Sous les falaises de Lagos, les manches d’environ trente minutes s’enchaînent à raison de quatre par jour. | J. RENEDO/SAILING ENERGY/GC32
Didier Ravon. Modifié le 01/07/2019
Le championnat du monde des GC32, catamarans de 9,75 m volants mais sans aile, s’est achevé hier dimanche à Lagos, au Portugal, par la victoire incontestable des Suisses d’Alinghi, à l’issue de 18 manches incroyablement disputées dans toutes les conditions par la crème de la voile internationale. Norauto, mené par Franck Cammas, manque le podium d’un point après avoir dû s’arrêter net pour éviter un concurrent passé par-dessus bord dans l’avant dernière manche. Frustrant !
« Si t’as pas gagné la Coupe de l’America, la Volvo Ocean Race, la Route du Rhum, les Jeux olympiques ou une pléthore de titres mondiaux sur tout type de support de 4 à 25 mètres… tu n’as rien à faire en GC 32 ! » pourrait être la devise à Lagos, un plan d’eau à une dizaine de milles dans le Nord-Est du cap Saint-Vincent, réputé pour ses brises de terre erratiques mais aussi son thermique costaud. À regarder d’un peu près le casting sur les dix bateaux de sept nations disputer ce championnat du monde, les palmarès dont pourraient rêver tout régatier de 7 à 77 ans, s’empilent comme des Lego.
Abattée musclée pour Eeneos et son équipage cumulant huit médailles olympiques ! | J. RENEDO/SAILING ENERGY/GC32
Des palmarès inouïs
Prenons par exemple le catamaran anglais Eneos Rebels UK mené par Ben Ainslie, troisième de ce championnat du monde. Assisté à la tactique de son compatriote Giles Scott et aux réglages de l’Australien Iain Jensen, il cumule huit médailles olympiques – six d’or et deux d’argent en Finn, Laser et 49er !
À bord du GC32 Tim Tilt tenant du titre, Sébastien Schneiter, qui prépare actuellement les JO de Tokyo en 49er, a débauché Glenn Ashby, dernier skipper vainqueur de la Coupe de l’America et dix fois champion du monde de Class A. Toujours aussi détendu, l’Australien qui prépare la 36e édition toujours avec Team New Zealand est ravi de faire cette pige : « la dernière compétition à laquelle j’ai participé était le mondial Class A chez moi dans le Queensland en novembre dernier. Mes mains de bureaucrate doivent se réhabituer à tirer sur les écoutes ! » Il oublie juste de préciser qu’il a survolé ce mondial de Class A, remportant six des neufs manches… devant 68 concurrents, dont le Kiwi Peter Burling, considéré aujourd’hui comme le meilleur barreur de la planète.
Des Frenchies très courtisés
Manifestement, les régatiers français sont bien cotés à bord du monotype conçu par l’architecte Martin Fisher et équipé de foils et de voiles « molles ». Nicolas Charbonnier, médaillé de bronze en 470 à Quingdao en 2008, assure depuis plusieurs saisons avec le brio qu’on lui connaît, la tactique sur Alinghi en compagnie des Suisses Ernesto Bertarelli (armateur) et Arnaud Psarofagis (barreur), où l’on retrouve aussi le Réunionnais Timothé Lapauw, pur produit de la filière « Jeunes » mise en place notamment par la FFVoile et Team France.
Vainqueur du circuit en 2016 et 2018, Norauto (Franck Cammas) lancé à plus de 30 nœuds. | J. RENEDO/SAILING ENERGY/GC32
Sébastien Col, ancien de la Coupe de l’America, aujourd’hui manager sportif du team Macif aux côtés de François Gabart, est venu prêter main forte à l’Américain Jason Carrol sur Argo, l’un des deux GC32 « amateurs » avec Zoulou du Français Erick Maris, qui lui a fait son marché en partie chez l’équipage de Groupama Team France (Coupe de l’America 2017) en embauchant Thierry Fouchier, Thomas Le Breton, Nicolas Heintz et enfin Bruno Mourniac.
Très facile de perdre neuf places d’un coup
Quant à Norauto, mené par l’inévitable Franck Cammas ayant lâché pour quelques jours la barre de Gitana 17, il a à son bord les fidèles Matthieu Vandame, Olivier Herledant, Arnaud Jarlegan plus comme numéro un l’Anglais Richard Mason.
Intouchable, Alinghi parfaitement « tactiqué » par Nicolas Charbonnier, remporte ce championnat du monde. | J. RENEDO/SAILING ENERGY/GC32
Vainqueur du circuit mondial en 2016 et 2018, Franck Cammas termine 4e, un petit point derrière « Sir » Ben Ainslie après une ultime manche remportée de haute lutte face à l’Anglais, et dans un dernier bord de folie à 30 nœuds (interview à venir). Mais comme le dit l’Autrichien Roman Hagara, double champion olympique en Tornado et 7e à la barre de Red Bull Sailing Team : « en GC32, c’est tellement serré qu’il est très facile de perdre neuf places d’un coup si tu manques ton flying gybe ou passe à travers d’une ado. Le niveau est juste incroyable, et les bateaux sont quand même volages. » Et à regarder le classement final, aucun des cinq premiers n’a pas pris au moins une « bâche » !
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Les Suisses intouchables
Impressionnants, les Suisses ont dominé ce championnat du monde avec une aisance parfois insolente. Explications de Nicolas Charbonnier, le tacticien du bateau vainqueur : « c’était un championnat délicat, mais nous avons une telle expérience du petit temps sur le lac Léman que par rapport à nos adversaires, nous avons énormément régaté dans les vents très légers. Et comme on adore aussi la brise, et sommes à l’aise en manœuvres, ça été un vrai régal ! » À l’issue de 18 régates s’enfilant comme des perles, et où comme lors de la Gold Cup en Dragon, il n’existe pas de « discard » (la plus mauvaise manche à éliminer), la régularité d’Alinghi a payé, les Suisses étant sacrés avant même les deux dernières régates.
L’équipage victorieux : les Suisses d’Alinghi. | J. RENEDO/SAILING ENERGY/GC32
Classement :
1er : Alinghi (Sui)
2ème : Team Tilt (Sui)
3ème : Inesos Rebells UK (GB)
4ème : Norauto (Fra)
5ème : Oman Air (Oma)
6ème : Argo (USA)
7ème : Red Bull Sailing Team (Aut)
8ème : Zoulou (Fra)