mardi 20 avril 2021
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Dr Philippe Sosner, Dr Benoît Lequeux – AUTEURS ET DÉCLARATIONS – 15 avril 2021
COLLABORATION EDITORIALE MEDSCAPE &
HTA : 3 types d’activité physique pour 3 types de patients ? (medscape.com)
Un nouveau consensus sur l’activité physique chez les patients avec une hypertension artérielle ou pré-hypertension vient d’être publié par le European Association of Preventive Cardiology (EAPC) et le ESC Council on Hypertension. [1]
Trois types d’exercices sont conseillés pour trois catégories de patients. Comment mettre en pratique ces « recommandations » ?
Le point avec Philippe Sosner et Benoît Lequeux, du Club des Jeunes Hypertensiologues.
TRANSCRIPTION
Benoît Lequeux — Bonjour, je suis le Dr Benoît Lequeux, membre du CjH (Club des jeunes Hypertensiologues) et dans le cadre de notre partenariat avec Medscape nous allons parler du consensus sur la pratique de l’activité physique chez le patient hypertendu[1] avec le Dr Philippe Sosner, responsable et directeur médical de Mon Stade.
L’hypertension est un problème majeur de santé publique : elle représente un quart des causes d’infarctus. D’ici 2025, plus de 60 % de la population mondiale sera hypertendue.
On sait que l’activité sportive est très importante chez ces patients : pratiquer un sport permet d’avoir une action sur l’hypertension artérielle.
Récemment, un consensus a été publié [1] (il ne s’agit pas de recommandations, mais bien d’un consensus de l’association européenne de cardiologie préventive) dans lequel sont identifiées 3 catégories de patients :
1) les hypertendus – TA élevée : 140/90 mm Hg
2) les préhypertendus – TA normale à élevée 130-139/85-89 mm Hg
3) les normotendus mais à risque (gravidique, hérédité etc.): TA 130/84 mm Hg].
Philippe, que doit-on recommander à ces patients ?
Philippe Sosner — Effectivement, ce papier est intéressant parce qu’il s’agit bien d’un consensus, c’est une belle revue de littérature où sont distinguées des catégories d’hypertendus ou de préhypertendus selon le niveau de pression artérielle clinique — c’est-à-dire que le médecin mesure au cabinet, pas en automesure, ni en mesure sur 24 heures ― c’est un élément important.
Quels types d’activité peuvent être recommandés?
On distingue trois types d’exercice physique :
- l’endurance aérobie — vélo, course à pied, natation
- la résistance isométrique — hand grip, position de la chaise, pilates, etc.
- résistance dynamique — musculation, qui peut se faire sur machine ou à poids de corps, c.-à-d. en résistance concentrique avec un mouvement.
Que dit le consensus ?
- Pour les personnes qui ont de l’hypertension artérielle, on obtient le gain le plus important en termes de baisse de pression artérielle clinique avec l’exercice en endurance aérobie — vélo, course à pied, [natation].
- Pour les personnes préhypertendues (130 et 139 mm Hg), ce seront plutôt des exercices en résistance concentrique, donc avec de la musculation à poids de corps [squats, pompes] ou sur machine.
- Et pour les normotendus, ce seront plutôt des exercices de résistance isométrique.
Mais ce n’est pas pour autant que l’ensemble de ces trois catégories n’apportent pas un bénéfice pour le patient, quel que soit son niveau tensionnel.
Ceci est important à retenir. Sinon, à mon sens, cela paraît plutôt réducteur et mal habile en pratique…
Quelle est la pertinence clinique de dire « mon patient est classé par une mesure au cabinet médical dans telle catégorie, donc c’est telle activité physique que je vais lui proposer » ?
C’est un peu réducteur quand on sait comment varie cette mesure de pression artérielle clinique et aussi parce que l’ensemble de ces activités apporte un bénéfice, certes d’un degré variable, mais quand même.
Pour quelqu’un qui a une hypertension artérielle ou une préhypertension, ce qui va compter, c’est d’apporter un bénéfice non pas à court terme, encore moins à moyen terme, mais vraiment à plus long terme.
