Publié le 23/09/2019
Les dangers possibles de certaines activités sportives ont été abondamment soulignés chez les jeunes patients atteints d’une cardiopathie arythmogène. De ce fait, dans les recommandations internationales actuelles, une telle pathologie cardiaque doit conduire à la limitation des activités sportives éprouvantes et a fortiori des sports de compétition, voire à leur interdiction. Cependant, une lettre à l’éditeur du New England Journal of Medicine attire l’attention sur les dangers d’un autre type d’activité largement pratiquée par les enfants et adolescents : les jeux électroniques dont le potentiel arythmogène n’avait pas jusqu’alors été souligné…malgré le haut niveau de stress, d’excitation et de charge émotionnelle qu’ils engendrent.
Trois patients, quatre syncopes
Il est question, dans cette lettre de quatre accidents syncopaux survenus chez trois garçons âgés de 10 à 15 ans qui s’adonnaient à ces jeux a priori innocents mais in fine prenants et stressants, puisqu’il s’agissait de wargames, particulièrement prisés que ce soit sur console ou en ligne.
Le premier patient âgé de 10 ans a perdu connaissance alors qu’il venait de gagner au terme d’une partie acharnée, mais il a repris conscience spontanément. Par la suite, il a été victime d’un arrêt cardiaque à l’école, lié à une fibrillation ventriculaire qui a conduit au diagnostic de tachycardie ventriculaire polymorphe catécholergique. Le bilan génétique a révélé un variant c.7600C→G, p.Leu2534Val au sein du gène codant pour le récepteur de la ryanodine, « probablement pathogène » selon les critères de l’American College of Medical Genetics and Genomics.
Le second patient âgé de 15 ans avait préalablement bénéficié d’une cure d’une transposition des gros vaisseaux et de la fermeture d’une communication interventriculaire. Un état présyncopal est survenu alors qu’il jouait assis sur son lit à un wargame : une tachycardie ventriculaire (TV) monomorphe rapidement diagnostiquée a nécessité une cardioversion. Un défibrillateur automatique a été implanté et un traitement par le métoprolol instauré. Deux mois plus tard, nouvel épisode de TV dans les mêmes circonstances alors qu’il était sur le point de triompher dans la guerre électronique comme le jeune patient précédent : le wargame tourne à nouveau au drame avec à la clé une nouvelle cardioversion assurée cette fois par le défibrillateur automatique.
Le troisième patient âgé de 11 ans a ressenti des palpitations alors qu’il jouait à ce jeu électronique avec un camarade avant de faire un collapsus et de reprendre rapidement conscience. Un syndrome du QT long a été diagnostiqué chez ce patient et plusieurs membres de sa famille. Le bilan génétique est en cours, mais deux morts subites figurent dans les antécédents familiaux.
Déclarer la guerre aux wargames ?
Les jeux électroniques qui connaissent un succès croissant sont capables d’augmenter la fréquence cardiaque de manière tout à fait significative chez les participants les plus acharnés qui se donnent à fond dans des combats guerriers héroïques et violents, les wargames constituant un genre à part. Il a d’ailleurs été démontré que le stress mental et la charge émotionnelle considérable peuvent raccourcir le potentiel d’action ventriculaire et déclencher des arythmies ventriculaires sévères, a fortiori quand il existe un syndrome du QT long. Dans le cas du premier patient, l’hyperactivité sympathique à l’origine de décharges d’adrénaline a probablement joué un rôle déterminant dans la survenue des arythmies.
Les jeux électroniques du type wargames ne sont pas anodins sur des terrains prédisposés, mais le risque reste faible en valeur absolue compte tenu du petit nombre de cas rapportés (pour l’instant) et du nombre considérable de jeunes utilisateurs. En cas de cardiopathie infantile connue, l’usage modéré de tels jeux peut être préconisé, mais pour la suite de l’histoire, il faut attendre la publication d’autres cas similaires avant de passer au stade des recommandations destinées au grand public. L’alerte est lancée. Just wait and see… Il est trop tôt pour déclarer la guerre aux wargames.
Dr Peter Stratford
RÉFÉRENCE : Lawley CM et coll. : Syncope Due to Ventricular Arrhythmia Triggered by Electronic Gaming. N Engl J Med 2019 : 381-1180-1181 (Lettre à l’éditeur).
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