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Marine Cygler AUTEURS ET DÉCLARATIONS  2 avril 2021

Virtuel – Les hommes et les femmes ne sont pas égaux face au diabète de type 2.

Prendre en compte le sexe permettrait certainement d’améliorer la prévention et la prise en charge des patients.

Le congrès de la Société francophone du diabète (SFD) a été l’occasion d’aborder cette question du genre et du sexe, le Pr Pierre Gourdy (endocrinologue, CHU Toulouse) a détaillé les mécanismes en jeu et le rôle prépondérant des hormones sexuelles [1].

Diverses études épidémiologiques mettent en évidence de façon claire la prédominance masculine dans le diabète. Selon les chiffres de l’équipe du Dr Sonsoles Fuentes (épidémiologiste, Santé Publique France), la prévalence du diabète au-delà de 45 ans est d’environ 12 % chez les hommes, contre 8 % chez les femmes.

Une question de sexe et de genre

Comment expliquer les différences entre hommes et femmes vis-à-vis du risque de développer du diabète de type 2 ? Il faut envisager à la fois le sexe et le genre.

Le Pr Gourdy rappelle que « l’influence du sexe se réfère à l’ensemble des éléments biologiques parmi lesquels on trouve les chromosomes sexuels et les hormones sexuelles, qui jouent un rôle tout particulier dans le métabolisme du glucide ».

Le sexe a une influence sur la composition corporelle, la répartition de la masse grasse et de la masse maigre, en particulier musculaire.

Le genre, lui, se réfère aux aspects sociétaux et comportementaux qui forgent l’identité, féminine ou masculine.

Il y a donc des comportements assignés à un genre qui peuvent influencer la survenue d’une maladie.

Par exemple, la consommation d’alcool : l’exposition à ce facteur de risque est différente si l’on est une femme ou un homme car boire de l’alcool n’est pas perçu de la même manière selon le genre.

De même, les standards pondéraux varient selon les cultures et selon le genre.

Une balance énergétique en faveur des femmes avant la ménopause

Si hommes et femmes ne sont pas égaux face au risque de développer un diabète de type 2, cela dépend en grande partie de la balance énergétique [2].

De fait, le sexe a une influence sur la régulation et le maintien de l’homéostasie glucidique.

« Oestrogènes et androgènes sont des acteurs reconnus de l’homéostasie glucidique qui elle-même influence la sensibilité à l’insuline et l’insulinosecrétion », indique Pierre Gourdy.

Avant de poursuivre « chez les deux sexes, la balance entre les deux hormones stéroïdes sexuelles est importante pour le maintien de cette homéostasie ».

Oestrogènes et androgènes sont des acteurs reconnus de l’homéostasie glucidique. Pr Pierre Gourdy

Des différences sont, par ailleurs, constatées en matière de risque de complications.

Si l’on sait que le diabète augmente le risque de présenter un événement cardiovasculaire (infarctus du myocarde ou accident vasculaire cérébral) dans les deux sexes, cet impact est plus marqué chez les femmes (risque multiplié par 3) que chez les hommes (multiplication par 2)[3].

Le problème de la carence oestrogénique

Quels sont les effets des oestrogènes, les hormones sexuelles prédominantes chez les femmes ?

La carence oestrogénique, qui survient à partir de la ménopause, est favorable à l’apparition du diabète de type 2.

« Le déficit en oestrogènes conduit aux traits physiopathologiques du diabète de type deux avec le surpoids et l’adiposité viscérale.

Il favorise aussi l’insulinorésistance et l’installation d’une inflammation à bas grade », explique l’endocrinologue.

Les oestrogènes ont également une action sur le pancréas endocrine si bien qu’en situation de carence oestrogénique les capacités de sécrétion d’insuline sont altérées.

Si la carence oestrogénique liée à la ménopause engendre un surrisque de diabète, la mise en place d’un traitement hormonal de la ménopause (THM) permet de diminuer l’incidence du diabète de type 2[4].

« Chez les femmes à risque de diabète de type 2, il me semble intéressant d’accompagner l’entrée dans la phase ménopausique au moins quelques années pour éviter des modifications trop brutales et délétères sur le plan métabolique, en particulier le remodelage de la composition corporelle et l’adiposité », considère Pierre Gourdy qui imagine que le THM pourrait connaître un regain d’intérêt avec l’arrivée attendue de nouveaux modes d’administration.

Il conseille une administration transcutanée avec une vigilance indispensable sur le risque CV.

Un traitement hormonal pour homme ?

Chez l’homme, une carence en androgènes est aussi favorable à la survenue d’un diabète de type 2.

Un déficit modéré en androgène favorise le remodelage de la composition corporelle avec l’augmentation de l’adiposité, l’installation d’une insulinorésistance et une moindre capacité de secrétion d’insuline.

« Des valeurs à la limite basse de testostérone sont retrouvées fréquemment chez des patients avec une obésité associées ou non au diabète de type 2 », fait remarquer le Pr Gourdy.

Publiée récemment, une étude australienne de grande envergure [5] démontre la pertinence d’une substitution hormonale.

A la suite d’une grande campagne de dépistage sur plusieurs milliers de patients, un traitement hormonal a été proposé à ceux présentant un prédiabète ou un diabète nouvellement diagnostiqué ayant aussi une valeur basse de testostérone.

A l’issue d’un suivi de près de deux ans, les auteurs indiquent que la supplémentation hormonale a un impact favorable sur l’évolution du prédiabète vers le diabète mais aussi sur la tolérance au glucose et sur le contrôle glycémique chez les patients nouvellement diagnostiqués (baisse de 42% de ce critère combiné).

« On constate en effet un impact très favorable sur le métabolisme glucidique chez ces patients à risque », commente le Pr Gourdy.

En conclusion, l’orateur a souligné que « mieux connaitre ces différences liées au sexe permet certainement de voir de manière différente les approches de prévention ou de prise en charge du diabète chez les hommes et les femmes. C’est un premier pas vers l’individualisation de nos pratiques ».

Liens :

Diabète : traiter les hommes et les femmes différemment ?

Rôle protecteur des hormones sexuelles dans le diabète

1Références
  1. Conférence de presse. congrès SFD. 23-26 mars 2021
  2. Tramunt B et al ; Sex differences in metabolic regulation and diabetes susceptibility. Diabetologia. 2020 Mar;63(3):453-461. doi: 10.1007/s00125-019-05040-3
  3. S.A. Peters, Diabetologia 2014
  4. Lauzon-Guillain B et al. Menopausal hormone therapy and new-onset diabetes in the French Etude Epidemiologique de Femmes de la Mutuelle Générale de l’Education nationale (E3N) cohort. Diabetologia 2009; 52: 2092-100
  5. Wittert G, et al ; Testosterone treatment to prevent or revert type 2 diabetes in men enrolled in a lifestyle programme (T4DM): a randomised, double-blind, placebo-controlled, 2-year, phase 3b trial. Lancet Diabetes Endocrinol. 2021 Jan;9(1):32-45. doi: 10.1016/S2213-8587(20)30367-3

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Citer cet article: Femmes et hommes ne sont pas égaux face au diabète – Medscape – 2 avr 2021.