Accueil Course au large  Trophée Jules Verne

Le 15 octobre, l’équipage de Thomas Coville sera en stand-by pour le Trophée Jules Verne. Objectif : le tour du monde en moins de 40 jours, soit tenir une moyenne supérieure à 23 nœuds !

Le skipper du trimaran géant Sodebo raconte ce projet extraordinaire, mais aussi les marins qui ont jalonné sa carrière : Kersauson, Cammas et bien sûr Francis Joyon contre qui il se bat depuis… toujours, ou presque !

Thomas Coville a déjà battu à deux reprises le record du Trophée Jules Verne. Il repart une troisième fois avec un statut différent. | VINCENT CURUTCHET / TEAM SODEBO

Olivier BOURBON. Modifié le 22/09/2020 à 12h28

Nous stabilisons le vol à 40 nœuds, avec des pointes à 45…

Voiles et Voiliers : Thomas, quel est le niveau de préparation de Sodebo Ultim 3 et de l’équipage à un peu moins d’un mois du début du stand-by ?

Thomas Coville : Nous sommes pile-poil dans le timing envisagé, c’est suffisamment rare avec un tel projet pour être souligné. L’année a été particulière avec cette période de Covid et compagnie. Bizarrement, au sein de notre équipe, cela a généré une sorte d’émulation, d’envie, d’énergie. Peut-être avions-nous besoin de nous raccrocher à quelque chose de moins anxiogène ?

Cette année, nous avons installé des plans porteurs sur la dérive et les safrans, en plus des foils. Nous avons donc découvert le bateau en mode vraiment volant, et constaté une vraie progression dans la performance, nous sommes 10 à 15 % plus rapides que l’an dernier ! Nous stabilisons le vol à 40 nœuds, avec des pointes à 45, en ayant assez peu d’actions sur les plans porteurs. Le bateau va plus vite en étant moins engagé. Plusieurs marins m’avaient dit : ‘ Tu verras, quand tu as goûté au vol tu ne peux plus t’en passer’. Je confirme !

On aurait pu faire un western avec le casting de mon premier Jules Verne avec Olivier de Kersauson

Voiles et Voiliers : Tu vas donc t’attaquer à ton troisième Trophée Jules Verne. Tu as déjà une belle histoire avec ce record puisque tu l’as battu deux fois…

Thomas Coville : J’ai effectivement été équipier d’Olivier de Kersauson en 1997. S’engager avec lui pour un premier tour du monde, c’est un bon baptême du feu (rires) ! Cela a été une expérience initiatique. Le record a été difficile, nous l’avons battu au forceps. On ressentait en permanence une tension et une pression terribles à bord. Mais c’était fantastique. Il y avait des personnalités très fortes, un casting de cinéma.

On aurait pu faire un western ! Aujourd’hui, je garde de très bons rapports avec Olivier, ce que je n’aurais pas imaginé à l’époque. En 2010, j’ai à nouveau battu le Jules Verne, avec Franck Cammas. C’était tout l’opposé de l’expérience avec Olivier mais cela a sans doute été mon plus beau tour du monde, avec un équipage de rêve, une dream team.

Franck m’a tendu la main à un moment difficile pour moi car je venais d’échouer dans une tentative en solo. Je n’oublierai jamais ce qu’il a fait pour moi, il m’a énormément aidé.

Thomas Coville est fasciné par l’évolution de la course au large et addict aux sensations offertes par les nouveaux trimarans volants. On le comprend ! | ÉLOI STICHELBAUT – POLARYSE/ SOBEBO

Voiles et Voiliers : A la différence de ces deux expériences, tu endosses cette fois le rôle de skipper, de chef d’équipe, de sélectionneur…

Thomas Coville : Oui, cette responsabilité est nouvelle pour moi, c’est une étape importante dans ma carrière, et j’adore ! Je me suis éclaté à créer cette équipe. Juste après le confinement, j’ai eu la chance de rencontrer Fabien Galthié, le sélectionneur du XV de France. L’échange avec lui a été très instructif et a nourri cette construction d’un équipage autour de moi. J’ai réussi à monter un casting (*) que je trouve génial !

C’est notre génération de marins qui passera sous les 40 jours autour du monde. Reste à savoir quand exactement !

Voiles et Voiliers : Pourquoi as-tu choisi de partir avec un équipage composé de huit personnes ?

Thomas Coville : À l’origine, j’envisageais un projet avec six navigants, peut-être parce que Francis Joyon avait fait ce choix sur un bateau de taille similaire. Finalement je me suis rendu compte que notre bateau volant est encore plus pointu, plus rapide, plus exigeant, plus complexe.

Cela nécessite de la fraîcheur et de l’acuité de la part de l’équipage. On doit pouvoir tourner régulièrement pour que chacun reste reposé et en forme. C’est aussi une question de sécurité. D’où ce choix, finalement, de partir avec un équipage de huit personnes.

