Publié le 10/08/2018
Les maladies cardiovasculaires (MCV) sont, de loin, la cause la plus fréquente de mortalité dans la population US, responsables, approximativement, d’un décès sur trois. Bien que la mortalité CV ait nettement décliné ces dernières années, l’incidence des nouveaux cas reste élevée, de l’ordre, respectivement, de 580 000 infarctus myocardiques et de 600 000 accidents vasculaires cérébraux, annuellement, aux USA. Cette incidence varie avec l’âge et le sexe. Les MCV surviennent, en moyenne, 10 ans plus tôt chez l’homme que chez la femme. En 2015, la prévalence, ajustée à l’âge, des coronaropathies était de 6,1 % pour les adultes US âgés de 45 à 65 ans, passant à 16,4 % pour ceux dont l’âge était compris entre 65 et 74 ans. La prévalence varie aussi en fonction de l’origine ethnique des individus. Elle est 2 fois plus grande chez les Indiens américains ou chez les natifs d’Alaska que chez les asiatiques (9,3 vs 3,7 %), se situant, de façon assez homogène, à 5,1 % chez les hispaniques, 5,4 % chez les blancs et 5,6 % chez les afro-américains.
Quelle estimation du risque ?
La prévention passe par une tentative de réduction des facteurs de risque CV, tels que ceux inclus dans le score de risque de Framingham, dans les équations de cohorte groupées ou dans d’autres modèles d’appréciation du risque de MCV. Classiquement, l’appréciation du risque passe par l’établissement du score de Framingham, un des outils les plus utilisés en pratique quotidienne, qui estime le risque, à 10 ans, de coronaropathie. Un individu dont le risque à 10 ans est supérieur à 20 % est à haut risque, tandis qu’un dont le risque se situe à moins de 10 % est classé à bas risque. Les équations de cohortes groupées estiment, quant à elles, le risque à 10 ans d’infarctus myocardique et de mort par coronaropathie ou ictus cérébral. Introduites en 2013, elles incluent d’avantage d’éléments, comme l’origine ethnique ou l’existence d’un diabète. Les sujets dont le risque est compris entre 7,5 et 10 % sont à haut risque. A contrario, ceux dont le score est inférieur à 7,5 % sont classés en bas risque. En pratique, 93 % des femmes et 81 % des hommes adultes US, d’âge compris entre 40 et 49 ans, ont un risque inférieur à 7 %, ce pourcentage baissant avec l’âge. Ces méthodes classiques se sont révélées très efficaces, tout en sachant qu’elles peuvent, dans certaines situations, majorer ou minorer le risque de MCV. D’où l’intérêt potentiel de mesures complémentaires, afin de tenter de l’améliorer, telles celle de l’index cheville-bras (ABI), du dosage de la C Réactive Protéine haute sensibilité (hs CRP) ou du score de teneur en calcium des artères coronaires (CAC).
Plein feux sur l’ABI, l’hs CRP et le CAC
L’ABI est le rapport entre la pression systolique au niveau de la cheville, déterminée par la pression proximale au niveau de l’artère dorsale du pied ou tibiale postérieure sur la pression artérielle systolique de l’artère brachiale. Une valeur inférieure à 0,9 témoigne d’une artériopathie périphérique.
L’hs CRP est impliquée dans les réponses inflammatoire et immunitaire. Son dosage est aisé. Un taux supérieur à 2 à 3 mg/L est, en pratique, associé à un risque élevé de MCV.
Quant au score CAC, apprécié par tomodensitométrie thoracique, il mesure le contenu calcique artériel coronaire. Son seuil et le scorage varient selon les auteurs, la comparaison se faisant souvent avec un score CAC nul, égal à 0.
Un nombre conséquent de travaux ont démontré une association entre ABI, hs CRP ou CAC et devenir CV. Il existe, toutefois, peu d’études concernant ces facteurs pris isolément car ils sont en régle inclus dans celles utilisant le score de Framingham ou les équations de cohorte. A ce jour, des travaux complémentaires restent à venir pour quantifier l’impact de l’adjonction de ces nouveaux facteurs de risque sur la prise de décision clinique et le devenir à long terme des patients, notamment dans certaines sous populations (femmes, minorités ethniques, individus à bas statut socio-économique). Actuellement, score de risque de Reynolds à part, qui inclue la mesure de l’hs CRP, la plupart des principales sociétés savantes recommandent l’utilisation d’un ou plusieurs de ces facteurs non conventionnels seulement dans les cas où l’appréciation du risque reste incertaine, limitée ou imprécise après scorage traditionnel.
