https://www.jim.fr/e-docs/00/02/B4/5F/carac_photo_1.jpg Publié le 22/04/2019

L’incontinence urinaire (IU), définie comme une perte involontaire d’urine, affecte près de 17% des femmes non enceintes. Sa prévalence augmente avec l’âge, principalement après la ménopause. Elle peut entraîner des dommages physiques et psychologiques, gêner la vie sociale et imposer de notables restrictions dans le mode de vie. On distingue plusieurs types d’IU. L’IU de stress survient lors d’efforts, d’éternuements ou de toux. L’IU d’urgence est caractérisée par une envie soudaine d’uriner, difficile à surmonter. Enfin, l’IU mixte associe les deux. Des thérapies non pharmacologiques et pharmacologiques sont disponibles. Les premières visent à modifier des comportements et à renforcer le plancher pelvien tandis que les secondes ont pour objectif l’amélioration de la fonction vésicale et du sphincter urétral.

Une revue systématique de la littérature médicale, portant sur les bénéfices cliniques et les effets délétères des différents traitements, a été menée pour actualiser une précédente revue conduite en 2012. Les traitements chirurgicaux étaient hors analyse, hormis les actes mineurs tels que mise en place d’une neuro modulation sacrée, injection de toxine botulinique ou renforcement péri-urétral. Cette revue a été couplée à une méta-analyse en réseau portant sur les résultats cliniques, l’iatrogénie et la qualité de vie après traitement. Les sources des données ont été les grandes banques informatiques : MEDLINE, les revues Cochrane, EMBASE, CINHAL et Psy Info, depuis leur création au 10 Aout 2018.

Quatre-vingt-quatre essais cliniques randomisés ont été sélectionnés car comportant un échantillon minimum de 50 femmes et un suivi d’au moins 4 semaines ; 14 catégories de soins ont été analysées. Un premier lecteur détaillait les caractéristiques des études, leurs résultats selon le type d’IU, les risques de biais tandis qu’un second, de façon indépendante, les vérifiait, avec, au final, détermination de la valeur des preuves. Étaient exclues les IU en cours de grossesse, chez des femmes hospitalisées ou institutionnalisées, présentant une infection urinaire ou une vessie neurologique. Les diverses interventions thérapeutiques ont été classées selon qu’elles étaient recommandées en première, seconde intention ou en traitement de troisième ligne.

Il est à noter que plusieurs interventions pouvaient être associées dans une même approche, par exemple thérapie comportementale combinant exercices vésicaux et renforcement musculaire du plancher pelvien. Pareillement, la neuro modulation pouvait inclure stimulations électriques et magnétiques. Le traitement hormonal pouvait comporter l’administration d’œstrogènes ou de raloxifène, selon différentes voies d’abord. Quant aux médicaments anti cholinergiques, ils regroupaient 11 molécules différentes.

Pour 85 % des essais retenus, le risque de biais a été jugé faible à modéré. L’âge des participantes variait de 33 à 85 ans, avec un âge médian de 55 ans (IQR : 50- 59 ans). La taille de l’échantillon allait de 18 à 2 393 femmes, avec une médiane de 85 (IQR : 50- 218) ; 38 % des essais concernaient l’IU de stress ; 19 % les IU d’urgence et 38 % des études ont inclus divers types d’IU ou ne le précisaient pas.

