Publié le 03/07/2021
Paris, le samedi 3 juillet 2021 – L’onde de choc provoqué par l’arrêt de la Cour de cassation dans l’affaire Sarah Halimi n’en finit pas d’avoir des répercussions politiques.
Faut-il réformer la politique en matière d’irresponsabilité pénale ?
Est-il urgent d’agir ou de ne pas agir ?
On se souvient que le 14 avril dernier, la Chambre Criminelle de la Cour de cassation avait rejeté le pourvoi qui avait été formé contre l’arrêt rendu par la chambre de l’instruction dans l’affaire Sarah Halimi.
Celui-ci avait conclu à l’irresponsabilité pénale de l’auteur des faits qui était, selon l’avis quasi-unanime des experts, atteint d’une abolition de son discernement après une prise de cannabis.
Guerre des rapports
En réaction à l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris dans l’affaire Halimi, rendu en décembre 2019, Nicole Belloubet, alors Garde des Sceaux avait demandé la création d’une commission chargée d’évaluer la façon dont la justice procède vis-à-vis des personnes irresponsables pénalement « sans remettre en cause le principe essentiel de notre État de droit selon lequel on ne juge pas les fous ».
Cette commission, composée de magistrats, de psychiatres, d’avocats et de membres de l’opposition en était arrivée à la conclusion que le statu quo était préférable, estimant que « l’exclusion du bénéfice de l’article 122-1 pour les actes commis suite à consommation de toxiques serait une disposition dont la radicalité aggraverait le risque de pénaliser la maladie mentale et constituerait une atteinte substantielle aux principes fondamentaux de notre droit pénal relatifs à l’élément intentionnel ».
Malgré ce rapport, le Ministre de la Justice Éric-Dupond Moretti a fait part de son intention de déposer un nouveau projet de loi, profitant notamment de la main tendue par la Cour de cassation qui avait souligné dans son communiqué de presse que la loi dans sa rédaction actuelle « ne prévoit pas de distinction selon l’origine du trouble psychique ».
Sans attendre le projet de loi, la commission des lois de l’Assemblée nationale a souhaité construire sa propre expertise sur ce sujet extrêmement sensible. Naïma Moutchou, députée La République en marche, et Antoine Savignat (Les Républicains), ont notamment été chargés d’une « mission d’information flash ».
L’exercice délicat de la modification d’un totem
Selon la députée du Val-d’Oise un consensus semble se dessiner pour ne pas toucher à l’article 122-1 du code pénal sur l’irresponsabilité pénale.
Mais les législateurs veulent dans le même temps proposer une modification du texte dans le sillage du communiqué de presse de la Haute juridiction.
Deux exceptions (ou précisions) sont proposées.
En premier lieu, les députés proposent qu’en cas d’un projet criminel préexistant, l’abolition du discernement résultant d’une intoxication volontaire dans le but de faciliter le passage à l’acte ne pourra pas être prise en compte. En pratique, les experts et juges opéreraient toutefois la distinction en refusant de parler d’abolition du discernement lorsque le crime résulte d’un projet longuement prémédité.
Atténuer les peines encourues dans ce contexte ?
La seconde exception à la reconnaissance de l’irresponsabilité pénale de l’auteur serait lorsque le crime n’est pas volontaire, mais précédé d’une intoxication volontaire susceptible de nuire à son libre arbitre.
Les députés proposent de créer une nouvelle infraction pour punir « le fait de s’intoxiquer délibérément et de commettre, dans un état de trouble mental ayant aboli temporairement le discernement du fait de l’intoxication, une atteinte à la vie ou à l’intégrité d’une personne ».
Une hypothèse qui pourrait concerner non seulement la consommation de drogue, mais aussi celle d’alcool ou de médicaments.
L’infraction serait punissable par des peines atténuées en comparaison avec celles encourues pour un homicide volontaire.
Un meurtre commis dans ces conditions ne serait pas passible des assises, mais de quinze ou vingt ans de réclusion, donc de la cour criminelle.
Une solution qui n’aurait pas évité pour autant la querelle d’experts dans l’affaire Halimi au sujet du lien de causalité entre l’état clinique de l’accusé, sa consommation de cannabis et la bouffée délirante ayant entrainé l’abolition du discernement.
Reste à savoir si cette proposition rejoindra les grandes lignes du projet de loi qui sera examiné en Conseil des Ministres en septembre prochain.
Charles Haroche
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Abolition ou altération ? L’irresponsabilité pénale en question dans l’affaire Sarah Halimi