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Les valides naviguaient autrefois entre eux, laissant les personnes en situation de handicap dans leur sillage : deux façons d’appréhender la mer à travers toute une suite de huis clos et de relégations.
Le vent tourna et l’on passa de l’exclusion à une inclusion qui a désormais valeur de ligne de conduite et de perspective pour la FFVoile.
Le XXIe siècle, c’est le temps de la voile pour tous, celle que l’on pratique ensemble au gré d’une mixité qui recompose les équipages.
Une voile pour tous que l’on pratique ensemble, au gré d’une mixité qui recompose les équipages. | FFVOILE / CARINE DUFLOS
Michel COLSON. Publié le 13/04/2023 à 17h59
Il y a des souvenirs qui résument tout. « À l’automne 2011, raconte Francis Dubès, responsable des activités handi du club de Cazaux, en Gironde, une institutrice est arrivée avec ses élèves pour une semaine d’initiation.
L’une des élèves était en fauteuil et l’enseignante m’a dit :’Ne vous inquiétez pas, la petite attendra ses camarades en faisant du dessin’ ».
Cette éventualité me paraissait tout à fait inconcevable. On a trouvé une solution pour embarquer la jeune fille sur un voilier : nous avons sollicité un club qui venait d’acquérir un Hansa 303 et tous les enfants sont partis naviguer.
Répondre aux demandes de parents
Depuis lors, nous nous sommes orientés vers une pratique de la Voile en « mixité », pratique partagée « valides handicapés » afin de pouvoir répondre localement sur notre commune aux demandes de parents d’enfants, d’adolescents ou de jeunes adultes à mobilité réduite ou atteints de déficiences auditives et même visuelles.
La marque de fabrique d’une nouvelle pratique de la voile et d’une évolution sociétale. | FFVOILE – CARINE DUFLOS
Francis Dubès évoque aussi le cas d’une classe de lycéens qui s’est mobilisée en concevant un siège ergonomique permettant à un élève handicapé d’être parfaitement installé dans son bateau.
Cet élan de solidarité résonne comme la marque de fabrique d’une nouvelle pratique de la voile et probablement aussi d’une évolution sociétale.
Prix de la Solidarité
Sur le lac de Cazaux, l’aventure handivoile se prolonge depuis 2007.
En 2012, le club de Cazaux s’est vu attribuer le Prix de la Solidarité remis par la Ville de La Teste et par la Caisse d’Allocations Familiales de la Gironde.
Puis, en 2017, c’est la naissance de l’École de sport Jeunes Voile Handivalides au CVCL, la première en Nouvelle Aquitaine !
Cette école de sport est composée d’une véritable équipe de compétition avec un projet sportif structuré pour les années à venir.
Pouvoir répondre aux demandes de parents d’enfants, d’adolescents ou de jeunes adultes à mobilité réduite. | FFVOILE CARINE DUFLOS
« Dans notre école de voile, continue Francis Dubès, les jeunes pratiquent la voile pour leur plaisir personnel chaque samedi mais aussi, avec l’accord de leurs parents, les jeunes valides deviennent les équipiers des jeunes en situation de handicap, notamment lors des déplacements en compétitions régionales ou nationales.
Nous avons déjà participé à quatre championnats de France Handivalides.
Nous sommes convaincus que notre activité est vectrice de cohésion sociale, de partage, de respect de l’autre et de sa différence ».
Clubs référents
Pour son engagement au profit des personnes handicapées et de leur intégration au quotidien, le club de Cazaux, labellisé pour une pratique sportive de la Voile en mixité, est désormais l’un des clubs référents pour la FFVoile.
La fédération vient d’ailleurs de lui attribuer l’organisation de la Formation Nationale de l’Éducateur Sportif Handivoile en mars 2023, d’une grande compétition Handi Inter régionale, « La Mini Translac », en avril prochain, et enfin l’organisation du championnat de France Handivoile et Paravoile Solitaire en août 2023.
Le club de Cazaux, labellisé pour une pratique sportive de la Voile en mixité, est désormais l’un des clubs référents pour la FFVoile. | DR / CLUB DE CAZAUX
Un peu plus au Nord, Janick Le Moal, championne de France Miniji 2008 et élue de la ligue de Bretagne, chargée de l’inclusion, mentionne que sa mission suprême est d’accompagner les clubs et les pratiquants en proposant une aide au montage de dossiers permettant d’obtenir des subventions : « Ce qui est important, précise-t-elle, c’est de maintenir une accessibilité pour tous en dotant les clubs de différents matériels de compensation (sièges de cockpit, portiques destinés à faciliter l’embarquement des handicapés et autres aménagements directement réalisés sur les bateaux). On essaie lorsque cela est possible de favoriser le partage du matériel d’un club à l’autre ».
S’adapter en permanence et adapter les structures pour que tout le monde puisse embarquer et naviguer. C’est ça l’objectif !
Janick Le Moal évoque aussi l’accessibilité pédagogique, notamment celle mise en œuvre par les professionnels de la voile, les moniteurs, qui ont la mission de s’adapter à des pratiquants dont les attentes et les besoins sont spécifiques : « Bien entendu, il est ici question d’inclusion, autant dire de la pratique de la voile pour tous, mais pour moi le maître mot reste l’adaptation.
