Profession Santé logo 29/07/2021

Par la Dre Ginevra Mills

Comment gérez-vous les non-vaccinés dans votre vie? Dans la mienne, il y a deux « catégorie » distinctes de personnes non vaccinées: celles qui ne veulent pas et celles qui ne peuvent pas.

Je n’arrive pas à décider lequel de ces groupes me frustre le plus.

Je vais commencer par les réticents.

C’est ma mère. Je suis sûre que tout le monde a une (ou plusieurs) personnes de ce type dans son entourage en ce moment.

Ma mère a une soixantaine d’années, elle est généralement en bonne santé (selon elle), elle a fumé pendant 25 ans (mais elle a arrêté il y a 10 ans), elle souffre de bronchite chronique (probablement une maladie pulmonaire obstructive chronique non diagnostiquée), d’obésité centrale et elle a de lourds antécédents familiaux de diabète et de maladies cardiovasculaires.

Elle croit également que le vaccin est une escroquerie et elle ne veut pas le recevoir.

Elle ne fait pas confiance à la « science » et croit plutôt aux multiples théories du complot qui circulent dans son groupe relativement fermé d’amis partageant les mêmes idées sur les médias sociaux.

J’ai essayé de discuter avec ma mère de la possibilité de se faire vacciner, mais en vain.

Je n’habite pas dans la même ville qu’elle et ma mère n’a pas eu l’occasion de nous rendre visite, à mes enfants ou à moi, depuis que les vaccins sont disponibles.

Ainsi, après notre première discussion, qui ne m’a laissé que de la colère, de la frustration et de l’incrédulité face à sa méfiance à l’égard de mon propre domaine professionnel, j’ai laissé tomber le sujet et ne l’ai plus abordé.

Cet été, cependant, nous passerons par l’Alberta en traversant le pays pour nous rendre en Colombie-Britannique.

Nous rendrons visite à ma famille, dont ma mère, pendant une semaine.

Il est fort probable que nous logerons chez elle ou, à tout le moins, que les enfants y passeront quelques nuits.

Sottement, j’ai pensé qu’en constatant l’énorme effort de l’Alberta pour vacciner la population et lever les restrictions, elle allait «voir la lumière» et se faire vacciner.

Mais elle ne l’a pas fait. Et elle n’en a même pas l’intention.

À ce stade, je vais passer aux non-admissibles.

Ce sont mes enfants. Ils sont âgés de 11, 9 et 5 ans.

À l’heure actuelle, il n’existe aucun vaccin approuvé pour leur groupe d’âge – donc même si je voulais les faire vacciner, je ne pourrais pas.

Néanmoins, l’impossibilité de faire vacciner mes enfants semble être matière à débat pour quiconque a son mot à dire sur la réglementation relative à l’assouplissement des restrictions actuelles.

Au fur et à mesure que les restrictions s’appliquant aux rassemblements et aux voyages s’assouplissent, chacun se voit attribuer un statut de « vacciné » ou de « non vacciné ».

Il n’y a pas de juste milieu pour le groupe « dans l’impossibilité de se faire vacciner », c’est-à-dire les enfants de moins de 12 ans.

Disons-le franchement, il s’agit bien là d’une nouvelle restriction, à peine voilée et préjudiciable, imposée aux jeunes enfants et à leur famille immédiate. 

En attendant que les vaccins soient disponibles pour les enfants de moins de 12 ans, notre famille demeure restreinte lors des rassemblements intérieurs, les voyages restent difficiles, et il semble qu’il y ait un élan visant à « protéger nos enfants » similaire à celui qui nous a si urgemment encouragés à « protéger nos personnes vulnérables ».

Il est également quelque peu insultant (pour moi en tout cas) qu’une personne comme ma mère puisse choisir de ne pas être vaccinée, et ainsi s’imposer elle-même de telles restrictions (même si elle ne le fait pas), mais que ma famille, elle, n’ait pas de choix.

Ainsi, dans un contexte où il y a dans ma famille proche à la fois des personnes réticentes à la vaccination et d’autres qui ne peuvent y avoir accès, que devrions-nous faire alors que les restrictions s’assouplissent cet été?

Je sais que certaines personnes choisissent de ne pas interagir avec des personnes non vaccinées.

Et dans quel but? Est-ce pour « protéger » les personnes non vaccinées de la maladie?

Est-ce pour protéger les vaccinés d’un risque inutile? Ou s’agit-il d’une forme subliminale de châtiment social pour ne pas avoir fait ce qui doit l’être afin que nous puissions tous revenir à une vie normale?

