Publié le 26/01/2020

L’ostéoporose consiste en une réduction de la masse osseuse avec fragmentation de l’architecture, d’où un risque accru de fracture. Approximativement, une femme sur deux et un homme sur cinq, au-delà de 50 ans, sont susceptibles d’être victimes de fractures ostéoporotiques.

Parmi elles, il faut citer les fractures de hanche qui sont associées à un risque de décès d’environ 30 % l’année suivante.

La vitamine D (Vit D) joue un rôle essentiel dans le maintien d’un bon état musculo squelettique. Elle favorise l’absorption calcique, la minéralisation du tissu ostéoïde et le maintien d’une fonction musculaire satisfaisante. Plusieurs études observationnelles ont montré qu’une baisse de la concentration en 25-hydroxy vitamine D ou 25(OH)D était associée à un risque accru de chutes et de fractures.

A l’inverse, un essai randomisé, comportant, il est vrai, de nombreux biais, n’a pu faire la preuve qu’une supplémentation uniquement en VitD apportait un bénéfice vis-à-vis de l’incidence fracturaire. En revanche, il a été prouvé qu’une supplémentation mixte, combinant 800 UI de Vit D par jour et 1 200 mg/j de calcium était efficace chez des sujets âgés, institutionnalisés et avec un taux bas de Vit D.D’ autres études ont pu aboutir à des résultats contradictoires, souvent du fait de la petitesse des échantillons, des posologies et modes d’administration très divers et de la faible durée des prises médicamenteuses.

Méta-analyse sur onze études

P. Yao et collaborateurs ont conduit une méta analyse sur le risque fracturaire en fonction des concentrations de 25(OH)D, ainsi que sur les effets d’une supplémentation par VitD uniquement ou par association vitamino D-calcium, vs placebo ou absence de traitement. Ce travail s’est appuyé sur les publications référencées dans PubMed et EMBASE, de langue anglaise, parues avant le 1er Janvier 2019.

Seules ont été retenues les études observationnelles ayant rapporté au moins 200 accidents fracturaires et où la concentration en 25(OH)D des patients était bien mentionnée. Pour chacune a été calculé le rapport de risque (RR) pour chaque augmentation de 10,0 ng/mL (25,0 nmol/L) de 25(OH)D sérique. Les essais cliniques sélectionnés incluaient au moins 500 participants et prenaient en compte tous les sites de fracture. Plusieurs sous-groupes ont été soumis à des analyses séparées, selon l’âge, le lieu de résidence, l’origine géographique, les posologies administrées et les concentrations de base en Vit D.

Sur 618 études observationnelles retrouvées dans la littérature, seules 11 ont été retenues, qui regroupaient 39 141 participants ayant présenté 6 278 fractures diverses et 2 367 de hanche. Sur 11, 6 étaient des études prospectives (31 089 participants, 2 809 événements fracturaires, 792 fractures de hanche). Selon les travaux, le nombre de participants a varié de 800 à 14 624. L’âge moyen était de 68,6 (52,6-76,7) ans. Le taux de 25(OH)D a été mesuré, en moyenne, à 23,7 (21,4- 25,2) ng/mL, à l’exception d’une étude UK, qui avait inclus des sujets plus jeunes, avec alors un taux sérique de 32,2 ng/mL.

Diminution du risque de fracture avec l’accroissement du taux de 25(OH)D sérique

Premier résultat, il apparaît qu’une augmentation de 10,0 ng/mL de 25(OH)D dans le sang est associée à une diminution du risque de fractures de 7 % (RR : 0 ,93 ; intervalle de confiance à 95 %, IC : 0,89- 0,96), les résultats étant encore plus probants pour les seules fractures de hanche (RR : 0,80 ; IC : 0,75- 0,86) mais avec, à signaler, une forte hétérogénéité selon les publications.

De plus, les RR ont été retrouvés plus bas dans les études prospectives comparativement aux études cas-contrôle, de l’ordre de 0,89 (IC : 0,85- 0,97) vs 0,97 (CI : 0,92- 1,03). Enfin, les RR sont moindres chez les sujets les plus âgés, vs les plus jeunes : RR à 0,88 (IC : 0,83- 0,93) comparativement à 0,96 (IC : 0,92- 1 ,00), sans différence notable selon la région d’origine, la durée de suivi ou le taux initial de 25(OH)D.

Onze essais cliniques randomisés (RCT) ont porté sur la seule vitaminothérapie D. La taille des échantillons variait de 686 à 9 440 participants ; l’âge moyen se situait entre 65,9 et 85,0 ans. Pour un ensemble de 34 243 individus, on a relevé 2 843 événements fracturaires (8,3 %) et 740 fractures de hanche (2 ,2 %) lors d’un suivi moyen approximatif de 3 ans (9 mois à 5 ans). Un seul des 11 RCT a été jugé à faible risque de biais.