Et cela veut dire qu’il faut se positionner non pas sur une activité physique cible, mais voir avec le patient ce qu’il serait en mesure de faire, et de faire quelque chose qui lui plaise, qui s’inscrive dans sa vie quotidienne, dans son cadre de référence, et surtout qu’il va pouvoir pérenniser dans le temps.
On sait que quelqu’un qui n’aime pas, par exemple, aller à la piscine, si on lui dit d’aller nager, il va le faire pendant trois mois, et après il arrêtera. On ne va pas proposer la course à pied à quelqu’un qui n’aime pas courir, même chose pour le vélo…
Ensuite, il faut reconnaître que quand on s’inscrit dans une démarche plutôt routinière et qu’on fait toujours la même chose, on peut là aussi s’épuiser ou perdre de l’intérêt.
Donc il va falloir varier. C’est simple, puisque chacune de ces trois modalités apporte un bénéfice et ceci, encore une fois — certes, à des degrés moindres —, mais quel que soit le niveau tensionnel de départ.
On va alors pouvoir proposer un entraînement varié. C’est-à-dire associer à la fois des sorties en vélo ou en vélo stationnaire à domicile, puis avec du renforcement musculaire, qui peut se faire, là aussi, à poids de corps, à domicile ou bien dans une salle de sport.
Benoît Lequeux — Donc tu vas vraiment personnaliser, tu l’expliques très bien.
Et en fait, c’est vrai que la troisième catégorie de patients ― ceux à pression normale clinique mais qui ont des profils un peu particuliers, à savoir des femmes qui ont eu des hypertensions gravidiques ou des patients avec des antécédents familiaux avec de l’hérédité sur l’hypertension ― doivent se voir proposer ce type d’activité.
Fréquence de l’activité physique
Benoît Lequeux — On parle beaucoup de faire du sport et on a des interrogations sur les intervalles. Trois fois par semaine ? Une fois par semaine… ? Par rapport à ce consensus, que peux-tu conseiller sur la pratique et la régularité de cette pratique ?
L’activité physique est un médicament à libération prolongée. Dr Philippe Sosner
Philippe Sosner — J’ai plutôt tendance à considérer que l’activité physique est un médicament à libération prolongée.
C’est-à-dire qu’effectivement, il faut un intervalle avec une prise régulière.
Avec un effet qui va se prolonger — cela a été étudié en MAPA de 24 heures, même jusqu’aux 72 heures.
Trois prises par semaine, c’est l’idéal.
Maintenant, ce n’est pas pour autant que deux fois par semaine n’apporte pas un bénéfice.
Et une fois par semaine permet de mettre le pied à l’étrier et de commencer à amorcer les choses.
On ne va pas aller tout d’un coup à un rythme de trois fois par semaine, il faut y aller progressivement.
On va commencer une fois par semaine, ensuite deux, éventuellement trois.
Cela ne veut pas dire non plus des séances trop prolongées.
On peut commencer avec des séances de quelques minutes, puis d’une demi-heure, une fois par semaine, puis deux et trois fois.
Et dans l’idéal, ce sera effectivement trois fois par semaine.
Dans l’idéal, ce sera trois fois par semaine. Dr Philippe Sosner
Pour revenir sur la problématique des femmes enceintes, en tout cas des hypertensions artérielles gravidiques et également des personnes aux antécédents familiaux d’hypertension artérielle, on a des éléments communs qui sont tout simplement une certaine forme de raréfaction capillaire, un peu moins de vaisseaux, et effectivement ce sont des personnes à niveau tensionnel égal qui ont des antécédents dans la famille d’hypertension, qui ont déjà ces anomalies « de structure ».
L’activité physique est vraiment quelque chose qui va stimuler, améliorer cette angiogenèse, cette densité capillaire. On est vraiment sur un antidote qui va être intéressant.
L’activité physique va améliorer l’angiogenèse. Dr Philippe Sosner
Enfin, pour préciser par rapport aux médicaments, pour peu que ce « traitement non médicamenteux » soit délivré sur une posologie idéale (donc progressivement, jusqu’à trois fois par semaine, et surtout se pérennisant dans le temps), on aura véritablement l’effet équivalent à une molécule antihypertensive, à un traitement antihypertenseur.