De nouvelles données se basant sur plus de 80 cohortes…
Dans sa recherche, l’USPSTF (US Preventive Services Task Force) a identifié 10 articles (incluant 22 cohortes) traitant de l’apport de l’ABI, 25 autres (49 cohortes) ayant trait au dosage de l’hs CRP et 19 (10 cohortes) concernant le score CAC. Elle n’a pu retrouver de publication traitant de l’impact de ces trois mesures réalisées concomitamment. En régle générale, toutes les études démontrent que la prise en compte d’un ou deux de ces facteurs améliore la calibration de la mesure du score. De même, le calcul de l’ABI entraine un gain de discrimination lors de son ajout au score de Framingham (chez la femme uniquement). La mesure complémentaire de l’ hs CRP amène une modeste mais réelle amélioration de la discrimination. Il en va de même quand est inclus le score de CAC.
Plus de sujets à haut risque
Sur un autre plan, on doit constater que l’adjonction d’un ou plusieurs de ces facteurs a, en régle, un effet positif net sur la reclassification, autrement dit, qu’il y a davantage d’individus devant présenter, dans l’avenir, un événement pathologique CV, qui auront correctement été reclassés en haut risque. Mais la mesure de l’ABI chez la femme ou celle du score CAC en général peuvent aussi induire un effet négatif net, en reclassant par exemple dans une catégorie à haut risque des individus qui ne développeront pas de MCV. De plus, le bénéfice de l’inclusion de tels facteurs sur le devenir clinique des patients reste, à ce jour, incertain.
Des résultats qui différent
Dans un essai clinique de bonne qualité, ayant porté sur 2 137 volontaires sains, asymptomatiques et sans antécédents de MCV, après 4 ans de suivi, la survenue d’événements pathologiques CV ne différa pas selon que le score CAC avait été ou non inclus dans l’appréciation du risque. Deux autres essais, totalisant 4 626 participants n’ont retrouvé, de même, aucun bénéfice patent après 7 ans de suivi, quand la mesure de l’ABI était utilisée pour guider la mise en œuvre d’un traitement par aspirine.
A contrario, l’essai JUPITER (Justification for the Use of Statins in Prevention) a démontré, après 1,9 ans de suivi moyen, que le dosage de l’hs CRP pouvait aider utilement à démarrer un traitement par statines à fortes doses, vs un traitement conventionnel.
Effectuer une mesure de l’ABI ou un dosage de la hs CRP sont des techniques non invasives. Quantifier le score CAC expose, par contre, à une irradiation (les doses étant toutefois relativement basses de 0,4 à 2,1 mSv par examen) et également à des découvertes accidentelles, lors de l’imagerie du thorax (nodules pulmonaires par exemple) pouvant conduire à d’autres investigations diagnostiques. Surtout, des résultats anormaux peuvent conduire, par excès, à une coronarographie. Enfin, une reclassification dans un groupe à plus haut risque peut être la source d’effets secondaires psychologiques.
Niveau de preuve encore insuffisant
En conclusion, l’USPSTF estime, avec un bon niveau de preuves, que l’adjonction de la mesure de l’ABI, du taux d’hs CRP ou de la détermination de la CAC aux modèles classiques d’appréciation du risque CV tend à améliorer leur calibration, leur discrimination et leur reclassification. Par contre, elle ne peut se prononcer pour préciser si ces méthodes, tout en améliorant le score prédictif, ont un réel effet sur la réduction de l’incidence et la mortalité des MCV. Enfin, avec un bon niveau de preuves, l’USPSTF confirme que les effets secondaires de l’emploi de ces nouveaux tests sont, dans l’ensemble, minimes, mais que le niveau de preuves reste insuffisant pour en déterminer le rapport bénéfices/risques.
Ces recommandations récentes viennent compléter, voire remplacer celles émises en 2009.
Dr Pierre Margent
RÉFÉRENCE
USPSTF. Risk Assessment for Cardiovascular Diseases with Non Traditional Risk Factors.. JAMA, 2018 ; 320 (3) : 272- 280.
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