Franck Cammas et Matthieu Vandame ont remporté samedi 1er février autour de l’île aux fleurs (Antilles) le Martinique Cata Raid, faisant office de championnat du monde des F18. Bien que ce championnat soit trusté par une écrasante majorité d’équipages français (seulement trois équipages belges ou britanniques), le récent vainqueur de la Brest Atlantiques s’est imposé face à 35 concurrents aiguisés et après cinq superbes étapes courues sous les alizés à la belle saison aux Antilles.
Franck Cammas et Matthieu Vandame peuvent savourer leur victoire nette et sans bavures. | PIERRICK CONTIN
Didier RAVON. Publié le 02/02/2020 à 12h01
Franck Cammas est décidément insatiable ! À 47 ans, il n’est pas du genre à glandouiller dans son canapé et devant la télé pour récupérer suite à près de 29 jours de mer sur un engin volant aussi ahurissant que violent à mener.
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Après avoir remporté avec Charles Caudrelier début décembre la première édition de la Brest Atlantiques sur leur maxi-trimaran de 32 mètres Edmond de Rothschild – Gitana 17, le vainqueur de la Solitaire du Figaro, du Tour de France, de la Volvo Ocean Race, de la petite Coupe de l’America, du circuit mondial GC 32, de la Transat Jacques Vabre, du Trophée Jules Verne, de la Route du Rhum, et j’en passe… s’est en effet imposé ce week-end lors du Martinique Cata Raid à bord de ces F18, catas de sport de 6 mètres à double trapèze.
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Organisation parfaite sous la houlette du président du comité de course, Didier Flamme. | PIERRICK CONTIN
Espérons qu’il reste encore un peu de place dans son garage pour stocker ses trophées, car il n’est pas du style non plus à les ranger sur la cheminée ou dans sa bibliothèque…
Avec son complice, le brillant Matthieu Vandame avec qui il a déjà remporté nombre d’épreuves en F18, et notamment disputé la dernière Coupe de l’America aux Bermudes, Franck Cammas a dominé l’épreuve de bout en bout. Prouvant ainsi son éclectisme, que le multicoque mesure 90, 30 ou 18 pieds !
Les nouveaux catas ont mangé du lion !
L’on peut ajouter que juste avant de poser son anorak et ses polaires puis sauter dans l’avion pour Fort-de-France, l’Aixois, fan des Alpes et excellent skieur, a disputé le Trophée Mer-Montagne dans la station Les Carroz (Haute-Savoie), épreuve réunissant marins et montagnards professionnels s’affrontant dans toutes les disciplines sur neige.
Une organisation aux petits oignons
« L’accueil a été vraiment formidable » explique Emmanuel Le Chapelier qui naviguait avec Louis Lagardère, prenant la 6ème place derrière Benjamin Amiot et Gurvan Bontemps, les références quand il s’agit de foilers.
« Les gens du club (le club nautique WIND Force du Robert – N.D.L.R.) sont aux petits oignons, ajoute-t-il.
L’ambiance à terre est excellente. C’est hyperconvivial. Et en termes de navigation, il faut aussi reconnaître que c’est chouette de venir en Martinique à cette saison : les conditions sont parfaites à une période où l’on navigue très peu en métropole. »
Emmanuel et Vincent Boulogne : des frangins heureux sur le podium ! | PIERRICK CONTIN
En arrivant à Schœlcher, à l’Ouest de l’île – anciennement Case-navire mais rebaptisé en 1889 en hommage à Victor Schœlcher qui avait aboli l’esclavage 41 ans plus tôt -, Franck Cammas et Matthieu Vandame la jouaient profil bas : « Comme ça fait quasiment un an et demi qu’on n’a pas navigué en F18, on ne connaît pas bien notre vitesse. L’objectif principal pour le moment est d’essayer de bien exploiter le bateau… »
Des vents parfois erratiques sous la montagne Pelée
On a bien noté… mais sur leur Goodall C2, Cammas et Vandame ont impeccablement navigué lors des cinq étapes courues dans le sens contraire des aiguilles d’une montre, de Schœlcher à Schœlcher via Le Marin, Le Vauclin, La Trinité et Le Prêcheur. D’abord donc sous les dévents de l’île aux fleurs, puis au vent dans l’alizé, avant de replonger plein Sud dans des vents parfois erratiques sous la montagne Pelée.
