L’ingrédient secret de certains produits de maquillage longue durée pourrait être des toxines qui présentent des risques à long terme pour la santé humaine et environnementale, suggère une étude de l’Université de Toronto.

Par Adina Bresge, La Presse Canadienne

Une femme se maquille dans une salle de bain Profession Santé logo

15/06/2021

Un article publié mardi dans Environmental Science & Technology Letters révèle que de nombreux produits cosmétiques courants présentent des signes d’une classe de produits chimiques connus sous le nom de substances perfluoroalkylée – ou PFAS – qui peuvent contaminer les systèmes d’aqueduc pendant des générations et ont été liés à de graves risques pour la santé.

La co-autrice, Miriam Diamond, affirme que la recherche soulève des inquiétudes selon lesquelles un manque de normes de déclaration dans l’industrie des cosmétiques pourrait signifier que de nombreux utilisateurs de maquillage canadiens appliquent par inadvertance des produits chimiques nocifs sur leur visage chaque jour.

« Nous ne pouvons pas nous permettre de contaminer notre eau potable ainsi que notre corps », a déclaré Mme Diamond, professeure de sciences de la Terre à l’Université de Toronto.

« Est-ce que votre beauté vaut la peine de prendre un risque pour votre santé? »

Les PFAS sont un groupe de produits chimiques synthétiques que l’on trouve couramment dans de nombreux produits industriels et de consommation, notamment les mousses anti-incendie, les textiles, les ustensiles de cuisine et les emballages alimentaires.

Mme Diamond a indiqué que ces dernières années, les PFAS ont fait l’objet d’un examen minutieux en raison des preuves croissantes liant la présence de ces produits chimiques dans l’eau potable et le corps humain à des problèmes de santé, notamment une dérégulation métabolique, des problèmes de fertilité et un dysfonctionnement immunitaire.

Plusieurs études ont détecté des PFAS dans des produits cosmétiques achetés en Europe et en Asie, probablement pour les rendre plus durables et plus faciles à appliquer, a déclaré Mme Diamond.

Mais l’utilisation des PFAS dans le maquillage crée également de nouveaux risques d’exposition, notamment une absorption par la peau et les canaux lacrymaux ou une ingestion accidentelle, notamment pour les produits pour les lèvres.

On craint également que les déchets de ces produits ne se retrouvent dans les approvisionnements en eau potable après avoir été jetés dans les égouts ou dans des dépotoirs, a ajouté Mme Diamond.

Il n’y avait pas de données sur la prévalence des PFAS dans l’industrie du maquillage en Amérique du Nord, alors Mme Diamond et ses collègues de Toronto se sont associés à des chercheurs américains pour tester 231 produits cosmétiques, dont 17 du Canada, disponibles dans les principaux détaillants de produits de beauté et pharmacies.

Les produits ont été testés pour vérifier la présence de niveaux élevés de fluor, ce qui suggérerait fortement la présence de PFAS, a expliqué Mme Diamond.

Parmi les produits cosmétiques testés, la plupart des produits préoccupants étaient présentés comme « résistants à l’eau », « résistants à l’usure » ou « durables », a-t-elle souligné.

Quatre-vingt-deux pour cent des mascaras hydrofuges avaient des concentrations élevées de fluor, tout comme 58% des autres produits pour les yeux, 55% de tous les produits pour les lèvres et près des deux tiers des fonds de teint.

Les scientifiques ont envoyé 29 de ces produits à haute teneur en fluor pour une analyse plus approfondie et ont détecté au moins quatre PFAS spécifiques, dont certains qui se transforment en produits chimiques toxiques et nocifs pour l’environnement.

Sur les 17 produits canadiens analysés dans l’étude, un seul énumérait les PFAS parmi les ingrédients, a déclaré Mme Diamond.

Le gouvernement canadien s’est engagé à examiner l’ensemble de la catégorie des PFAS, ce qui, selon Mme Diamond, conduira à une meilleure surveillance de leur utilisation dans l’industrie cosmétique.

Mais alors même que ce processus se déroule, la professeure a appelé les fabricants de produits de beauté et les détaillants à suspendre immédiatement l’utilisation et la vente de produits contenant des PFAS.

« Nous n’avons pas besoin d’attendre plus d’enquêtes », a-t-elle déclaré.

« N’expérimentons pas l’utilisation de PFAS dans les cosmétiques sur nous-mêmes. »