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- Lors d’efforts continus de longue durée (semi-marathon, marathon, sortie cycliste…), mais aussi lors d’efforts fractionnés répétés un grand nombre de fois (10x400m ; 9×3 minutes au seuil…), même lorsque l’intensité reste constante, la fréquence cardiaque instantanée augmente au fur et à mesure que l’exercice se poursuit.
Ce phénomène, appelé dérive de la fréquence cardiaque, doit être compris et pris en compte par les entraîneurs et les sportifs pour une gestion optimale de l’effort et de la récupération à l’entraînement et en compétition.
Qu’est-ce-que la dérive de la fréquence cardiaque ?
La dérive de la fréquence cardiaque« est caractérisée par une augmentation de la fréquence cardiaque et de la consommation d’oxygène à mesure qu’un travail physique se poursuit pendant une période prolongée » (Trudeau & Bouchard, 2006).
Cependant, au cours de l’effort, d’autres paramètres cardiovasculaires évoluent corrélativement à la fréquence cardiaque.
Variation de quelques paramètres cardiovasculaires en fonction du temps d’effort
Fig. extraite de : Ekelund & Holmgren, 1967
L’augmentation de la fréquence cardiaque peut s’installer très tôt : Entre la 5ème et la 10ème minute d’exercice. Après une heure d’exercice, elle peut être de l’ordre de 10 à 15%.
Comprendre le phénomène de la dérive de la fréquence cardiaque
Lors d’efforts intermittents, l’évolution de ces paramètres rend compte de besoins tissulaires croissants : de pallier le déficit d’O2 et de nutriments, d’excréter le CO2 et les déchets métaboliques produits, de diminuer l’acidité, à fortiori en présence de microlésions.
Lors d’efforts continus et de longue durée (marathon, course cycliste…), la température ambiante semble être un déterminant de la dérive de la fréquence cardiaque : Coyle & Gonzalez-Alonso (2001) parlent d’« environnement chaud ou neutre ».
En effet, une des causes majeures de l’apparition de cette dérive serait la déshydratation (Coyle, 1998), conséquence d’une augmentation progressive de la vasodilatation de la peau lorsque la température corporelle augmente (Rowel, 1996). Ceci explique que « Cette dérive est caractérisée par une diminution progressive du volume d’éjection systolique et d’une augmentation de la fréquence cardiaque pour maintenir un débit cardiaque constant » (Coyle & Gonzalez-Alonso, Op. Cit.).
Ainsi et plus généralement, la dérive de la fréquence cardiaque « … peut varier selon plusieurs facteurs comme l’intensité de l’exercice, le stress, la déshydratation, la condition physique des sujets, la température de l’environnement et l’augmentation de l’activité du système nerveux orthosympathique par la fatigue… Ces facteurs peuvent agir de façon individuelle ou en interaction » Trudeau & Bouchard (Op. Cit.) citant Coyle & Gonzalez-Alonso (2001), Rowell (1986) et Coyle (1998).
Extension de sens
Le terme est également utilisé pour décrire l’élévation de la fréquence cardiaque à l’issue de phases de récupération (r) successives lors d’efforts intermittents (e.g. : 10 x 400m avec r=1’).
Certains auteurs utilisent le terme de dérive de la fréquence cardiaque pour d’autres échelles de temps que celui de l’exercice ou de la séance (cycle, microcycle, mésocycle, macrocycle…) notamment pour caractériser l’effet cumulatif de la charge d’entraînement.
Mise en évidence
L’utilisation d’un cardiofréquencemètre peut permettre aux sportifs et aux entraîneurs de mettre instantanément en évidence ce phénomène : « Pour des vitesses de course élevées, cette dérive peut intervenir rapidement, amenant le coureur dans une zone proche de la FCM (fréquence cardiaque maximale)… Pour les allures lentes (footing, en endurance fondamentale) ou modérées (allure marathon) elle s’installe de manière plus progressive dans le temps » Dorval (2011).
Phénomène de dérive de la fréquence cardiaque du 14èmeau 32èmekilomètre d’un marathon
« Sur cet exemple de marathon, on voit à partir du 14ème kilomètre que le rythme cardiaque augmente alors que la vitesse est stable »
Fig. extraite de : customercare.geonaute.com
Concernant les efforts fractionnés : « la dérive d’un fractionné à l’autre n’est pas significative, elle va s’apprécier en observant la différence entre le premier fractionné et le dernier fractionné ».
Exemple de dérive de la fréquence cardiaque lors de deux blocs de séries de 30″/30″
Fig. extraite de : onlinetri.com
Après échauffement (cercle vert) « deux blocs de 30/30 avec une intensité maintenue au fil des fractions… une forte dérive cardiaque à l’effort (représentée par les segments rouges et verts) encore plus marquée sur le 2ème bloc(hauteur et pente des segments) » (Roche, 2011a).
Prendre en compte la dérive de la fréquence cardiaque d’effort
L’augmentation progressive de la fréquence cardiaque doit être mise en évidence. Pour cela, l’utilisation d’un cardiofréquencemètre s’avère indispensable et pratique. La mise en évidence d’une éventuelle dérive de la fréquence cardiaque peut alors conduire soit :
- à maintenir les paramètres de l’exercice (nature, durée, intensité), car les exigences de l’activité l’imposent (e.g. : cross-fit, poursuite en cyclisme). Ceci concerne essentiellement les efforts intermittents ou continus en fin de préparation.
