Publié le 15/12/2020
Bien qu’une grande majorité de la population soit sensibilisée de nos jours aux bienfaits de l’activité physique, dans les faits, les quotas des guidelines sont loin d’être suivis par tous. Aux États-Unis par exemple, l’adulte américain moyen ne parcourt que la moitié des 10 000 pas quotidiens recommandés.
De cette « pandémie d’inactivité physique » découle un grand nombre de complications et de pathologies. L’économie comportementale, qui intègre des aspects psychologiques dans les théories économiques, a évoqué l’intérêt d’utiliser des incitations financières pour promouvoir l’AP (activité physique).
Cette science suppute en effet une rationalité limitée de nos décisions et a identifié des erreurs systématiques de pensée, appelés « biais décisionnels », pouvant conduire à de mauvaises attitudes pour la santé.
Le « present bias », qui en est un exemple, décrit comment le délai avant une récompense influe sur le choix d’une personne, de manière d’autant plus positive que l’impact en est proche.
En d’autres termes, dans le cas de l’AP, le coût du comportement (par exemple le temps nécessaire, l’inconfort) est généralement ressenti comme présent et donc surévalué, tandis que les avantages (par exemple, la santé, la longévité) sont souvent retardés et donc réduits, pesant sur la balance décisionnelle quotidienne en faveur de l’inactivité.
Ainsi, si l’on suit cette théorie, des incitations immédiates pourraient être utiles pour mettre l’accent sur des avantages à court terme afin de motiver plus de gens à être actifs.
C’est ce qui est réalisé entre autres avec les applications convertissant les données des accéléromètres de smartphone en informations de santé conviviales et ludiques, et qui permettent de suivre et de récompenser de manière instantanée la quantité d’AP.
L’intérêt de combiner un podomètre avec des incitations financières a été examiné à travers quelques études. Une revue réalise une synthèse de ces données éparses, pour le court et le moyen terme.
Après screening des articles identifiés dans plusieurs moteurs de recherche, un simple décompte des études avec analyse des effets positifs et nuls (« vote counting ») a été effectué, puis une méta-analyse à effets aléatoires a été entreprise.
Sur les 23 études incluses (impliquant 6 074 participants, 64,42 % de femmes, d’âge moyen = 41,20 ans), 20 études sur 22 ont rapporté des effets positifs de l’intervention et 4 sur 18 ont rapporté des avantages post-intervention, soit après le retrait des incitations financières.
Pour la méta-analyse, les calculs ont été effectués sur le nombre de pas quotidiens.
Parmi les 12 études présentant ces données chiffrées pendant l’intervention, les incitations étaient associées à une augmentation du nombre de pas au cours de la période d’intervention (Différence moyenne DM 607,1 ; intervalle de confiance à 95 % IC à 95 % : 422,1 à 792,1).
De même, en moyenne dans les 9 études concernées, les incitations étaient associées à une augmentation du nombre moyen de pas quotidiens post-intervention (DM groupé, 513,8; IC à 95 %: 312,7 à 714,9).
Plus de pas pour 140 dollars
Cette méta-analyse suggère donc que des incitations financières augmentent le nombre de pas quotidiens d’environ 10 % à 15 %, pour des sommes autour de 1,40 $ US par jour, avec un effet de l’intervention qui perdure pour certains au-delà de l’arrêt.
Il est possible que la durée du « stimulus » joue un rôle, avec des effets post-intervention plus importants pour des durées d’interventions plus longues.
Il semble qu’une durée de 3 mois ne soit pas toujours suffisante pour que le nouveau comportement relatif à l’AP devienne habituel. Une autre implication pratique concerne la taille de l’effet. On pourrait soutenir qu’au niveau individuel, une augmentation du nombre de pas de 607 représente peu, notamment pour une amélioration de la pression artérielle.
Cependant, les dernières recommandations américaines publiées dans le JAMA en 2018 mettent bien l’accent sur le fait que toute AP est bénéfique, aussi modeste soit-elle.
Pour compléter, dans le cadre de cette stratégie de prévention, les auteurs font référence à d’autres modes de pensée pouvant accompagner et augmenter les effets de la récompense financière : le « sur-optimisme » (mise en place de petites « loteries » quotidiennes), l’ « aversion aux pertes » (annuler la récompense en cas d’objectifs non atteints), l’ « effet de masse » (proposer des récompenses pour les réalisations en équipe) et la « saillance » (utilisation de pop-ups fréquents et personnalisés).
Alors, à quand une généralisation de telles mesures ? Une chose est sûre, probable que cette méthode fasse débat auprès de certains.
Anne-Céline Rigaud
RÉFÉRENCES: Mitchell MS and coll. : Financial incentives for physical activity in adults: systematic review and meta-analysis. Br J Sports Med, 2020; 54: 1259-1268.
Katrina L Piercy and coll.:The Physical Activity Guidelines for Americans. JAMA, 2018; 320(19): 2020-2028. doi: 10.1001/jama.2018.14854.
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