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Actualités & Opinions > Actualités Medscape > Journées de l’Hypertension Artérielle (JHTA) 2018

Marine Cygler 20 décembre 2018

Paris, France – A l’occasion des 38èmes Journées de l’Hypertension Artériellequi se sont déroulées à Paris les 13 et 14 décembre 2018, la Société Française d’Hypertension Artérielle (SFHTA) a présenté de nouvelles recommandations intitulées « HTA, hormones et femme » [1].

Pourquoi ce nouveau texte alors que la période de la grossesse avait déjà fait l’objet d’un consensus d’experts en décembre 2015 ?

En raison des spécificités de la femme concernant le risque d’HTA à d’autres moments de sa vie.

https://img.medscapestatic.com/fr/person/3603912-Vehier.jpg?interpolation=lanczos-none&resize=120:* Pr Claire Mounier-Véhier

« Notre groupe de travail s’est concentré sur deux phases clefs, la contraception et la ménopause », a expliqué le Pr Claire Mounier-Véhier, Présidente de la Société Française de Cardiologie, lors de la présentation des recommandations. Mais, le nouveau texte a aussi vocation à améliorer le dépistage et le traitement de l’HTA chez les femmes alors que la situation s’est fortement dégradée pour la population féminine depuis 2006, d’après les données de l’étude ESTEBAN.

« L’hypertension artérielle est moins bien dépistée et moins contrôlée chez la femme, notamment à l’approche de la ménopause, alors qu’il s’agit d’une porte d’entrée majeure dans le risque cardiovasculaire », a rappelé la Fédération Française de cardiologie dans un communiqué annonçant la parution des nouvelles recommandations [2].

D’un point de vue méthodologique, les recommandations, issues d’un consensus d’experts de différentes sociétés savantes*, ont été élaborées à partir des études de grande envergure, des revues systématiques et méta-analyses et des recommandations nationales et internationales publiées jusqu’en juin 2018. Elles sont consultables et téléchargeables sur le site de la SFHTA.

L’HTA est moins bien dépistée et moins contrôlée chez la femme, notamment à l’approche de la ménopause, alors qu’il s’agit d’une porte d’entrée majeure dans le risque cardiovasculaireFFC

HTA, risque cardiovasculaire et hygiène de vie

Les premières recommandations insistent sur l’importance du dépistage systématique de l’HTA à chaque consultation, en particulier lors de la prescription d’une contraception hormonale ou d’un THM.

L’HTA en consultation est définie par une pression artérielle ≥140/90 mmHg. 

En cas d’HTA légère à modérée dépistée en consultation (PAS comprise entre 140 et 179 mm Hg et/ou PAD comprise entre 90 et 109 mm Hg), il est recommandé de confirmer l’HTA par des mesures en dehors du cabinet médical soit par automesure tensionnelle (AMT), soit pas mesure ambulatoire de pression artérielle (MAPA) sur 24 heures.

Chez la femme hypertendue, le groupe d’experts préconise d’évaluer le risque CV en prenant compte des différents facteurs de risque, notamment les antécédents de migraine avec aura, d’HTA au cours d’une grossesse. Il est suggéré de dépister un syndrome d’apnée du sommeil devant des signes cliniques évocateurs à l’interrogatoire.

 « Cette stratification du risque cardiovasculaire en tenant compte des spécificités de l’HTA chez la femme est nouvelle et résulte d’un accord professionnel », a rappelé Claire Mounier-Véhier lors de sa présentation orale.

« Le tabac est le premier facteur de risque d’infarctus du myocarde chez les femmes de moins de 50 ans », a-t-elle insisté. Promouvoir une bonne hygiène de vie fait l’objet d’une recommandation, la troisième à part entière, d’autant que, d’après une étude publiée dans le Lancet en 2004, les conseils des médecins sont plus efficaces chez les femmes. « On a intérêt à les travailler au corps dès qu’elles sont toutes petites, quand elles sont à l’école ».

Spécificités du traitement

Les experts indiquent qu’il n’existe pas de différence d’effet des antihypertenseurs selon le sexe et conseillent de moduler les traitements en fonction de certaines situations fréquentes listées ci-dessous :

-Femmes ménopausées à haut risque de fractures ostéoporotiques : diurétiques thiazidiques en première intention.

-Femmes hypertendues migraineuses : bétabloquant, notamment le métoprolol ou le propranolol, en première intention. Candésartan en deuxième intention en cas de contre-indication ou d’inefficacité au bétabloquant.

-Femmes hypertendues avec SOPK : spironolactone en première intention.

-Femmes hypertendues qui souffrent de mastodynies ou de métrorragies : envisager une alternative à la spironolactone.

