Charlène Catalifaud – | 27.06.2019
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Le microbiote intestinal est un écosystème complexe qui renferme des milliards de micro-organismes. Comment se forme-t-il chez le tout-petit et quels sont les facteurs qui influencent sa composition ? Le point avec le Dr Alexis Mosca, pédiatre gastro-entérologue à l’hôpital Robert-Debré (AP-HP), alors que se tient ce 27 juin la Journée mondiale du microbiome.
Moindre diversité microbienne
Le microbiote se constitue au fil du temps, probablement dès la vie utérine. Néanmoins, « tout commence bien avant la naissance, car notre écosystème intestinal a co-évolué avec notre espèce », explique le pédiatre. Les changements de modes de vie l’ont profondément modifié.
« Le développement des pratiques d’hygiène, la découverte des antibiotiques et la nourriture industrielle ont contribué à appauvrir notre microbiote », souligne le Dr Mosca. Une moindre diversité microbienne qui s’est accompagnée au cours de ces dernières décennies d’une augmentation de l’incidence de certaines maladies telles que l’asthme ou la maladie de Crohn. « Ces maladies commencent à émerger dans les pays qui développent un mode de vie industriel, ce qui témoigne du rôle de notre environnement », remarque le pédiatre.
Des études réalisées chez la souris ont mis en évidence un effet transgénérationnel. L’une d’entre elles (1) a comparé deux groupes de souris (dépourvues de germes) : le premier a reçu le microbiote d’enfants nés en bonne santé de mères obèses, le second le microbiote d’enfants nés de mères de poids normal. Les deux groupes de souris ont été soumis à des régimes riches en graisses : celles du premier groupe ont plus de risque de développer une stéatose hépatique. « Cela montre le caractère héritable de la dysbiose intestinale », souligne le Dr Mosca.
La génétique influence peu le microbiote
Une cohorte danoise menée auprès de 10 000 enfants (2) suggère par ailleurs que le fait de modifier le microbiote de la mère au cours de la grossesse a une influence sur la descendance : les enfants exposés in utero à des antibiotiques étaient associés à un surrisque de surpoids ou d’obésité entre 7 et 16 ans.
Sous l’influence de différents facteurs, « le microbiote va passer d’une flore dominée par des bactéries anaérobies facultatives à une flore anaérobie stricte après la naissance », poursuit le Dr Mosca. « La génétique influence très peu notre microbiote intestinal, qui serait modulé à 98 % par notre environnement », précise-t-il.
La voie de naissance est un des facteurs majeurs influençant la composition du microbiote intestinale. Les données récentes montrent néanmoins que cette composition n’est pas si différente selon que les bébés sont nés par césarienne ou par voie naturelle, et que la césarienne n’est pas autant associée à un surrisque de pathologie que suggéré précédemment.
L’alimentation façonne aussi le microbiote de l’enfant. « Le lait maternel contient des oligosaccharides complexes, ce qui permet de nourrir à la fois le bébé et son microbiote. Il s’agit d’une spécificité de l’espèce humaine, explique le Dr Mosca. L’allaitement maternel est le facteur qui influence le plus la composition du microbiote. »
L’influence des médicaments
La prise de médicaments comme les antibiotiques peut également perturber l’installation du microbiote intestinal de l’enfant. « Ces perturbations précoces du microbiote semblent favoriser la survenue de maladie quelques années plus tard, telles que l’obésité, des allergies… », rapporte le Dr Mosca.
Il est néanmoins possible d’agir et d’influencer le microbiote naissant, notamment par le biais des probiotiques.
* Dans le cadre de l’événement « le Microbiote dans tous ses états » organisé par le laboratoire Gallia le 27 mai 2019
- T. K. Soderborg et al., Nat Commun, doi: 10.1038/s41467-018-06929-0, 2018
- A. Mor et al., Int J Obes (Lond). doi: 10.1038/ijo.2015.129, 2015.
Source : Lequotidiendumedecin.fr