Accueil Actualités Pathologies Services Étude rétrospective de 1030 cycles
Par le Pr Clément Jimenez (Laboratoire Eylau Unilabs – Paris) [Déclaration de liens d’intérêts]
Article commenté :
Does duration of abstinence affect the live-birth rate after assisted reproductive technology? A retrospective analysis of 1030 cycles.
Periyasamy AJ, Mahasampath G, Karthikeyan M et al.
Fertil Steril. 2017 ; 108(6):988-992.
► Retrouvez l’abstract en ligne
Quel délai d’abstinence faut-il préconiser pour la réalisation d’une FIV ou d’une ICSI ?
L’analyse de sperme est un examen important dans l’évaluation du couple infertile. La durée d’abstinence peut influencer les paramètres spermatiques. Des durées d’abstinence courtes ou longues sont associées à des résultats qui pourraient être considérés comme anormaux.
L’OMS préconise un délai d’abstinence de 2 à 7 jours pour l’analyse de sperme. L’ESHRE préconise 3-4 jours. Le rôle de la durée d’abstinence et de son impact sur la fragmentation de l’ADN a été étudié avec des résultats controversés.
Alors qu’une étude rapporte une augmentation de l’immaturité de la chromatine des spermatozoïdes après un jour d’abstinence (1), une autre observe une diminution de la fragmentation de l’ADN pour le même délai d’abstinence (2).
L’impact de la durée d’abstinence sur le taux de succès en FIV ou ICSI n’est pas clair. En technique ICSI, une étude rapporte des taux de grossesse plus élevés dans le groupe où le délai d’abstinence est court avec une diminution des taux de grossesse pour un délai d’abstinence supérieur ou égal à 5 jours.
En pratique clinique, les conseils de délais d’abstinence en AMP sont extrapolés des recommandations pour la spermiologie diagnostique. Les données sur le sujet sont rares. L’étude, présentée ici, s’intéresse à l’impact du délai d’abstinence sur les taux de grossesse et de naissance vivante en AMP.
Matériels et méthodes
Étude rétrospective de 2011 à 2015 avec inclusion de toutes les tentatives indépendamment de l’indication et pour lesquels il y a eu un transfert d’embryons frais. Toutes les tentatives ICSI et les tentatives combinant FIV et ICSI ont été incluses. Ont été exclues :
- les tentatives où les femmes étaient âgées de plus de 40 ans,
- les tentatives réalisées après biopsie testiculaire et ou épididymaire,
- les tentatives réalisées avec du sperme congelé,
- les tentatives avec mauvaise réponse ovarienne ( 3 ovocytes),
- les tentatives avec freeze all.
Les cycles inclus ont été divisés en 2 groupes. Le groupe I avec une abstinence entre 2 et 7 jours et le groupe II avec une abstinence supérieure à 7 jours. Le groupe I a été également subdivisé en 2 sous-groupes. Le groupe Ia avec un délai d’abstinence de 2 à 4 jours et le groupe Ib avec un délai d’abstinence de 5 à 7 jours. Les données concernant le délai d’abstinence ont été recueillies par questionnaire le jour du prélèvement.
Mesure des résultats
Critère principal de jugement : taux d’accouchement (enfant vivant après 24 SA). Critères secondaires : Taux de fécondation, qualité embryonnaire, taux d’implantation, taux de grossesse et taux de fausse couche.
Méthode statistique
Ajustement sur les éventuels facteurs confondants comme l’oligospermie (moins de 5 millions par ml) ou encore l’asthénozoospermie (moins de 1% de mobilité progressive) et l’âge de l’homme.
Résultats
Sur 1345 cycles, 315 cycles ont été exclus (facteurs confondants féminins n= 269, sperme congelé n= 16, technique FIV pour la totalité de la tentative n= 5 et données incomplètes n=25) Finalement 1030 cycles ont été inclus. 868 dans le groupe I et 162 dans le groupe II. Pas de différence sur les caractéristiques cliniques de base.
Parmi les variables d’AMP, les doses de gonadotrophines, la durée de stimulation, le nombre d’ovocytes ponctionné et le nombre d’embryons transféré n’étaient pas différents entre les deux groupes. La méthode d’AMP (ICSI ou FIV+ICSI) était différente (p=0,001). La mobilité progressive moyenne était supérieure dans le groupe I (p< 0,001). (Tableau 1)
Tableau 1
Les taux de naissances vivantes par transfert embryonnaire (34,1% vs 24,1% ; OR 1,6 ; 95% CI, 1,1-2,5 ; p=0,01) ont été supérieurs dans le groupe I. Les taux de grossesse clinique par transfert (44,4% vs 32,7% ; OR 1,6 ; 95% CI. 1,1-2,3 ; p=0,008) ont été supérieurs dans le groupe I ainsi que les taux d’implantation (26,4% vs 18,2% ; p<0,001) (Tableau 2).
