Publié le 13/06/2019

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La parution de trois articles sur l’augmentation de l’incidence du cancer colorectal (CCR) chez les sujets européens de moins de 50 ans doit interpeler les sociétés savantes et la Haute Autorité de Santé (HAS) du bienfondé de la politique actuelle du dépistage de CCR à partir de la cinquantaine.

Une cohorte européenne

La première étude, publiée dans la revue Gut, a recueilli l’incidence du CCR chez les sujets entre 1990 et 2016, à partir de registres nationaux et régionaux sur le cancer (1).  Les données de 143,7 millions de personnes âgées de 20 à 49 ans ont été analysées dans 20 pays d’Europe*. (les données sur la mortalité n’ont concerné que 16 pays).

Le diagnostic de CCR a été retenu chez 0,13 % de cette cohorte européenne. Parmi les sujets âgés de 20 à 29 ans, l’incidence de cancer du côlon a augmenté de manière significative dans les deux sexes (2,7 % par an entre 1990 et 2005, et 9,3 % par an entre 2005 et 2016), notamment par rapport aux tranches d’âge 30–39 ans et 40–49 ans. L’incidence globale du cancer rectal est restée plus faible sur toute la période étudiée (3,5 %).

La mortalité liée au CCR n’a pas évolué dans le groupe d’âge 20–29 ans, mais a baissé de 1,1 % par an entre 1990 et 2016 pour les personnes âgées de 30 à 39 ans. Chez les personnes de 40–49 ans, la mortalité a baissé de 2,4 % par an entre 1990 et 2009, mais elle a augmenté de 1,1 % par an entre 2009 et 2016.

Une étude italienne

La deuxième étude vient de Milan, où le programme de dépistage du CCR stagne, comme en France, autour de 40 % (2). Cette étude rétrospective menée en se basant sur des données recueillies à partir d’un registre milanais de 17 années entre 1999 et 2015 montre une diminution du taux global de CCR sur cette période. En revanche, ce taux a augmenté chez les adultes de moins de 50 ans (1,9 à 2,1/100 000). Au total, 18 783 cas de cancer colorectal, dont 14 658 cancers du côlon (45 % situés dans la partie droite) ont été enregistrés dans les deux sexes.

Les analyses par tranches d’âges ont montré une diminution significative (- 3 %) de l’incidence du cancer colique et rectal chez les 50-60 ans sur l’ensemble de la période. Chez les moins de 50 ans, l’incidence globale du CCR a augmenté non significativement de 1,9 à 2,1/100 000. Les courbes s’inversent à partir des sujets nés en 1979. Ainsi, le risque de CCR serait doublé pour ceux nés après 1987 par rapport à ceux nés en 1925, et cette tendance s’accentuerait au fil du temps, car ceux nés au-delà de 1993 auraient un risque sept fois plus élevé que ceux nés avant 1979.

Une étude intercontinentale

Enfin, une troisième étude, publiée dans la revue The Lancet Gastroenterology & Hepatology, rapporte l’incidence du cancer du côlon et du rectum à partir de 21 registres de cancer basés sur la population en Australie, au Canada, au Danemark, en Irlande, en Norvège, en Nouvelle-Zélande et au Royaume-Uni, dès la première année disponible jusqu’en 2014 (3). Une baisse ou une stabilisation de l’incidence du cancer du côlon et du rectum a été constatée dans la totalité des pays étudiés. On retrouve, par contre, une augmentation significative de l’incidence du cancer du côlon chez les personnes de moins de 50 ans au Danemark (3,1 %), en Australie (2,9 %), en Nouvelle-Zélande (2,9 %) et au Royaume-Uni (1,8 %). Il en va de même pour le cancer du rectum au Canada (de 3,4 %), en Australie (2,6 %) et au Royaume-Uni (1,4 %) et chez les personnes âgées de 20 à 29 ans au Danemark.

Le surpoids, l’obésité, une alimentation riche en aliments transformés, l’alcool, le tabac, la sédentarité et la pollution atmosphérique chez les moins de 50 ans pourraient favoriser ces changements préoccupants d’incidence du CCR.

De nouvelles recommandations ?

Une réévaluation prochaine des recommandations du dépistage du CCR par test fécal immunologique serait la bienvenue afin de répondre aux aspirations légitimes des sujets à risque moyen de CCR, désirant avancer l’âge du dépistage à 45 ans. L’ACS (Americain Cancer Society) a déjà franchi le Rubicon l’année dernière et le dernier congrès de la DDW 2019 a largement débattu ce nouveau timing, dont l’impact économique sera important et mérite d’être chiffré.

Dr Sylvain Beorchia

RÉFÉRENCES :  *Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, France, Finlande, Groënland, Irlande, Islande, Italie, Lettonie, Norvège, Portugal (région Nord), Pays-Bas, Pologne, République tchèque, Royaume-Uni, Slovénie, Suède et Suisse.
(1)Vuik FER et coll.: Increasing incidence of colorectal cancer in young adults in Europe over the last 25 years. Gut 2019. Publication avancée en ligne le 16 Mai 2019.
(2)Russo AG et coll.: Increased incidence of colon cancer among individuals younger than 50 years: A 17 years analysis from the cancer registry of the municipality of Milan, Italy. Cancer Epidemiol. 2019;60 :134-140. doi: 10.1016/j.canep.2019.03.015. PMID: 31005829
(3)Araghi M et coll.: Changes in colorectal cancer incidence in seven high-income countries: a population-based study. Lancet Gastroenterol Hepatol. 2019. Publication avancée en ligne le 16 Mai 2019.

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