Actualités  –  publiée le 23/02/2020 par Équipe de rédaction Santélog

Nature Metabolism

Changer nos cardiomyocytes de régime alimentaire pourrait les aider à se régénérer et contribuer à réduire voire éviter l’insuffisance cardiaque

Changer nos cardiomyocytes de régime alimentaire pourrait les aider à se régénérer et contribuer à réduire voire éviter l’insuffisance cardiaque, nous explique cette équipe de l’Université du Texas Southwestern. Mais comment ?

Encourager les cardiomyocytes à consommer du glucose plutôt que des acides gras pourrait en effet redonner à leurs mitochondries -les mini-centrales énergétiques des cellules- une seconde jeunesse.

Ces conclusions, présentées dans la revue Nature Metabolism, ouvrent la voie à de nouveaux médicaments qui modifient l’alimentation de nos cardiomyocytes pour les faire se diviser à nouveau, inversant ainsi le risque ou la progression de l’insuffisance cardiaque.

Les traitements actuels pour l’insuffisance cardiaque, dont les inhibiteurs de l’ECA (enzyme de conversion de l’angiotensine) et les bêta-bloquants, visent à arrêter un cercle vicieux de perte de muscle cardiaque mais il n’existe aucun traitement pour reconstruire le muscle cardiaque. Changer ce que consomment les centrales électriques des cellules cardiaques, pourrait plus largement aider le cœur à se régénérer.

Ce que consomment les mitochondries impacte la division cellulaire

Du sucre à la naissance aux acides gras : lors d’une précédente recherche, la même équipe avait découvert que les cœurs de mammifères peuvent se régénérer s’ils sont endommagés au cours des premiers jours de leur vie, grâce à la stimulation de la division des cardiomyocytes, les cellules responsables de la force contractile du cœur.

Cependant, cette capacité se perd à l’âge de 7 jours, un âge auquel la division de ces cellules ralentit considérablement. D’autres recherches ont ensuite découvert que ce changement dans la capacité de régénération provient, au moins en partie, des radicaux libres nocifs générés par les mitochondries, ces centrales énergétiques qui alimentent les cellules. Ces radicaux libres endommagent l’ADN des cellules ce qui les induit à cesser de se diviser.

Le changement dans la production de radicaux libres semble être stimulé par ce que consomment les mitochondries des cardiomyocytes : à la naissance, les mitochondries dépendent du glucose in utero puis ensuite, elles « passent » aux acides gras.

Forcer les mitochondries à « rester au sucre » pourrait donc empêcher ces dommages à l’ADN, c’est l’hypothèse du moins testée ici par les chercheurs, avec 2 expériences :

  • Dans la première expérience, les chercheurs ont suivi des bébés souris dont les mères avaient été génétiquement modifiées pour produire du lait maternel faible en graisses et nourris avec un régime également allégé en graisses après leur naissance. Les chercheurs constatent que les cœurs de ces rongeurs maintiennent leur capacité de régénération bien plus longtemps que la normale : leurs cardiomyocytes continuent d’exprimer les gènes associés à la division cellulaire pendant une fenêtre de temps bien plus longue que les bébés souris nourris avec un régime standard.

Cependant, cet effet ne dure pas jusqu’à l’âge adulte car, chez ces animaux, le foie finit par combler le déficit en synthétisant les graisses qui manquent à leur alimentation, ce qui réduit d’ailleurs considérablement la capacité de régénération du cœur.

  • Dans la deuxième expérience, les chercheurs ont développé des animaux génétiquement modifiés pour manquer d’une enzyme, PDK4, nécessaire à la digestion des acides gras par les mitochondries des cellules cardiaques. Lorsque les chercheurs arrêtent par médicament la production de PDK4, les cardiomyocytes des animaux passent à la consommation de glucose au lieu d’acides gras, même à l’âge adulte.

Après simulation d’une crise cardiaque, ces animaux connaissent une amélioration de la fonction cardiaque et d’une reprise de la division des cardiomyocytes.

Il est donc possible de rouvrir la fenêtre de régénération des cellules cardiaques en manipulant l’alimentation des mitochondries de nos cellules cardiaques. Une nouvelle option thérapeutique qui va passer par le développement de nouveaux médicaments (et non d’un simple changement d’alimentation).

Des médicaments qui, « pour le coup », pourraient inverser l’insuffisance cardiaque.

Source: Nature Metabolism 20 February 2020 Mitochondrial substrate utilization regulates cardiomyocyte cell-cycle progression

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