Il y a une analyse assez récente qui a été réalisée en poolant l’effet de chacune des classes de médicaments antihypertenseurs ― et ils ont aussi mis l’activité physique.
Celle-ci fait aussi bien que certaines monothérapies. [2]
Ce n’est pas l’effet le plus puissant par rapport à certains antihypertenseurs ou certaines classes, certes, mais cela a un véritable effet.
Du coup, quelle est la problématique ?
Cela va être de maintenir dans le temps. On est vraiment encore dans l’analyse.
On sait que cela apporte un bénéfice en termes de santé, mais il va falloir faire des études qui permettent de voir, en termes de comportement, quels sont véritablement les freins et les leviers, surtout actionnables, à cette pratique régulière ; puisque dans l’idéal il va falloir améliorer l’observance, surtout dans la durée.
L’activité physique fait aussi bien que certaines monothérapies antihypertensives. Dr Philippe Sosner
L’exercice en période de COVID
Benoît Lequeux — Nous sommes dans la période COVID et la pratique d’activité physique durant la pandémie devient très compliquée.
Le Pr François Carré est intervenu au Sénat pour rappeler que la sédentarité liée au COVID était un problème majeur.
Que peux-tu conseiller aux patients par rapport, justement, à ce contexte de crise sanitaire ?
On a des moyens de faire une activité sans avoir de choses compliquées…
Philippe Sosner — Je pense que pour nos patients hypertendus, il faut une prise en charge avec une évaluation régulière de cette pratique d’activité physique.
C’est-à-dire qu’à nos consultations, on va devoir s’y intéresser et les interroger là-dessus.
Et cela veut dire que, tenant compte des contraintes de la pandémie et des contraintes sanitaires, il faut effectivement échanger sur les possibilités et comment adapter les choses.
Par exemple on peut aider les patients en les orientant vers une activité physique en extérieur quand c’est possible, celles permises actuellement, telles que le vélo ou la course à pied ; jusqu’à six personnes maximums à l’extérieur.
Mais surtout — point important aussi — des établissements sont ouverts et accessibles pour l’activité physique sur prescription, c’est-à-dire qu’il ne faut pas hésiter à prendre l’ordonnance et à écrire dessus « activité physique adaptée, APA », c’est vraiment le terme générique de cette pratique et la personne peut aller dans une salle de sport ou dans un centre médico-sportif ou parfois des bassins (certaines piscines sont ouvertes, ou des associations donnent cet accès pour peu que la personne ait une ordonnance).
Donc surtout, n’hésitez pas, rédigez cette ordonnance.
Il ne faut pas hésiter à rédiger une ordonnance en inscrivant activité physique adaptée, APA. Dr Philippe Sosner
Benoît Lequeux — Très bien, merci Philippe pour ces éclaircissements sur ce consensus.
Merci d’avoir participé à cette interview et merci à Medscape. À bientôt !
LIENS
- Cardiologie du sport : points forts et points faibles des recommandations ESC
- Hypertension artérielle: quelle activité physique prescrire?
- Dossier – Activité physique : le nouveau médicament
Références
- Hanssen H, Boardman H, Deiseroth A, et al. Personalized exercise prescription in the prevention and treatment of arterial hypertension: a Consensus Document from the European Association of Preventive Cardiology (EAPC) and the ESC Council on Hypertension. Eur J Prev Cardiol. 2021. Doi :10.1093/eurjpc/zwaa141. https://doi.org/10.1093/eurjpc/zwaa141
- Noone C, Leahy J, Morrissey EC, et al. Comparative efficacy of exercise and anti-hypertensive pharmacological interventions in reducing blood pressure in people with hypertension: A network meta-analysis. European Journal of Preventive Cardiology. 2019;27:247-55. PMID: 31615283 DOI: 10.1177/2047487319879786
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Citer cet article: HTA : 3 types d’activité physique pour 3 types de patients ? – Medscape – 15 avr 2021.