Coach malheureux du Grand Prix des Bermudes – les Américains dont il s’occupe ont dû abandonner lors de la première manche de la deuxième journée de confrontation après une spectaculaire collision dont les dégâts ont entraîné par ricochet le chavirage du bateau US -, Philippe Presti a bien voulu répondre aux questions de Voiles et Voiliers, notamment sur les règles de sécurité de ce format extrême, qu’il voudrait voir un peu modifiées.
Lors du Grand Prix des Bermudes, les manches ventées ont donné lieu à des croisements très spectaculaires. L’élévation générale du niveau des équipages multiplie ces situations à risque.
Philippe Presti pense qu’il faut réfléchir sur la façon de garantir un peu plus de sécurité aux marins. | SIMON BRUTY POUR SAILGP
Christophe FAVREAU. Publié le 27/04/2021 à 13h30
Voiles et Voiliers : Que s’est-il passé lors de la collision du bateau américain avec les Japonais ?
Philippe Presti : Nous étions tribord prioritaire avec un bateau dans notre bâbord qui nous voyait et qui pensait pouvoir passer devant.
Quand il s’est rendu compte que ce n’était pas possible, il a fait l’erreur de choisir de virer et il l’a fait doucement pour descendre son foil alors qu’il aurait pu le faire beaucoup plus rapidement, ce qui lui aurait permis de nous éviter.
L’équipage américain ne le voyait pas car il était dans l’angle mort du mât et de l’écran du racing software.
Le bateau japonais s’est encastré entre le hauban et la dérive mais surtout il a cassé la mèche d’un safran.
Quand nous sommes parvenus à nous dégager, l’absence de connexion des safrans nous a fait abattre et nous avons dessalé.
C’était très décevant, un sentiment très désagréable comme celui du pilote de formule 1 qui se fait sortir dès le premier virage d’un grand prix…
Je pense qu’il va falloir trouver le bon dosage entre contrôle et prise de risque, parce qu’à ces vitesses-là, les impacts peuvent être très violents et provoquer de gros dégâts, y compris humains…
LA VIDÉO DE LA COLLISION CI-DESSOUS :
https://www.facebook.com/watch/?v=1941850985967100
C’est d’autant plus décevant qu’on avait montré un bon potentiel.
Au moment de l’impact nous étions virtuellement troisièmes, donc dans le match.
Lors de la journée d’entraînement, nous avons montré que dans des conditions maniables, nous étions capables de battre les Australiens et nous comptions sur ces régates pour continuer à emmagasiner de l’expérience et progresser. C’est vraiment pénible de ne pas avoir pu défendre nos chances.
Mais bon, cela correspond aussi au format du Sail GP qui est très proche de celui de la Formule 1, et qui du coup engendre des situations similaires.
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La collision avec le bateau japonais a fait se désolidariser le safran du système de barre, provoquant le chavirage du bateau américain par la suite. | THOMAS LOVELOCK POUR SAILGP
Voiles et Voiliers : L’essentiel est que personne n’ait été blessé…
Philippe Presti : Oui ! Même si rétrospectivement on peut se dire que cela aurait pu être le cas.
Je pense qu’il va sûrement falloir mettre un peu le frein à main, réfléchir sur l’établissement de règles qui dissuadent les bateaux de se rapprocher autant les uns des autres.
Il faut se rappeler que les temps d’entraînement sont très courts avant chaque Grand Prix et les équipages se retrouvent face à des situations où il faut s’adapter très rapidement…
Je pense qu’il va falloir trouver le bon dosage entre contrôle et prise de risque, parce qu’à ces vitesses-là, les impacts peuvent être très violents et provoquer de gros dégâts, y compris humains…
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Il y a clairement un resserrement des niveaux, même si je pense que les Australiens et les Anglais restent pour l’instant clairement au-dessus du lot
S’il reconnaît la grande qualité du spectacle offert par le circuit SailGP, Philippe Presti pense qu’une réflexion s’impose pour encourager une plus grande sécurité des équipages pendant les régates. | SAIL GP USA
Voiles et Voiliers : Sans compter que le niveau a monté de façon générale depuis la saison dernière.
