mini-Transat ?
La Mini-Transat existe depuis 1977. C’est une course transatlantique à la voile réservée aux bateaux d’une taille maximum de 6,50 mètres, et qui se court en solitaire. Le port de départ est un port de la façade Atlantique française, et l’arrivée a alterné entre les Caraïbes françaises et le Brésil. Une escale intermédiaire, à Madère ou aux Canaries sert de première étape.
La Mini-Transat, qui a vu passer de très nombreux skippers français et étrangers connus (Coville, Desjoyeaux, Le Blévec, Lemonchois, Mac Arthur, Davies…) est considérée comme une épreuve initiatique qui révèle les talents. Sa particularité est de rester fidèle à « l’esprit Mini » fait de solidarité, de débrouille, d’autonomie.
À l’ère de l’hyper-connectivité et de la communication elle ne permet à bord aucun ordinateur, aucune liaison satellite ni possibilité de communiquer avec l’extérieur. « Le seul lien avec la terre se résume à un bulletin quotidien émis par BLU (ondes radio) pour donner la situation météo, et les classements » rappelle le règlement.
Traverser l’Atlantique sur ces coques de noix reste donc une formidable aventure qui attire, tous les deux ans, de nombreux amateurs confirmés. Comme les éditions précédentes, celle de 2019 compte 88 participants.
Les mini-6.50 sont des bateaux conçus pour naviguer vite au vent portant, mais peu adaptés au près (vent de face). (Photo : Christophe Breschi / Mini-Transat)
Quand devait-elle partir ? Quand partira t-elle ?
La Mini-Transat 2019 devait partir le dimanche 22 septembre à 14 h 15 de La Rochelle (Charente-Maritime), à destination de Las Palmas de Gran Canaria, terme de la première étape, après environ 8 jours de mer. Le départ de la 2e étape, étant prévu le 2 novembre vers Le Marin Port situé au sud de la Martinique, pour une arrivée finale vers la mi-novembre.
Aujourd’hui, soit dix jours plus tard, les 88 concurrents sont toujours en attente dans le port de La Rochelle. Mais, la direction de course a finalement annoncé, ce midi, qu’enfin, le départ pourrait être donné ce vendredi, à 10 h 30.
Pourquoi le départ a-t-il été autant retardé ?
Si le départ a été retardé à plusieurs reprises depuis le 22 septembre, c’est uniquement pour des raisons de conditions météorologiques défavorables. Le week-end du départ, une grosse dépression automnale était attendue sur la façade Atlantique, et l’expérimenté directeur de course Denis Hugues, s’est refusé à envoyer la flottille des 8 bateaux dans ces conditions difficiles.
« Ce sont des bateaux marins, mais qui sont plutôt conçus pour des allures portantes. En partant ce dimanche-là, les skippers se seraient retrouvés avec des vents de face, et une mer contre. Ce qui représente les pires conditions pour les Mini 6.50. Et le but de la Mini-Transat, c’est tout de même de permettre à tout le monde de voir l’arrivée. »
Denis Hugues, directeur de course de la Mini-Transat depuis 2001a, lui même bouclé la course malgré son handicap, en 1991 (Photo : Ouest-France)
Dans un premier temps, un nouveau départ avait été envisagé le jeudi suivant. mais une autre dépression est survenue, juste derrière, repoussant à nouveau de quelques jours l’hypothèse du départ. « Nous arrivons en début d’automne, c’est l’époque où les dépressions se succèdent sur l’Atlantique. Il faut dans ce cas attendre un répit. »
Pas de départ le 29, donc, mais l’espoir d’une fenêtre en milieu de semaine qui s’est vite refermée avec l’arrivée de l’ouragan Lorenzo en provenance des tropiques et dont la trajectoire vers l’Europe restait, jusqu’au week-end dernier, très incertaine. Tout juste était-il établi qu’il balaierait l’archipel des Açores mardi et aujourd’hui, ce qui s’est avéré exact puisque des vents jusqu’à 200 km/h y ont été mesurés.
« Finalement, explique un Denis Hugues soulagé, et comme on s’en doutait un peu, l’ouragan, qui va être déclassé en tempête, va voir sa trajectoire s’orienter plus au nord, vers l’Irlande. Il ne se trouvera pas sur la trajectoire de la course. »
Ce mercredi midi, le directeur de course, après consultation de Christian Dumard, le météorologue de la Mini-Transat, a donc pu établir avec une quasi-certitude qu’une fenêtre assez large allait permettre de donner le coup d’envoi. Après 13 jours de retard.
Pas trop tard de Métropole, pas trot tôt en Martinique
Directeur de course de la Mini-Transat, depuis 2001, Denis Hugues a bien intégré le schéma global des contraintes météo. « Il faut, ne pas partir trop tard d’ici pour éviter les dépressions automnales, et ne pas arriver trop tôt en Martinique pour éviter la saison des cyclones aux Caraïbes. »
La carte météo de ce jeudi 3 octobre montre que la tempête Lorenzo va finalement passer plus au nord et libérer la route des mini 6;50. (Photo : DR)
D’où l’escale prévue de près d’un mois à La Palmas. « Et cette année, la saison des cyclones a commencé tard, fin juillet début août. Donc on surveille pour savoir si elle va se poursuivre tard, par rapport au départ des Canaries. Et en ce moment, il y a encore une activité cyclonique importante. Théoriquement, elle se termine début novembre, d’où la date du deuxième départ, pour respecter ce timing. »
Le danger : le cap Finistère
Quand ils parlent de « fenêtre », les organisateurs envisagent un délai de deux à trois jours pendant lesquels les conditions météo se calment, et permettent d’atteindre le cap Finistère. Cette pointe située au nord-ouest de la péninsule espagnole est une zone « mal pavée » comme disent les navigateurs. Remontée du plateau continental, compression des vents, trafic maritime intense, autant de conditions rendant le passage périlleux, surtout avec des bateaux de cette taille, et avec des skippers pas tous très expérimentés.
« Il faut compter 60 heures sans vent de sud-ouest, pour pouvoir passer, et commencer à glisser le long des côtes espagnoles », estime le directeur de course.
« Ce sont des bateaux qui n’aiment pas trop naviguer au près, surtout face à du vent fort, explique Christian Dumard. Et côté mer, c’est mieux lorsque la houle est en dessous 3,50 mètres. » Une fois passé le cap Finistère, en effet, le vent est plus souvent orienté par-derrière (nord), et la houle permet à ces petits bolides de glisser à vive allure vers le sud.
Le mauvais souvenir de 2013
Si les organisateurs ont, pour certains, craint que la situation s’enlise, c’est parce qu’il y a déjà eu des précédents fâcheux. Notamment, lors de l’édition 2013, au départ de Douarnenez (Finistère). « Cette année-là, se souvient le météorologue de la course, on avait dû décaler le départ pendant plus de trois semaines. Les dépressions s’enchaînaient sur l’Atlantique, sans répit. Nous n’avions aucune fenêtre pour partir. »
Au bout du compte, un départ avait fini par être donné, mais la première étape avait été rapidement neutralisée, et la flotte avait dû faire escale, éparpillée façon puzzle, dans des ports de la région de la Corogne, en Espagne.
« Finalement, ça avait été un parcours réduit avec une seule étape. » Les premiers étaient arrivés à Pointe-à-Pitre début décembre, avec près d’un mois de retard sur le timing initial. Une édition cauchemardesque et épuisante pour organisateurs et direction de courses.