https://www.jim.fr/e-docs/00/02/BD/A7/carac_photo_1.jpg Publié le 26/09/2019

Faut-il imposer aux femmes enceintes de dormir sur le côté gauche ?

Savent-elles exactement dans quelle position elles dorment ?

Ne risquons-nous pas en cas de complication de la grossesse de les culpabiliser inutilement en leur demandant, a posteriori, quelle était cette position ?

Ce sont les interrogations que soulève une étude récente menée aux États-Unis.

Cette étude observationnelle prospective et multicentrique concernait uniquement des nullipares et des grossesses uniques. Entre octobre 2010 et mai 2014, plus de 8 000 femmes ont répondu à un questionnaire concernant leur façon de dormir : « sur le côté gauche », « sur le côté droit », « sur le dos », « sur le ventre ». Ce questionnaire leur a été soumis lors de deux consultations, l’une en début de grossesse (entre 6 et 14 semaines) et l’autre en milieu de grossesse (entre 22 et 30 SA). 3 700 d’entre-elles ont, de plus, bénéficié d’un enregistrement de leur sommeil (Embletta Gold) qui précisait leur position : « majoritairement sur le dos » ou « non ».

Il n’y a pas d’association retrouvée entre les complications de la grossesse et la position pendant le sommeil

Au total, 22 % des femmes enceintes de l’étude ont présenté une complication de leur grossesse telle qu’une HTA gravidique, un RCIU, ou un enfant mort à la naissance (18 cas). Aucune association n’a pu être établie entre le fait de ne pas dormir sur le côté gauche (selon leur déclaration), ou de dormir sur le dos (selon l’enregistrement) avec ces complications de leurs grossesses.

Ces résultats viennent contredire plusieurs études antérieures, qui évaluaient un risque attribuable d’environ 10 % de mort à la naissance au fait de ne pas dormir sur le côté. Ces études cas-témoins étaient pour la plupart rétrospectives. Mais quand on demande à une femme, qui a accouché d’un enfant mort à la naissance, comment elle dormait, il peut y avoir un biais important dans sa réponse, la plupart des femmes ayant entendu dire qu’il ne fallait pas dormir sur le dos. De plus cette étude montre qu’il y a une faible corrélation entre les déclarations des femmes et les résultats des enregistrements durant le sommeil.

Pas de recommandation sûre…ni vraiment réalisable

Le fait de dormir sur le dos est soupçonné de comprimer la veine cave et l’aorte, et potentiellement de diminuer le retour veineux et le flux placentaire. Des études ont montré que le fait de dormir sur le dos ou sur le côté droit, plutôt que sur le côté gauche, pouvait diminuer l’éjection cardiaque, induire une hypotension maternelle et réduire l’oxygénation du fœtus. Il se peut aussi que le fait de dormir sur le dos accentue les troubles respiratoires du sommeil, eux aussi pourvoyeurs de perturbations vasculaires chez la femme enceinte.

En tant que facteur de risque modifiable, la position dans laquelle dorment les femmes enceintes est un thème de santé publique intéressant. Encore faudrait-il que la recommandation soit sûre, réalisable, qu’elle ne soit pas pourvoyeuse de troubles du sommeil, les mouvements durant le sommeil n’étant pas vraiment contrôlables, et qu’elle n’augmente pas l’anxiété des femmes enceintes qui se réveillent… sur le dos.

Dr Catherine Vicariot

RÉFÉRENCE: Silver Robert M et coll. : Prospective Evaluation of Maternal Sleep Position Through 30 Weeks of Gestation and Adverse PregnancyOutcomes. Obstet Gynecol., 2019; 00: 1–10)DOI:10.1097/AOG.0000000000003458

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