Les thérapies comportementales en première ligne

Dans l’IU d’effort ou de stress, en première et seconde ligne thérapeutique, les thérapies comportementales, associées ou non à une hormonothérapie, apparaissent plus efficaces que les agonistes α ou que les traitements hormonaux administrés isolément (niveau de preuve modéré). Les agonistes α semblent eux-mêmes plus bénéfiques qu’une hormonothérapie (niveau de preuve, là encore, modéré). En troisième ligne, les tentatives de relâchement de la pression intra vésicale et la neuro modulation, mais non les agents de renforcement péri urétral, se montrent plus efficaces que les traitements hormonaux ou que l’abstention thérapeutique. Globalement, avec un niveau de preuve élevé, les thérapeutiques comportementales sont plus efficaces que l’absence de traitement pour atteindre une amélioration ou une guérison (Odds Ratio OR : 3,06 ; intervalle de confiance à 95 % : 2,16- 4,35). Il en va de même pour l’association traitement comportemental et hormonothérapie vs l’absence de traitement (OR : 4,43 ; IC : 1,42- 13,8 ; niveau de preuve modéré). Des preuves indirectes ont aussi montré que les traitements comportementaux seuls ou leur combinaison avec une hormonothérapie, étaient plus efficaces que le recours aux agonistes α (respectivement, OR à 2,50 ; IC : 1 ,19- 15,8 et OR : 3,62 ; IC : 0,38- 13,4 ; niveau de preuve modéré). En 3e ligne, les techniques visant à une modification de la pression intra vésicale sont apparues plus efficaces qu’une intervention fantôme ou l’absence d’intervention.

Dans les IU d’urgence, parmi les traitements de 1e  et 2e  ligne, là encore, les thérapies comportementales sont, statistiquement, plus efficaces que les anticholinergiques pour parvenir à une guérison ou une amélioration (niveau de preuve élevé). En 3e ligne, la neuromodulation et la toxine botulinique ont eu, avec un haut niveau de preuve, une efficacité plus grande que l’abstention (OR : 5,66 ; IC : 2,80- 11,6). L’injection de toxine s’est montrée plus efficace que la neuromodulation pour obtenir une guérison complète (OR : 1,69 ; IC : 0,80- 3,62 ; niveau de preuve faible). Quelle que soit la technique envisagée, il importe naturellement de prendre, également, en compte les différents effets secondaires possibles inhérents à la méthodologie employée.

Les résultats de cette revue systématique rejoignent ceux d’études précédemment publiées dans la littérature médicale mais sont plus précis, après analyse distincte des différents types d’IU et des interventions thérapeutiques envisageables. Cette revue systématique a été   complétée par une méta analyse en réseau. En outre, on se doit de remarquer que plusieurs des travaux antérieurs avaient inclus des cas de vessie hyperactive mais sans incontinence vraie et des observations de troubles musculaires du plancher pelvien. Le défaut majeur de la revue actuelle tient au manque relatif de comparaisons directes entre les diverses procédures et à l’hétérogénéité des populations enrôlées, variables selon le type, la sévérité de l’IU et les traitements antérieurs. Dans l’avenir, les travaux devront s’attacher à étudier les IU sous-groupe par sous-groupe et à tenir compte de la sévérité de l’IU (fréquence, volume…).

En conclusion, 4 éléments principaux sont à retenir :
– on doit d’abord constater que la plupart des interventions citées sont plus efficaces qu’une intervention fantôme ou que l’absence d’intervention, à l’exception possible de l’hormonothérapie et des agents de renforcement péri urétral qui n’ont pas paru, statistiquement, très efficaces.
– en second lieu, les thérapies comportementales, seules ou en association, semblent, en règle générale, plus bénéfiques que les autres monothérapies de 1e ou 2e ligne.
– en troisième point, on doit garder à l’esprit que les traitements pharmacologiques peuvent être la cause d’effets secondaires légers mais gênants, à type de sécheresse buccale, de nausées, de fatigue…
– enfin, en 3e ligne, le recours à la toxine botulinique, à la neuromodulation et au renforcement de la pression intra vésicale ont, souvent, une efficacité plus grande que les autres approches thérapeutiques.

Dr Pierre Margent

RÉFÉRENCE : Balk E M et coll. : Pharmacologic and Non Pharmacologic Treatments for Urinary Incontinence in Women : a Systematic Review and Network Meta-Analysis of Clinical Outcomes. Ann Intern Med., 2019 ; publication avancée en ligne le 19 mars. doi: 10.7326/M18-3227.

Copyright © http://www.jim.fr