La posologie de Vit D et le mode d’administration ont varié selon les études, avec seulement dans 2 cas des doses supérieures à 2 000 UI/J ; 59,9 % des participants étaient des femmes, d’âge moyen 77,1 ans, avec une concentration de départ en VitD variant entre 10,6 et 26,3 ng/mL. De ces essais, il ressort que la supplémentation par VitD uniquement n’entraîne pas de variation du risque fracturaire global (RR : 1,06 ; IC : 0,98- 1 ,14) , ni de celui de fracture de hanche (RR : 1,14 ; IC : 0,98- 1,33). Il n’y a pas de franche hétérogénéité, ni de différences patentes selon l’âge, le statut résidentiel ou géographique, la forme d’ administration…

Il n’a pas, non plus, été décelé de modification du risque fracturaire selon que le taux sérique de 25 (OH)D initial était supérieur ou inférieur à 20,0 ng/mL, avec, toutefois, une hétérogénéité des résultats devenant nette pour les taux inférieurs ou supérieurs à 8,0 ng/mL.

Efficacité d’une double supplémentation

Six RCT distincts ont comparé les effets de la bi thérapie Ca-Vit D vs placebo ou absence de traitement sur le risque fracturaire. Dans 5, le risque de biais paraissait considérable. Les posologies allaient de 400 à 800 UI de Vit D /j couplées à 800 à 1 200 mg/j de Calcium. L’âge moyen se situait à 66,2 ans et la durée moyenne de traitement a été de 5,9 ans. Le nombre de participants a été de 49 282 et on a dénombré 5 449 (11,1 %) événements fracturaires et 730 (1,5 %) fractures de hanche.

Contrairement à la prise de VitD seule, la supplémentation vitamino calcique a été associée à une baisse d’environ 6 % du risque fracturaire (RR : 0,94 ; IC : 0,89- 0,97) et surtout à une diminution de 16 % du risque de fracture de hanche (RR : 0 ,84 ; IC : 0,72- 0,97), sans hétérogénéité significative. L’apport vitamino-calcique est apparu particulièrement utile chez les individus de plus de 80 ans, vivant en institution et chez qui des variations notables du taux de VitD, avant et sous traitement, étaient observées.

Ainsi, cette revue systématique mène à conclure qu’un taux élevé de 25(OH)D sérique est associé à un risque fracturaire plus faible. Toute augmentation de 10,0 ng/mL est liée à une baisse de 7 % du risque global de fractures, cette baisse pouvant aller jusqu’ à 20 % pour le risque de fracture de hanche. Par contre, il ne semble exister aucun bénéfice de l’apport isolé de Vit D, 2 essais ayant même retrouvé, pour des apports importants, une toxicité notable., avec majoration du risque de chutes et de fractures. A contrario, une supplémentation journalière vitamino- calcique est associée à une réduction moyenne de 6 % de l’ensemble des fractures et de 16 % de celles des fractures de hanche, ces résultats devant être considérés avec prudence du fait du risque de biais souvent important dans les travaux pris en compte. Ce bénéfice est surtout notable pour les sujets âgés vivant en institution, chez qui des variations importantes du taux de VitD avaient été constatés, avant et sous traitement.

A ce jour, les résultats de 7 larges RCT, incluant 62 857 participants, sont en attente, visant à préciser les effets de fortes doses de Vit D sur le risque fracturaire, cibler les individus les plus fragiles ou à haut risque d’hypovitaminose D. La méta analyse ici présentée pêche par l’hétérogénéité notable tant dans les études observationnelles que dans les méthodes de dosage de la Vit D, mal standardisées. Des biais ont été possibles dans les RCT individuels ; enfin l’impact de la supplémentation vitamino calcique selon le sexe n’a pas été abordé.

En conclusion, à ce jour, le bénéfice du seul apport de Vit D sur la prévention des fractures n’est pas démontré. Des essais sont en cours et d’autres à venir pour quantifier l’efficacité de fortes doses journalières de Vit D, couplées à du Calcium chez des individus à haut risque fracturaire.

Dr Pierre Margent

RÉFÉRENCE : Pang Yao et coll. : Vitamine D and Calcium for the Prevention of Fracture. A systematic review and meta analyse. JAMA Network Open. 2019, 2(12) :e 1917789.

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De la prévention primaire des fractures avec du calcium et de la vitamine D