THÉRAPEUTIQUES
Par le Dr Julie Sarfati (Paris) [Déclaration de liens d’intérêts]
Article commenté : Effects of Gender-Affirming Hormone Therapy on Insulin Sensitivity and Incretin Responses in Transgender People. Shadid S, Abosi-Appeadu K, De Maertelaere AS et al. Diabetes Care. 2019 Nov 18. doi: 10.2337/dc19-1061.
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Malgré l’influence établie des hormones sexuelles sur la composition corporelle et l’association évidente entre la composition corporelle et la sensibilité à l’insuline, les effets directs des hormones sexuelles sur la sensibilité à l’insuline et les incrétines sont controversés.
Les résultats in vivo sont variables. Par exemple, les estrogènes augmentent la sensibilité hépatique en insuline et la sécrétion pancréatique chez les souris. Cependant, quand ils sont administrés aux femmes, avant et après la ménopause, les estrogènes ont été associés à une augmentation et à une diminution de sensibilité à l’insuline.
De façon analogue, bien que l’hypogonadisme soit associé à un profil métabolique défavorable, un plus grand risque de diabète de type 2, l’administration exogène de testostérone chez les hommes hypogonades n’a montré que des améliorations modestes et non significatives de sensibilité à l’insuline. De plus, la testostérone totale est généralement augmentée chez les femmes obèses et insulino-résistantes et basse chez les hommes obèses et insulino-résistants.
Ainsi, l’effet des hormones sexuelles sur la sensibilité globale à l’insuline semble complexe et peut différer selon les sexes et les circonstances physiologiques. De plus, d’autres variables peuvent intervenir comme l’âge, les déterminants génétiques, l’activité physique et le tabac…
De façon intéressante, les incrétines peuvent intervenir dans cette relation complexe. En effet, elles sont liées à la résistance à l’insuline et aux hormones sexuelles. Dans des circonstances physiologiques, les incrétines amplifient la réponse insuline à une ingestion orale de glucose, cet effet est altéré en cas d’obésité, d’insulino-résistance… les récepteurs au GLP1 sont également fortement représentés dans le système reproductif et une interconnection incrétines-hormones sexuelles a également été suggérée.
Différents niveaux d’action, la GnRH, le relargage LH, le SOPK… mais il est finalement très difficile d’isoler un effet propre des incrétines qui ne passerait pas par le biais de la résistance à l’insuline…
L’objectif de cette étude était donc d’éclaircir ces données chez des patients transgenres.
Des patients transgenres en thérapie hormonale de réassignation du sexe étaient inclus dans l’étude : 35 transgenres hommes (sexe de naissance féminin avec traitement de masculinisation) et 55 transgenres femmes (sexe de naissance masculin et traitement de féminisation).
Les patients transgenres femmes recevaient 50 mg d’acétate de cyprotérone et des estrogènes, 2 mg de valerate d’estradiol ou par voie transdermique chez les plus de 45 ans. Les patients transgenres hommes recevaient 1000mg de testostérone toutes les 12 semaines.
Avant et après 1 an de thérapie hormonale, la composition corporelle et le test de tolérance au glucose étaient évalués associés à des dosages de GLP1, GIP
Initialement les transgenres femmes sont plus nombreux et plus âgés que les hommes. Les 2 populations sont minces mais diffèrent dans leur composition corporelle comme prévu. Les transgenres femmes ont une répartition du tissu adipeux plus centripète et les transgenres hommes ont un ratio taille/hanche plus bas. Deux transgenres hommes et 3 transgenres femmes avaient une anomalie du métabolisme glucidique initialement (hyperglycémie à jeun/prédiabète).
Après traitement de masculinisation, d’un point de vue corporel, il existe une augmentation de taille et du ratio taille/hanche. Le tour de hanche était, lui, inchangé. L’activité physique semblait être, elle, plus importante.
Biologiquement, la glycémie à jeun était inchangée post intervention. Les taux d’insuline à jeun et de HOMA étaient plus faibles sans atteindre la significativité. Pendant l’HGPO, les aires sous la courbe du glucose et insuline étaient inchangées alors qu’il existait une augmentation dans celle du GIP et du GLP1.
Après féminisation, il y avait une tendance à la prise de poids, une augmentation du tour de hanche avec une chute du ratio taille/hanche malgré une augmentation d’activité. Biologiquement, la glycémie à jeun était inchangée post intervention mais les taux d’insuline à jeun et de HOMA étaient plus significativement plus élevés. Pendant l’HGPO, les aires sous la courbe du glucose et du GIP étaient diminuées alors que celles de l’insuline et du GLP1 étaient inchangées.
En conclusion, certains paramètres de sensibilité à l’insuline changent après traitement hormonal de réassignation de sexe. Il existe une tendance vers l’augmentation de sensibilité à l’insuline lors de la masculinisation et une diminution de sensibilité en cas de féminisation. Ces modifications sont en accord avec les changements de composition corporelle. Ces effets ne sont pas généralisables au traitement habituel.
Cependant, nous ne savons pas si les hommes et femmes ont, intrinsèquement, une sensibilité différente à l’insuline et si cela peut être shifté par la masculinisation ou la féminisation.
Date de publication : 18 décembre 2019