- à faire varier ces paramètres pour ramener et contenir la fréquence cardiaque en dessous d’une valeur limite car un des objectifs intermédiaires serait d’apprendre à gérer l’effort. Ceci concerne essentiellement les efforts continus de longue durée (e.g. : demi-fond, marathon, course cycliste, marche nordique) ou les exercices intermittents réalisés en début de préparation.
Par ailleurs, dans ce second cas et comme évoqué, ce type d’exercice doit inciter à boire régulièrement pour éviter la déshydratation, cause majeure de dérive de la fréquence cardiaque.
Prendre en compte la dérive de la fréquence cardiaque de récupération
L’augmentation progressive de la fréquence cardiaque, à l’issue de phases de récupération intercalées (e.g. : nature : passive ; durée : 1’) entre des efforts intermittents, doit être mise en évidence et inciter soit :
- à maintenir les paramètres de la récupération (nature, durée, intensité), car les exigences de l’activité l’imposent (e.g. : boxe, basket-ball).
- à moduler ces paramètres pour permettre à l’organisme de redescendre une fréquence cardiaque à une certaine valeur avant de reprendre l’exercice (e.g. : danse, BMX freestyle, fitness, changement de joueurs en sport collectifs).
Dans le premier cas, l’objectif est d’induire des adaptations physiologiques conduisant l’organisme à récupérer plus vite.
Pour cela, chez le débutant ou en début de saison, l’entraîneur planifiera d’abord de séance en séance des reprises d’effort en fonction d’une fréquence cardiaque progressivement croissante (100 bt/min, 105, 110, 120…). Dans un second temps, en gestion de sportifs plus avancés dans la pratique ou dans la saison sportive, l’entraîneur planifiera des reprises d’effort à partir d’une durée constatée vers une durée moindre exigée par l’activité (e.g. : 1’ chaque round de boxe, 1’ entre les premier et second, troisième et quatrième quarts-temps en basket-ball), tout en notant quand même les fréquences cardiaques de reprise d’effort, l’associant à des ressentis exprimés par le sportif.
Conclusion
La dérive de la fréquence cardiaque « …révèle une augmentation du stress physiologique » Coyle & Gonzalez-Alonso (2001). Elle est, par exemple, un indicateur du niveau de déshydratation.
Si la dérive de la fréquence cardiaque est à éviter en compétition, il peut être intéressant de l’induire à l’entraînement pour apprendre à la gérer ou à la diminuer.
Optimisation de la dérive de la fréquence cardiaque par l’entraînement en course fractionnée de 5 x 1000m
Fig. extraite de : sites.google.com/site/entraineursdefootball/
Ainsi acquise, « La stabilité de la fréquence cardiaque est… l’indice d’une bonne adaptation à l’effort… » Doucet (2016).
Par ailleurs, « pour beaucoup, la dérive (de la fréquence) cardiaque se réduit à l’augmentation (graduelle) de la fréquence cardiaque au cours d’un exercice d’intensité constante » Roche (2011). Or, l’évolution de la fréquence cardiaque de récupération est aussi un indicateur pertinent pour gérer l’entraînement. Enfin, il faut envisager que la dérive de la fréquence cardiaque n’est pas qu’une tendance à la hausse ; la tendance à la baisse de la fréquence cardiaque est une autre forme de dérive à prendre en compte.
Exemple de dérive cardiaque en VTT
Fig. extraite de : diet-sport-coach.com
Enfin, si Trudeau & Bouchard (2006) ont montré que « l’intensité de travail soit auto-ajustée… (inconsciemment ou non) … diminue la probabilité d’avoir une dérive cardiovasculaire ». Ceci incite à laisser une part importante aux ressentis dans la gestion de l’effort.
Rachid ZIANE
Références
- Coyle, E.-F. (1998). Cardiovascular drift during prolonged exercise and effects of dehydration.International Journal Sports Medicine : 19 suppl.2, s121-124.
- Coyle, E.-F. & Gonzalez-Alonso, J. (2001). Cardiovascular drift during prolonged exercise : new perspectives.Exercise and Sport Sciences Reviews : 29, 88-92.
- Delore, M. (2015). Le Ruffier-Dickson : un vieux test qui ne sert à rien.En ligne
- Dickson, J. (1950). Utilisation de l’indice cardiaque de Ruffier dans le contrôle médico-sportif. Med. Educ. Phys. Sport :2, 65.
- Dorval, G. (2011). Quid de la dérive cardiaque !En ligne.
- Doucet, C. (2016). Utilisation de la fréquence cardiaque pour le suivi de l’entraînement.En ligne.
- Ekelund, L.-G. & Holmgren, A. (1967). Circulatory and respiratory adaptations during prolonged exercise. Acta Physiologica Scandinavica. 292(70) : 5-38.
- Roche, A. (2011a). Lire une courbe de fréquence cardiaque : Etude des dérives cardiaques.En ligne.
- Roche, A. (2011b). La dérive cardiaque : Indicateur de suivi de l’entraînement.En ligne.
- Trudeau, F. & Bouchard, D.-R. (2006). Reproductibilité de la relation fréquence cardiaque-consommation d’oxygène.Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail. Québec. En ligne.