S’adapter en permanence et adapter les structures pour que tout le monde puisse embarquer et naviguer. C’est ça l’objectif ! ».
S’adapter en permanence et adapter les structures pour que tout le monde puisse embarquer et naviguer. | FFVOILE – CARINE DUFLOS
Janick Le Moal est en immersion depuis deux décennies dans le monde de l’handivoile.
Cette adaptation permanente est pour elle une sorte de routine, mais elle reconnaît que la société d’aujourd’hui se montre plus à l’écoute du handicap et qu’elle autorise beaucoup plus les projets et les aventures : « Quatre skippers handicapés ont pris le départ de la dernière Route du Rhum.
C’est bien la preuve d’un aboutissement. L’aboutissement d’un engagement sur le long cours ».
Directives nationales
À l’autre bout de la France, Charlotte Lobry, responsable Handi de la Ligue Sud et monitrice à Antibes depuis bientôt deux saisons, constate que par rapport à beaucoup d’autres sports, l’activité handivoile est relativement développée et qu’elle s’appuie sur des directives nationales.
Comme Janick Le Moal, Charlotte Lobry parle de cette nécessité d’adaptation permanente pour prendre en charge des personnes à mobilité réduite ou souffrant de déficiences mentales.
Profiter de la mer et du vent dans un esprit de partage et d’entraide. | FFVOILE – CARINE DUFLOS
L’inclusion, voilà bien le maître mot dans cette multiplicité de projets de navigation.
L’idée est probablement de générer un surcroît de motivation et d’enthousiasme par le croisement des compétences et des savoir-faire.
L’idée est de profiter de la mer et du vent dans un esprit de partage et d’entraide, dans une perspective d’accompagnement qui agrémente les apprentissages.
On mouline les winchs, on tire sur les écoutes et on range le matériel ensemble.
Les plus forts entraînent les moins aguerris et au bout du compte les temps de navigation sont encore plus enrichissants.
Principal point d’ancrage, la mixité
Ce fonctionnement est la règle dans les 300 clubs de l’hexagone qui accueillent plus de 14 000 personnes en situation de handicap.
Aux quatre coins du pays, sur l’ensemble des plans d’eau intérieurs comme dans les écoles de voile implantées sur les 3 000 kilomètres du littoral métropolitain, la FFVoile s’est engagée dans le développement des pratiques handivoile et handivalide avec comme principal point d’ancrage la mixité.
Des bateaux spécifiques pour aider les handicapés à naviguer. | FFVOILE CARINE DUFLOS
Christine Courtois, vice-présidente de la FFVoile, en charge de la mixité, insiste sur le sujet : « Tous ceux qui le souhaitent, y compris les handicapés, doivent pouvoir être accueillis dans l’un des clubs de l’hexagone et qui plus est parfaitement encadrés pour pratiquer le type de voile qu’ils désirent.
Nous avons des bateaux spécifiques pour les aider à naviguer, mais l’un des objectifs de la FFV est de leur permettre d’embarquer sur tous les supports, du dériveur au quillard ».
Et cette dernière d’ajouter que « la perspective est d’impliquer les personnes handicapées dans un mode de fonctionnement régulier ».
La confrontation avec le milieu naturel, la mer et le vent, les aide à surmonter leur handicap.
Christine Courtois explique que la FFVoile souhaite se tourner vers les parents de jeunes handicapés pour leur dire que « la voile est non seulement un sport accessible, mais qu’il peut aussi se révéler incroyablement bénéfique pour les enfants dyspraxiques ».
En effet, elle souligne que « la confrontation avec le milieu naturel, la mer et le vent, les aide à surmonter leur handicap.
Et leur implication dans les manœuvres, aussi parcellaire qu’elle soit, finit par leur donner ou leu redonner confiance ».
Jean-Luc Denéchau : « On se doit d’offrir un éventail de possibilités de pratiques répondant à toutes les formes de handicap ». | FRÉDÉRIC MUZARD
Jean-Luc Denéchau, président de la FFVoile, porte le même message, celui de l’ouverture de la pratique de la voile au plus grand nombre.
Interrogé lors de la première journée du salon nautique de Paris organisé du 3 au 10 décembre 2022 au Palais des expositions de la Porte de Versailles, il avait souligné la volonté de la fédération de s’adapter à tous les types de pratiquants, l’objectif étant « d’offrir la possibilité d’une pratique de proximité, dans l’un des 300 clubs impliqués dans l’Handivoile.
Il y a les handicapés physiques, les handicapés moteurs et tous les autres.
On se doit d’offrir un éventail de possibilités de pratiques répondant à toutes les formes de handicap ».
Bateaux spécifiquement dédiés
« Il faut savoir que la FFVoile met tout en œuvre pour accompagner et encadrer la pratique de l’handivoile.
On organise des formations et on favorise le déploiement d’un matériel le plus adapté possible avec notamment une série de bateaux spécifiquement dédiés aux personnes souffrant d’un handicap, mais la perspective est de faire naviguer tout le monde sur tous les supports ».