Face à l’exigence de Sodebo Ultim 3, Thomas Coville a décidé de monter un équipage de huit personnes (au lieu des six prévus initialement) pour partir autour du monde. | ÉLOI STICHELBAUT – POLARYSE / SOBEBO

Francis Joyon est un bon mentor, même s’il n’y a pas plus opposé dans nos styles

Voiles et Voiliers : Tu vas donc tenter d’améliorer le temps de référence détenu par Francis Joyon et son équipage. Tu auras décidément passé beaucoup de temps à essayer de battre Francis dans ta carrière !

Thomas Coville : (Rires). Oui c’est vrai, et ça me va très bien. C’est un bon mentor, même s’il n’y a pas plus opposé dans nos styles. Francis est l’un des marins qui m’a le plus inspiré, car il est justement très différent de moi.

Il a une pugnacité et une empreinte qui m’intéressent beaucoup.

Sur le Trophée Jules Verne, il a tiré le meilleur de son bateau et il a une fois de plus sorti la trajectoire quasi parfaite. Il a été grandiose. C’est la marque Francis Joyon.

Nos bateaux volants vont plus vite. Pourtant, quand on fait des projections théoriques, des routages, on bat assez rarement le record

Voiles et Voiliers : Cette capacité à faire la bonne trajectoire sera l’enjeu essentiel de votre tentative ?

Thomas Coville : Oui ! Nos bateaux volants vont beaucoup plus vite, de l’ordre de 10 à 15 % par moments. Pourtant, quand on fait des projections théoriques, des routages avec des situations météo historiques, on bat assez rarement le record. On peut avoir une idée des conditions météo jusqu’à Bonne Espérance, et après c’est totalement aléatoire. Il y a une partie non maîtrisée et inconnue. C’est parfois rageant mais c’est aussi ce qui fait la magie de notre sport.

Pas de souci, Sodebo Ultim va très, très vite. Mais un Trophée Jules Verne se gagne aussi en traçant des trajectoires impeccables, explique Thomas… | MARTIN KERUZORÉ

Pour battre Francis Joyon, il faudra tenir près de 23 nœuds de moyenne sur la route théorique, c’est dire l’intensité qu’il faudra mettre

Voiles et Voiliers : Le Gitana Team de Franck Cammas et Charles Caudrelier va aussi s’attaquer au Trophée Jules Verne à l’automne. Comment vois-tu cette perspective d’un éventuel duel planétaire ?

Thomas Coville : Je ne me mets pas de pression excessive à ce sujet. Avec Jean-Luc Nélias, qui sera le routeur à terre, notre idée est claire : si on entrevoit une bonne fenêtre météo et que Gitana ne le prend pas, on partira quand même.

Et l’inverse est également vrai. Pour être honnête, je n’ai pas discuté avec Franck et Charles de ce potentiel duel.

Si on part en même temps, ce sera forcément intéressant car c’est agréable d’être en compétition contre des gens que tu respectes et qui t’inspirent. Mais quoi qu’il arrive, Francis (Joyon) a mis la barre tellement haut qu’il faudra se donner à fond ! Pour le battre, il faudra tenir près de 23 nœuds de moyenne sur la route théorique. Ça en dit long sur l’intensité qu’il faudra mettre. Nous n’avons donc pas forcément besoin d’une émulation supplémentaire.

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Le tour du monde en 40 jours pour IDEC Sport

Cette possibilité de diviser le temps de parcours par deux en moins de 30 ans démontre à quel point notre sport est vivant

Voiles et Voiliers : Que t’inspire la possibilité de faire tomber la barre des 40 jours pour boucler un tour du monde à la voile ?

Thomas Coville : L’évolution a été tellement rapide ! J’ai été préparateur et marin remplaçant pour le projet Commodore Explorer de Bruno Peyron, qui a été le premier à passer sous la barre des 80 jours, en 1993. Je suis le témoin de cette évolution incroyable et cela crée chez moi un enthousiasme dément.

Cette possibilité de diviser le temps de parcours par deux en moins de 30 ans démontre à quel point notre sport est vivant. C’est notre génération de marins qui passera sous les 40 jours autour du monde. Reste à savoir quand exactement !

Notre sport a une vraie carte à jouer dans le contexte actuel. Il apporte de l’évasion, il permet de raconter de belles histoires

Voiles et Voiliers : On te sent ravi à l’idée de faire ce beau voyage autour du monde !

Thomas Coville : Tous les jours je me dis que j’ai une chance inouïe. J’ai hâte d’y aller avec mon équipe, je me projette déjà pas mal. Et je pense que notre sport a une vraie carte à jouer dans le contexte actuel.

Il apporte de l’évasion, il permet de raconter de belles histoires. Ne nous enfermons pas dans la morosité ambiante.

(*) Thomas Coville partira autour du monde avec François Duguet, Thomas Rouxel, Sam Goodchild, Corentin Horeau, François Morvan, Matthieu Vandame et Martin Keruzoré.