Si après cette semaine intense dans la Caraïbe, Matthieu Vandame, régleur d’aile sur le F50 tricolore barré par Billy Besson, va mettre le cap sur l’Australie et Sydney pour attaquer la seconde saison du Sail GP, Franck Cammas, lui, va retrouver Lorient et le chantier de l’Ultim Edmond de Rothschild.
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L’îlet volcanique de La Perle au Nord-Ouest de la Martinique. | PIERRICK CONTIN
Au programme de Franck Cammas, la préparation, mais cette en fois solo, de la Transat CIC, l’ex Ostar qui avait révélé un certain Éric Tabarly en 1964 et qui va fêter ses 60 ans. Course mythique dont le départ sera donné le 10 mai prochain de Brest.
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Tel père tel fils, chez les Boulogne
Emmanuel et Vincent Boulogne sont frères jumeaux et écument les plans d’eau depuis plus de vingt ans quand ils ne sont pas dans la résine à Gravelines dans leur entreprise BCM. Aussi discrets que sympas et talentueux, ces artistes du composite sont en plus de sacrés régatiers !
« J’ai commencé l’aventure du F18 quand ça a démarré, dans les années 90, explique Emmanuel, qui dessine lui-même ses catas. On a lancé un atelier pour faire de la réparation de bateau, avant de créer notre propre F18 : le Cirrus. L’entreprise est passionnante parce qu’on réalise tout de A à Z. Le bateau est 100 % made in France. En 2003, on a gagné le championnat du monde avec Vincent sur ce bateau qu’on avait construit. »
Depuis, les Cirrus ont tout gagné ou presque. Jean, le fils d’Emmanuel, est équipier de Mathieu Marfaing. Ce duo a terminé 4ème au final, gagnant l’étape entre Le Marin et Vauclin.
Mathieu Marfaing et Jean Boulogne, fils d’Emmanuel, terminent au pied du podium. | PIERRICK CONTIN
« Mon fils me fait vraiment plaisir. Il navigue très bien et pour moi c’est génial. On ne régate pas l’un contre l’autre, on partage les mêmes objectifs. À un moment, il était encore en tête. J’avais envie de lui dire : mais va plutôt ranger ta chambre !
Mais non, il a laissé la victoire à son père, c’est sympa ! » rigole le père après avoir remporté sur le dernier né de la gamme, le R2, la plus longue étape entre La Trinité et Le Prêcheur qui contourne le Nord de l’île.
Les Boulogne père, fils et tonton ont quasiment raflé la moitié des manches cette semaine, les « sages », Emmanuel et Vincent, terminant troisièmes au final derrière Fred Moreau et Matthieu Souben, mais devant le fiston et le neveu…
Des raids avec ces petits bateaux, c’est génial !
« On est supers contents parce qu’on a bien négocié les mistoufles sur cette ultime étape, et il y en a eu beaucoup sous le vent de l’île » raconte un Cammas aussi bronzé que radieux.
« Ce n’est pas très rassurant parce que dans ces conditions, on n’est jamais bien équilibrés. Il faut éviter les chavirages dans les bouffes. On avait une petite avance au général, on s’est bien bagarré aujourd’hui avec Fred Moreau et Mathieu Souben. Le bilan de la semaine est parfait ! »
Fred Moreau et Matthieu Souben terminent vice-champions du monde. | PIERRICK CONTIN
Avant d’ajouter : « Ce n’est pas une discipline à laquelle je suis habitué mais c’est, à chaque fois un très grand plaisir. Faire des raids avec ces petits bateaux, c’est génial ! Ça navigue bien, le niveau global est élevé, et tactiquement il y a plein de choses à faire. Il faut toujours être très concentré sur ces bateaux pour que ça avance. »
« C’est une régate très complète, donc on prend ce titre de champion du monde avec beaucoup de plaisir et de sourire ! J’espère être là l’année prochaine, si mon programme le permet » conclut Franck Cammas.