-Femmes avec antécédent de cancer du sein et de l’endomètre : par principe de précaution, substituer la spironolactone par un autre anti-hypertenseur en l’absence de d’indication spécifique.

HTA et contraception hormonale

La contraception estroprogestative (comprimé, patch ou anneau vaginal) n’est pas recommandée chez une femme hypertendue, que son HTA soit contrôlée ou pas.

En revanche, il est recommandé de proposer à une femme hypertendue n’ayant pas de désir de grossesse une contraception efficace microprogestative ou un dispositif intra-utérin au cuivre.

HTA, ménopause et TMH

Chez la femme hypertendue ménopausée, il est recommandé de renseigner l’ancienneté de la ménopause (<10 ans), de prendre en compte sa précocité (<40 ans) et l’existence ou non de symptômes climatériques.

Il est également recommandé de rechercher les symptômes suspects de la maladie coronaire devant conduire à un dépistage ciblé par le cardiologue.

Enfin, il est recommandé de dépister l’artériopathie des membres inférieurs. Une attention particulière sera portée aux femmes fumeuses ou diabétiques.

Après la ménopause, le risque d’HTA chez la femme augmente, rejoint rapidement celui de l’homme et le dépasse à partir de 70 ans.

« Vous devez vous intéresser à la ménopause de vos patientes, c’est important, vous leur rendez service » C’est ainsi que Claire Mounier-Véhier a interpelé l’assistance de cardiologues pour introduire les cinq recommandations sur le TMH.

Si la femme hypertendue ménopausée ne présente pas de symptômes climatériques, il n’est pas recommandé d’initier un THM.

Vous devez vous intéresser à la ménopause de vos patientes, c’est important, vous leur rendez service Pr Claire Mounier-Véhier

En revanche, en présence de ces symptômes, le médecin généraliste ou le gynécologue devra envisager l’opportunité d’initier un THM au cas par cas. Il devra vérifier les contre-indications gynécologiques et CV. Le risque CV s’évalue en prenant en compte l’âge de la patiente, l’ancienneté de la ménopause, l’absence de contrôle tensionnel et un niveau de risque CV élevé ou très élevé. En cas de risque CV élevé ou très élevé, la prescription d’un THM n’est pas recommandée.

Il n’est pas non plus recommandé de prescrire un THM chez une femme hypertendue de plus de 60 ans et dont la ménopause date de plus de 10 ans, quel que soit le risque CV.

En cas de prescription d’un THM à une femme hypertendue de plus de 60 ans dont la ménopause date de moins de 10 ans, une consultation annuelle dédiée permettra d’évaluer les bénéfices du THM ainsi que les risques CV.

En cas de symptômes climatériques et sans possibilité d’initier un THM selon les critères exposés ci-dessus, la prescription d’un traitement non hormonal du symptôme climatérique sera discutée avec la patiente à qui il faudra toutefois déconseiller le recours aux phyto-oestrogènes. « Il est important d’expliquer aux patientes les effets CV des phyto-oestrogènes qu’elles ne connaissent pas », a expliqué Claire Mounier-Véhier.

Pour conclure, le groupe d’experts recommande « de mettre en place le plus précocement possible un parcours de soins coordonné entre le médecin généraliste, le gynécologue et le médecin cardiovasculaire pour optimiser la prise en charge globale et le suivi de la femme hypertendue. »

Il est important d’expliquer aux patientes les effets CV des phyto-œstrogènes qu’elles ne connaissent pas Pr Mounier-Véhier

* Avec le partenariat

du Collège des Enseignants de Gynécologie Médicale (CEGM),

du Collège des Enseignants de Médecine Vasculaire (CEMV),

du Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français (CNGOF),

de la Fédération Nationale des Collèges de Gynécologie Médicale (FNCGM),

du Groupe d’Étude sur la Ménopause et le vieillissement Hormonal (GEMVI),

de la Société Française d’Endocrinologie (SFE),

de la Société Française de Médecine Vasculaire (SFMV),

de la Société Francophone de Néphrologie Dialyse et Transplantation (SFNDT).

Liens d’intérêt

Les signataires de ce document indiquent avoir des liens d’intérêt avec des industriels qui commercialisent des produits de santé. Ils déclarent avoir réalisé ces recommandations en toute indépendance. La base de données publique Transparence – Santé rend accessible l’ensemble des informations déclarées par les entreprises sur les liens d’intérêts qu’elles entretiennent avec les acteurs du secteur de la santé.

Liens

Références : Actualités Medscape © 2018 

Citer cet article: Hypertension, hormones et femmes : les nouvelles recommandations de la SFHTA – Medscape – 20 déc 2018.