Les autres critères secondaires d’évaluation (taux de fécondation, taux de top embryons et taux de fausse couche) n’étaient pas différents entre les deux groupes. Après ajustement sur les facteurs confondants, les OR pour les taux de naissance vivante et le taux de grossesse clinique étaient significativement plus élevés dans le groupe I (tableau 2).
Dans les sous-groupes Ia (n=536) et Ib (n=332), les caractéristiques cliniques de base n’étaient pas différentes par rapport au groupe II. Le délai d’abstinence était de 3,47 ± 0,63 jour dans le groupe Ia et de 5,71 ± 0,88 jours dans le groupe Ib.
Les taux d’implantation étaient plus élevés dans le groupe Ia et dans le groupe Ib que dans le groupe II : 28, 1% p<0,001 et 23,7% p=0,04 respectivement vs 18,2% dans le groupe II. Les taux de grossesse clinique étaient également plus élevés dans le groupe Ia (45,5% p=0,004) et Ib (42,5% p=0,048) vs groupe II (32,7%).
Les taux de naissance vivante étaient plus élevés dans le groupe Ia (36,1%) vs le groupe II 24,1% ; p=0,005 mais pas statistiquement différents entre le groupe Ib et le groupe II (30,7% vs 24,1% ; p=0,127). Les autres critères secondaires d’évaluation n’étaient pas statistiquement différents entre les groupes.
Tableau 2
Discussion
Cette étude rapporte des taux de naissance plus faibles après AMP lorsque le délai d’abstinence est long (plus de 7 jours). Les taux d’implantation et de grossesse clinique sont également plus faibles. Cela est observé même après ajustement sur les facteurs confondants.
Les sous-groupes Ia et Ib ont été comparés au groupe II. Dans ces sous-groupes, les taux d’implantations et de grossesses sont statistiquement supérieurs à ceux observés dans le groupe II. Le taux de naissances vivantes est statistiquement supérieur dans le groupe Ia mais pas dans le groupe Ib où l’on observe toutefois une tendance à des taux supérieurs d’accouchement par rapport à ceux observés dans le groupe II (30,7% vs 24,1%).
Il n’existe que très peu d’études dans la littérature et toutes sont rétrospectives. Les quelques études réalisées vont dans le même sens avec des résultats qui sont meilleurs pour des délais d’abstinence se situant entre 1 et 5 jours. Jusqu’ici, aucune étude n’avait évalué le taux de naissance vivante en fonction du délai d’abstinence et cette étude est donc la première de ce type.
Points forts :
– Il s’agit d’une des rares études réalisées sur le sujet et la seule qui fasse état du taux de naissance vivante. C’est également l’étude qui porte sur le plus grand nombre de cas.
– Les résultats observés doivent conduire à s’interroger sérieusement sur la question du délai d’abstinence. Les consignes à donner sur ce délai devraient aller vers sa réduction à 2-4 jours. Il ne faut sans doute pas se contenter de l’extrapolation faite à partir des préconisations de l’OMS pour la réalisation des analyses spermatiques.
Points faibles :
– Étude rétrospective
– Les 2 groupes I et II sont de tailles différentes. Le groupe II ne comporte que 162 cycles et seulement 38 naissances. Cela diminue la puissance de l’étude. Le mélange des techniques ICSI et FIV+ICSI est également problématique. Les caractéristiques spermatiques sont forcément différentes entre les deux types de techniques et cela peut constituer un biais important.
Références :
1- Influence of the abstinence period on human sperm quality. De Jonge C, LaFromboise M, Bosmans E, Ombelet W, Cox A, Nijs M. Fertil Steril. 2004 Jul;82(1):57-65.
► Retrouvez l’abstract en ligne
2- One abstinence day decreases sperm DNA fragmentation in 90% of selected patients. Pons I, Cercas R, Villas C, Braña C, Fernández-Shaw S. J Assist Reprod Genet. 2013 Sep;30(9): 1211-1218
► Retrouvez l’abstract en ligne
Date de publication : 5 mars 2018