Publié le 19/05/2021

Paris, le mercredi 19 mai 2021 – Un mois après la décision polémique de la Cour de Cassation dans l’affaire Halimi, les médecins se disent favorable à une réforme de l’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.

Rarement un arrêt de la Cour de Cassation aura provoqué un tel émoi.

Le 14 avril dernier, la chambre criminelle confirmait la décision de la chambre d’instruction de la cour d’appel de Paris de déclarer irresponsable pour cause de trouble mental Kobili Traoré, ce jeune homme qui avait, le 4 avril 2017, défenestré et tué sa voisine Sarah Halimi, une femme juive de 65 ans.

Les juges s’étaient notamment basés sur les rapports de différents experts psychiatres qui avaient conclu que le discernement du tueur avait été aboli par une bouffée délirante aigue favorisée (ou provoquée) par la consommation de cannabis.

80 % des lecteurs du JIM favorable à une nouvelle loi

Une décision qui a suscité l’incompréhension et la colère d’une partie de la population et notamment de la communauté juive.

D’importantes manifestations ont été organisées dans toute la France le 25 avril dernier en réaction à cette décision de justice.

Le même jour, le Garde des Sceaux, Eric Dupont-Moretti, annonçait que, à la demande du Président de la République, un projet de loi était en préparation pour modifier la législation actuelle sur l’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.

Une éventuelle réforme de la loi qui reçoit un large assentiment des professionnels de santé comme l’indique un sondage réalisé sur notre site ces dernières semaines et auquel ont répondu un nombre particulièrement élevé de nos lecteurs (1192).

Sondage réalisé sur JIM du 18 avril au 16 mai 2021

80 % d’entre eux se disent en effet favorable à une « nouvelle loi sur la responsabilité pénale en cas de prise de stupéfiants et/ou d’alcool » selon la terminologie de la question du sondage.

Seulement 16 % des professionnels de santé s’y déclarent opposés (4 % ne se prononcent pas).

Pour rappel, l’article 122-1 du code pénal dispose pour l’heure que « n’est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes ».

Comme elle l’a rappelé dans son arrêt du 14 avril, c’est justement parce que la loi ne distingue pas « selon l’origine du trouble psychique ayant conduit à l’abolition du discernement » que la Cour de Cassation, juge du droit, ne pouvait invalider la décision de la cour d’appel, juge du fait.

Seulement 58 personnes jugées irresponsable en 2019

Sans remettre en cause ce principe cardinal hérité du droit romain selon lequel on ne juge pas les fous, une nouvelle loi pourrait donc préciser que les personnes qui ont « provoqué » leur trouble mental en consommant des substances psychoactives, comme de l’alcool ou des stupéfiants, ne peuvent bénéficier de l’irresponsabilité pénale.

Une disposition qui existe déjà au Royaume-Uni, aux Etats-Unis et en Italie.

Interrogée sur la nécessité de modifier la loi en ce sens, une commission composée de juristes et de psychiatres s’y était dit opposé, concluant dans son rapport rendu le 23 avril dernier qu’une telle réforme « constituerait une atteinte substantielle aux principes fondamentaux de notre droit pénal ».

Au-delà de l’émotion compréhensible du public et de son instrumentalisation bien plus discutable par le monde politique, rappelons la réalité des chiffres : en 2019, seulement 58 personnes, ayant fait l’objet d’une instruction préparatoire, ont « bénéficié » d’une décision d’irresponsabilité pénale, alors que 17 % des prévenus étaient jugé irresponsables dans les années 1980.

Les magistrats ne sont donc pas totalement insensibles à l’envie de justice, parfois excessive, de nos concitoyens.

Le débat rebondira sans nul doute à l’occasion de l’examen du projet de loi devant le parlement (s’il a bien lieu).

Quentin Haroche

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