Dois-je refuser que ma mère rende visite à mes enfants sans restriction parce qu’elle a choisi de ne pas se faire vacciner?

Cela provoquerait un énorme drame familial, de la colère et des dissensions durables, que je pourrais imputer à son choix de ne pas se faire vacciner et qu’elle pourrait imputer au fait que je ne respecte pas son droit de choisir.

Quoi qu’il en soit, ce serait affreux.

Je pourrais avancer que j’essaie seulement de la protéger et que je me sentirais immensément coupable si elle tombait malade et devait être admise en soins intensifs parce qu’elle a eu des contacts avec mes enfants (qui NE PEUVENT PAS être vaccinés).

En réalité, elle pourrait se faire infecter par de nombreuses personnes, incluant mes enfants, et nous pourrions ne jamais être en mesure de prouver l’origine de l’infection.

Je pourrais aussi accepter que c’était SON choix, et que c’est la conséquence de son droit de choisir si elle tombe gravement malade.

Je pourrais aussi dire que j’essaie de protéger MES enfants, qui ne sont pas admissibles à la vaccination, d’une exposition inutile à des sources potentielles du virus.

Mais en toute honnêteté, les enfants ont un risque faible (je sais qu’il n’est pas nul) de contracter une forme grave de la COVID et ils ont suffisamment souffert des restrictions liées à la pandémie, qui semblent les avoir injustement affectés.

Mes enfants adorent leur grand-mère, mais ils la voient à peine; il serait injuste de les placer au milieu d’une querelle familiale qu’ils ne comprendront pas et qui ne fera qu’empirer leur expérience de la COVID… et puis ce serait la faute de leur grand-mère en plus de ça, n’est-ce pas?

Si l’on retire ma mère de l’équation, qu’en est-il des vacances en famille? 

Dois-je refuser que ma mère rende visite à mes enfants sans restriction parce qu’elle a choisi de ne pas se faire vacciner?

Comme tout le monde au Canada, lorsque les restrictions de voyage ont été levées, notre famille a commencé à planifier les vacances tant attendues et indispensables.

Malheureusement, notre excitation n’a duré qu’environ cinq secondes, soit jusqu’à l’annonce indiquant que TOUTE PERSONNE non vaccinée doit respecter une quarantaine de deux semaines à son retour au Canada.

Il ne s’agit pas d’une personne qui choisit de ne pas être vaccinée… mais d’une personne qui ne l’est pas.

Donc, bien que mon mari et moi soyons pleinement vaccinés, nous avons trois enfants qui n’y sont pas admissibles.

Par conséquent, ils ne peuvent pas voyager en famille à l’extérieur du pays, parce que cela implique de trouver comment mettre trois enfants (qui ont besoin d’une garderie ou d’aller à l’école) en quarantaine à notre retour.

A-t-on oublié que les parents de jeunes enfants (et les enfants eux-mêmes) ont déjà été victimes d’importants dommages collatéraux en raison des lourdes restrictions et fermetures pendant la pandémie?

Maintenant que l’étau autour de notre cou collectif se desserre enfin, les jeunes familles continuent d’être mises de côté par des restrictions qui échappent totalement à leur contrôle.

Si les enfants non vaccinés représentent un tel risque pour la société (ou est-ce envers eux-mêmes?), pourquoi ne reste-t-on pas en confinement pour continuer à les protéger?

Ou encore, pourquoi les tests d’innocuité sur les vaccins pour enfants n’ont-ils pas été lancés plus tôt ou accélérés?

La société s’est confinée pendant 18 mois pour protéger les plus vulnérables – ceux qui couraient le plus grand risque de tomber malade.

Maintenant que ces derniers sont tous vaccinés, pourquoi les enfants sont-ils encore les plus affectés par les règles et réglementations gouvernementales?

Les enfants sont un risque… ou pas. Ils ne peuvent pas être les deux en même temps.

Ainsi, alors que ma mère a fait le choix de ne pas se faire vacciner, acceptant ainsi d’être soumise à des restrictions permanentes et mettant peut-être en danger d’autres groupes « à risque » de la société, je n’ai pas eu la chance d’avoir un choix.

Mes enfants ne peuvent pas se faire vacciner, je dois rester vigilante et continuer à leur imposer des restrictions, je dois potentiellement mettre en péril des relations familiales à cause du droit au choix d’autres personnes, et même si mon mari et moi sommes adéquatement vaccinés, il semble que nous ne soyons guère récompensés pour avoir été des membres respectueux de la société.