Conçue à Montréal, la genougraphie a contribué à la guérison du footballeur Laurent Duvernay-Tardif en 2019.
Aujourd’hui, cet outil diagnostic pourrait aider des milliers de Québécois souffrant de douleur aux genoux tout en réduisant les longues listes d’attente en chirurgie.
Par Mathieu Ste-Marie
17/05/2022
C’est en raison d’une blessure de la fibula que l’athlète, qui évoluait alors pour les Chiefs de Kansas City, a découvert la genougraphie à l’hiver 2019.
Cet examen médical, effectué pendant que le patient marche sur un tapis roulant, permet de connaître l’état de la fonction du genou.
En évaluant l’articulation en mouvement avec précision et objectivité, l’examen permet de mieux comprendre les causes de la douleur et ainsi de mieux cibler le traitement.
Dans le cas du Dr Laurent Duvernay-Tardif, les résultats de sa genougraphie lui ont permis d’intégrer un programme thérapeutique spécifique à son entraînement.
Un mois et demi plus tard, sa douleur était disparue.
« Je suis retourné au camp d’entraînement en mai 2019 dans la meilleure forme de ma vie et j’ai remporté le Super Bowl à la fin de la saison.
Être capable de me relever de cette blessure et de terminer avec le Super Bowl, c’est tout un accomplissement professionnel », a-t-il raconté dans le cadre d’une conférence tenue le 13 mai, lors du congrès Première ligne en santé.
Selon lui, le fait de bien comprendre les causes de la douleur grâce à cette technologie aide les gens à suivre plus assidument leur traitement.
D’ailleurs, une étude québécoise réalisée en 2019 rapporte que 88% des patients qui ont eu une genougraphie adhèrent encore à leur plan de traitement après trois mois.
Cette étude a également révélé que les patients qui utilisaient cette technologie dans leur parcours de soins ressentaient moins de douleurs.
Des omnipraticiens peu outillés
Selon le Dr Pierre Ranger, chirurgien orthopédique, la genougraphie devrait être prescrite à toute personne ressentant de la douleur aux genoux.
Or, les médecins de famille prescrivent le plus souvent une résonance magnétique qui est, selon lui, inutile dans bien des cas.
« Chez les personnes de 50 ans et plus, la résonance est inutile dans 90% des cas.
Souvent l’image ne coïncide pas avec la symptomatologie du patient.
Avec la genougraphie, nous avons un diagnostic dynamique puisque le patient marche», a expliqué le chirurgien assis à proximité du Dr Duvernais-Tardif lors de la conférence.
Selon les résultats de la résonance magnétique, plusieurs patients sont référés, à tort, à un orthopédiste alors qu’ils devraient plutôt être pris en charge en première ligne, estime le médecin spécialiste.
« De 80% à 90% des patients que je vois n’ont pas besoin d’une chirurgie et n’ont donc pas besoin de mon expertise.
Si les médecins de famille étaient mieux outillés, nous n’aurions pas besoin de voir tous ces patients et nous pourrions nous concentrer sur le 10% qui en a besoin », affirme le Dr Ranger.
Selon lui, les omnipraticiens ont été peu formés sur le système musculosquelettique pendant leurs études en médecine.
« Ils n’ont eu qu’environ 45 heures de cours, pourtant 30% de leurs patients ont des problèmes musculosquelettiques et la population est vieillissante. Si les médecins étaient mieux outillés, plus de patients seraient traités correctement. »
À l’heure actuelle, le délai d’attente pour voir un orthopédiste est de 328 jours.
Et lorsque les patients en voient finalement un, la grande majorité d’entre eux se fait dire qu’ils n’ont pas à subir de chirurgie.
Selon le Dr Ranger, la plupart auraient dû subir une genougraphie afin de détecter le problème et débuter un programme avec un physiothérapeute en pratique avancée.
« Gênant de venir travailler »
Par ailleurs, Laurent Duvernais-Tardif a profité de sa présence au congrès pour revenir sur son expérience en CHSLD, qui a été fort médiatisée pendant la pandémie.
« Ça devenait gênant de venir travailler en sachant qu’il y avait des gens qui faisaient ce travail mieux que moi depuis 25 ans. Mais c’est moi qui recevais toute l’attention et les tapes dans le dos. »
Le footballeur a tenu à rendre hommage au personnel de première ligne qui s’est dévoué durant cette période difficile.
« Pour moi, la définition de « héros », ce sont des gens qui font des choses par conviction sans attendre quelque chose en retour », a-t-il dit.
Dans les prochaines années, l’athlète qui dit s’être découvert une passion pour la santé publique voudrait profiter de son importante tribune pour faire de la prévention.
« Je veux centrer mon message sur la prévention primaire et encourager les bonnes habitudes de vie.
Ça sera une grande partie de ma pratique médicale et ma mission professionnelle. »
À lire aussi:
Une technologie 3D pourrait révolutionner le traitement de l’arthrose du genou
Une technologie québécoise, la genougraphie, est en voie de révolutionner le traitement de l’arthrose du genou.