Philippe Presti : C’est vrai. Lors de la première édition du circuit, nous étions six bateaux avec des niveaux relativement disparates, qui faisaient que la flotte s’étalait assez rapidement.
Ce n’est plus la réalité d’aujourd’hui. Il y a clairement un resserrement des niveaux, même si je pense que les Australiens et les Anglais restent pour l’instant clairement au-dessus du lot.
La technique est primordiale sur un tel format et ces deux équipes sont les plus efficaces de ce point de vue-là.
C’est pour cela que nous sommes vraiment frustrés de n’avoir pu continuer à régater, après notre abandon la deuxième journée.
Nous avons perdu 2 heures de navigation, ce qui est énorme sur l’année.
Cela peut paraître ridicule mais sur un tel circuit, cela représente beaucoup en termes de pourcentage de temps passé sur l’eau.
Nous n’aurons pas beaucoup de possibilités pour nous entraîner avant le Grand Prix d’Italie non plus…
C’est pour cela que nous devons vraiment optimiser le temps entre chaque étape du circuit en débriefant bien et en analysant avec précision tous les paramètres enregistrés lors des rares navigations pour arriver au Grand Prix suivant en ayant travaillé sur ses points faibles, à l’aide des nombreuses données mises à notre disposition, les datas, les vidéos…
Il y a vraiment moyen de faire mal à des gens en forçant le passage de cette manière
Extrêmement spectaculaires, les départs lancés au vent de travers provoquent parfois des situations tendues, notamment au moment d’abattre en grand, au passage de la première bouée. | SIMON BRUTY POUR SAILGP
Voiles et Voiliers : D’une façon générale, qu’avez-vous pensé de ce premier épisode de la nouvelle saison du circuit SailGP ?
Philippe Presti : C’est un show assez incroyable et les retours sont vraiment positifs.
Mais je ne pense pas qu’il faille se focaliser sur les incidents.
Je pense que ce serait une erreur de l’organisation de focaliser l’attention sur les chavirages ou les collisions parce qu’au bout du compte, ce que les coureurs veulent, c’est régater.
Je pense qu’il va falloir travailler les aspects de sécurité, reculer un peu le niveau de dangerosité.
Par exemple, sur la dernière Coupe de l’America, nous avions une zone de sécurité autour des bateaux à l’intérieur de laquelle nous étions pénalisés si nous y pénétrions.
Je pense qu’il faut clairement mettre un peu de distance entre les bateaux sur circuit SailGP aujourd’hui.
Quand je vois le départ des Espagnols contre les Français lors de la deuxième régate de la deuxième journée, ce n’est pas acceptable.
Il y a vraiment moyen de faire mal à des gens en forçant le passage de cette manière.
LA VIDÉO DU DÉPART TENDU ENTRE LES FRANÇAIS ET LES ESPAGNOLS :
https://www.facebook.com/watch/?v=496730988032591
Cela aurait pu mal finir pour nous aussi.
Nous ne l’avons pas vu, auquel cas nous aurions essayé de l’éviter, fait en sorte de ne pas taper…
Bref, je pense qu’il va falloir par de nouvelles règles pour obliger les équipages à mettre un peu de distance entre les bateaux.
Le système de pénalités n’est pas assez dissuasif à mon sens.
Il n’y a pas assez à perdre lorsque l’on prend des risques.
Voiles et Voiliers : Les Français ont bien performé en tout cas…
Philippe Presti : Oui ! Superbe performance des Français. C’est top ! C’est vraiment bien.
Du côté de notre équipe, c’est encore plus frustrant car nous étions un peu à la lutte avec eux mais c’est comme cela. Ils ont bien progressé par rapport au dernier Grand Prix. Ils vont vite. Pourvu que ça dure !